Situés en bordure des grands domaines skiables, d’authentiques villages de montagne sont reliés à des centaines de kilomètres de pistes. Weekend Le Vif/L’Express en a sélectionné dix, nichés au creux des vallées alpines, qui conjuguent belle glisse et charme.

Carnet de voyage en page 88.

Champagny – Les portes du paradis

Impasse du Cousin-Victor, rebouteux, rue de la Tante-Angèle, d’Athanase ou de Théophile : les voies de Champagny-en-Vanoise, petite commune de Savoie reliée au domaine de La Plagne, ont repris les noms des grandes figures de la vie du village, ce qui donne à la balade tout son charme. Les vieilles maisons du quartier du Crey et du Planey, un peu de guingois, se glissent au milieu de constructions plus récentes. Ici, ce sont de gros chalets traditionnels ; là, quelques granges qui cohabitent avec des résidences cossues. Dans la montée Saint-Antoine, on se croirait encore au siècle dernier : une corde grossière court le long du mur et, au sommet d’une autre rampe, qui rappelle aux paroissiens combien il est dur de monter au paradis, l’église baroque, bâtie sur du gypse instable, tente de tenir debout.

Un petit livret illustré d’aquarelles, vendu à l’office du tourisme, propose plusieurs itinéraires de découvertes dans les rues du bourg et dans celles des hameaux de Champagny-le-Haut : ce vallon, classé depuis 1986 aux Monuments historiques pour  » la beauté de ses paysages et l’architecture de ses villages « , ressemble à un petit paradis nordique. C’est une vallée (auge) fendue par les eaux du Doron, couronnée de glaciers dominés par la silhouette trapue de la Grande Casse. Les conditions climatiques particulières ont permis d’y installer une cascade de glace artificielle pour les amateurs d’escalade et un circuit de ski de fond (ou de raquettes). Tout au bout, à Friburge, empilage romanesque de pierres plates et de bois mangé par le froid, un seul habitant réside à l’année : un sculpteur sur bois qui veille sur une trentaine de maisons serrées les unes contre les autres, à l’abri des avalanches derrière un éboulis rocheux. Cela mérite bien une petite visite… Surtout que Champagny n’est plus seulement un satellite de La Plagne : le plus grand téléphérique du monde, inauguré l’an dernier, relie La Plagne aux Arcs, formant l’immense domaine Paradiski (425 km de pistes). Il ne faut que cinquante minutes à un skieur moyen pour rejoindre le Vanoise Express à Montchavin-Les Coches. Après le village, ce domaine gigantesque sera à coup sûr le deuxième paradis de vos vacances.

Saint-Gervais – La petite s£ur du Mont-Blanc

Située à deux pas de Megève, la discrète Saint-Gervais partage avec sa riche voisine un domaine skiable de 420 kilomètres. Face au relief tranchant et vertical des aiguilles de Chamonix, les pistes serpentent parmi sapins, chalets et fermes d’alpage. Construite en étages, de 50 à 1 500 mètres d’altitude, Saint-Gervais présente trois visages biens distincts. Le front de neige, au Bettex, station au » pied des pistes « , offre la plus belle vue sur le Mont-Blanc. Saint-Nicolas-de-Véroce a conservé son cachet montagnard : un hameau de chalets brunis, lovés autour de l’église, chef-d’£uvre baroque du xviiie siècle. Plus bas, le c£ur historique de Saint-Gervais renoue avec son passé de station thermale. Le village, dans un décor inchangé de façades Art nouveau et de maisons en pierre de taille, a su garder l’atmosphère sereine des villes d’eaux tout en adoptant le dynamisme d’une station de ski. Les thermes, exploités depuis 1806, dans l’écrin du parc du Fayet, dispensent depuis peu des soins de balnéothérapie à l’eau de montagne. La télécabine relie en dix minutes la petite ville au front de neige. Mieux encore : le tramway du Mont-Blanc emmène les touristes avec leurs skis jusqu’au plateau de Bellevue. La seule montée vaut le voyage, dans les antiques wagons, à travers la forêt.

Champéry – Le charme suisse

Sous les Dents du Midi, qui s’irisent, le soir, de reflets rougeoyants, le village de Champéry, en Suisse, semble ne pas avoir changé depuis des siècles. Les vieux chalets, parés de bois sculptés et de balcons tournants, avancent toujours leurs typiques toits en sifflet au-dessus de la rue principale et continuent de protéger leurs vastes cheminées derrière des volets ajourés. Le village a basculé de la rude économie de montagne à l’ère du tourisme sans perdre son âme ni son charme. Au café du Centre, au-dessus de la porte d’entrée, la chaîne semble encore attendre l’heure de la criée, souvenir d’un temps pas si lointain – la tradition n’a été abandonnée que dans les années 1970 – où le président de la commune, au sortir de la messe, haranguait les villageois pour des annonces publiques.

Une bande dessinée en vente à la librairie raconte la vie du village en 1863, et les planches de l’ouvrage, reproduites sur des panneaux d’information, sont à découvrir au gré des rues. On y apprend que, dès le xixe siècle, les habitants louaient la  » ferme d’en bas  » aux aristocrates étrangers cependant que les travaux d’été les occupaient dans les chalets d’alpage. Aujourd’hui, c’est un peu le contraire : l’hiver, le téléphérique et deux nouveaux télésièges montent les skieurs sur les pâtures enneigées.

Car Champéry est désormais l’une des 14 entrées des Portes du soleil, un domaine skiable de 650 kilomètres de pistes, brouillant les frontières entre la France et la Suisse. Là où les contrebandiers avaient ouvert la voie, les skieurs jouent allègrement à saute-frontière, en suivant le soleil du Valais à la Haute-Savoie.

On skie  » dré dans l’pentu  » (sur des flancs abrupts) du côté d’Avoriaz, Châtel, Morgins et dans le mur de bosses de Chavanette, à Champéry, l’une des pistes noires les plus redoutées d’Europe. Ou l’on se balade entre Morzine et Les Gets, au milieu des sapins, en admirant le lac Léman et le Mont-Blanc. Et, entre deux descentes, on fait son marché dans les cantines : ici un fromage de chèvre, là un saucisson au cumin…

La vallée de l’Eau d’Olle – Le massif de l’Oisans au naturel

C’est une vallée dérobée dans le monumental massif de l’Oisans, en Isère. Si on skie depuis longtemps sur l’autre versant de la montagne