Par-delà sa bouillabaisse, ses Calanques et la fameuse basilique Notre-Dame-de-la-Garde qui veille depuis la colline, la deuxième ville de France en termes de population est aussi un paradis pour les amateurs d’architecture contemporaine. Panorama.

Pour se plonger dans l’ambiance de la Cité phocéenne, rien de mieux que de rejoindre, en fin de journée, le Vieux-Port, via la Canebière. Lorsque la chaleur se fait plus vive, il règne sur cette grande artère, allant de l’église des Réformés à la Méditerranée, une effervescence qui n’est pas sans rappeler celle des souks d’Afrique du Nord. Discussions houleuses aux terrasses, étals de légumes débordant sur le trottoir, chassé-croisé de voitures, piétons et trams, le tout-Marseille se bouscule sur le pavé à l’heure du pastis. C’est qu’avec ses plus de 850 000 habitants et ses 5 millions de touristes annuels, cette métropole aux 300 jours de soleil par an affiche une densité toute méridionale. Une fois sur les quais, l’ambiance s’apaise toutefois. Certes, la foule reste présente en saison, mais l’horizon s’élargit et, au bord de l’eau, les pêcheurs qui détricotent leurs filets nous rappellent que cette destination – classée en 2010, par le National Geographic, dans le top 10 mondial des villes de bord de mer – est aussi un coin authentique de Provence où la douceur de vivre fait figure de loi. C’est là également, en regardant les voiliers et yachts amarrés aux pontons, qu’on découvre une facette plus surprenante de l’endroit : son architecture contemporaine. Pour faire honneur à son titre de Capitale européenne de la culture 2013, le chef-lieu des Bouches-du-Rhône a en effet repensé – et semi-pietonnisé – ses quais, sous la houlette du starchitecte britannique Norman Foster et du paysagiste français Michel Desvigne. Point d’orgue de cette rénovation : un miroir horizontal géant, placé à six mètres de hauteur, sous lequel aujourd’hui les passants aiment se poser à l’ombre… et se photographier. Cette méga-installation témoigne de l’énergie novatrice qui se dégage de la plus ancienne ville de France, fondée il y a 2 600 ans, et donne le ton d’une autre visite des lieux, tournée vers l’avenir. On vous souffle les pistes à suivre pour humer ce vent innovant…

1. LE MUCEM, NOUVEAU FORT

C’est la pièce maîtresse de ce trip axé sur l’art de bâtir. Faisant face au large, au bout du port, sur l’ancien môle portuaire J4, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, inauguré en 2013, a été dessiné par l’architecte provençal Rudy Ricciotti (lire par ailleurs) -auteur chez nous du récent musée de La Boverie, à Liège. On peut aborder cet immense cube couvert d’une dentelle de béton noir des plus intrigantes par le fort Saint-Jean, qui a récemment bénéficié du réaménagement complet de ses espaces extérieurs. De là, on accède, via une passerelle de 115 mètres de longueur et 19 mètres de hauteur, au sommet du Mucem. L’édifice est soutenu par plus de 300 poteaux périphériques libérant le centre de toute structure portante, une prouesse d’ingénierie. Sur le toit, une agréable terrasse permet de se désaltérer, de grignoter un pan bagnat ou tout simplement d’observer le paysage, affalé sur l’une des chaises longues mises à disposition. On plongera ensuite dans les entrailles de la construction, via des rampes ajourées, pour rejoindre le rez-de-chaussée et les caisses au niveau de l’eau. Une expérience spatiale incroyable, encore magnifiée par le panorama. Juste à côté de ce chef-d’oeuvre 3D, on ira également jeter un oeil à la Villa Méditerranée de l’architecte italien Stefano Boeri. Le signe distinctif de cette institution proposant expos et événements : un porte-à-faux de 40 mètres de longueur qui défie les lois de la pesanteur.

Après avoir visité l’un des accrochages proposés par le Mucem, tous ayant des scénographies attractives et bien étudiées, on quittera l’ouvrage via le fort et une deuxième passerelle, aussi élégante et vertigineuse que la première, qui enjambe la route et mène au parvis Saint-Jean… et au Panier.

2. LE PANIER ARTY

Les guides disent que c’est dans ce quartier qu’on retrouve  » le vrai esprit de Marseille « . Probablement. C’est en tout cas là qu’on perçoit le mieux la sérénité d’antan. Durant des décennies, les immigrés débarquant dans la cité furent installés ici. Peu à peu, la zone devint moins bien fréquentée, petits voyous et grands truands y élisant domicile – en 1943, Hitler utilisera ce prétexte pour faire raser une partie de ce territoire… Aujourd’hui, les ruelles très typées offrent l’opportunité d’une balade sans but, et pas que pour les amoureux de pierres patinées. Car, au détour d’une façade fissurée ou d’une placette arborée façon vieille France, on découvrira de petits ateliers d’artistes et des galeries parfois très contemporaines. Il existe également de nombreuses fresques urbaines à débusquer dans les parages (voir sur Facebook : Street-Art-Tour-Marseille-le-Panier).

On ne quittera pas cette frange de la ville sans un passage par la Vieille-Charité, témoignage de l’architecture civile du XVIIe, classée monument historique dans les années 50, à la demande du Corbusier himself et aujourd’hui restaurée avec beaucoup de subtilité. La cour, ponctuée d’arbres en pot, est un vrai havre de paix dans le brouhaha citadin. Après cette parenthèse silencieuse, on repartira vers le nord et le nouveau port pour reprendre cette immersion architecturale.

3. KUMA, HADID ET CONSORTS

C’est derrière le Panier, en rejoignant les infrastructures maritimes via le boulevard de Dunkerke, qu’on croisera un étrange bâtiment de coin, recouvert de 1 500 pixels de verre et conçu par le Japonnais Kengo Kuma. Il abrite le Frac Paca (pour Fonds régional d’art contemporain, Provence-Alpes-Côte d’Azur). A l’intérieur, l’espace se veut complètement libéré :  » C’est un signal dans la ville pour donner une meilleure visibilité à l’art contemporain. Ouvert à la fois sur la cité par ses façades et en coeur d’îlot, ce bâtiment  » transparent  » efface l’architecture pour mieux percevoir son environnement immédiat, offrant aux visiteurs des points de vue et des perspectives intérieures et extérieures surprenantes « , décrivent assez bien les responsables de cette institution.

On traversera le boulevard pour rejoindre le front de mer, où un complexe, ouvert en 2014, fait le bonheur des accros du shopping : les Terrasses du Port, un centre commercial immense, certes classique, mais qui, outre le fait qu’il bénéficie depuis cette année du seul Apple Store avec vue sur mer du monde, est surtout équipé d’une magnifique terrasse – d’où son nom – où il est agréable de se balader ou prendre un verre. Un promontoire parfait également pour observer la tour de bureau de la compagnie maritime CMA CGM, réalisée par Zaha Hadid, grande dame de l’architecture mondiale décédée ce printemps. S’élevant à 145 mètres, c’est le plus haut édifice de la ville… Juste derrière, un gratte-ciel conçu par Jean Nouvel est en chantier. Dans le même coin, se trouvent encore Les Docks Village, un autre paradis fashion niché dans d’anciens entrepôts du XIXe siècle.

4. TEMPLE DU MODERNISME

Incontournable pour tous ceux pour qui béton, verre et métal peuvent rimer avec poésie et imagination, la Cité Radieuse de Le Corbusier sera rejointe en transports en commun ou en voiture, en longeant les plages – à éviter aux heures de pointe – puis en s’enfonçant dans le tissu urbain. Ne pas espérer flâner aux alentours à la recherche d’un petit resto sympa,  » l’unité d’habitation « , qui fait figure de manifeste du Modernisme, est dans un quartier peu touristique. On y débarque comme si on habitait cet immeuble, en se garant dans le parking des résidents pour ensuite en faire le tour à sa guise. Objectif : percevoir chaque détail d’un monument étudié dans les écoles d’architecture de la terre entière parce qu’il représente les fondements de ce courant constructif : pilotis pour libérer le sol, toiture destinée à la collectivité, dimensionnement ajusté à la taille du Modulor – une silhouette humaine standard imaginée par le maître. Pour pénétrer à l’intérieur, plusieurs options. La première : signer le registre à l’accueil et découvrir gratuitement le hall d’entrée, le très sculptural toit-terrasse, pourvu d’une piscine réservée aux habitants et d’une galerie dédiée au design (le Mamo), ainsi que la troisième rue marchande (entendez l’un des couloirs de ce complexe comprenant des appartements mais aussi quelques magasins de proximité et des services). Ceux qui désirent entrer dans l’un des appartements privés devront, par contre, s’inscrire à une visite guidée de l’Office de tourisme… Ou dormir sur place dans l’hôtel qui a investi une partie des lieux et propose des chambres (un peu acétiques pour le prix) meublées des grands classiques corbuséens. Il est alors parfois possible de demander à la réception un accès au logement d’un particulier, prêt à ouvrir sa porte pour quelques euros. Avantage de la nuit sur place : l’accès à la toiture, une fois le soleil couché, pour une vue unique sur la ville by night.

5. LES BONUS

Ceux que ce bain d’archi n’aura pas encore rassasiés pourront faire un détour par le stade Vélodrome – qui accueillera notamment une demi-finale de l’Euro ce 7 juillet. Ce monument où l’OM a écrit ses plus belles pages a été récemment modernisé et agrandi pour recevoir désormais jusqu’à 67 000 spectateurs, avec gradins couverts. Cette rénovation s’inscrit dans un projet plus large d’éco-quartier.

On pointera enfin, au rayon bâti, la friche La Belle de Mai qui a pris place dans une ancienne usine à cigarettes : un espace de travail pour 400 artistes, mais aussi un lieu dédié aux manifestations artistiques en tout genre. On y trouve des aires de jeux, un restaurant, des salles de spectacles et d’expos… et un toit-terrasse de 8 000 m2 offrant une vue imprenable et nombre d’activités en plein air, chaque été. De quoi se convaincre, si ce n’était déjà fait, que la cité où naquirent Fernandel, Maurice Béjart, Elie Kakou ou IAM est très certainement l’une des villes les plus créatives des bords de Méditerranée… Et ce n’est pas un Marseillais qui vous le dit !

PAR FANNY BOUVRY

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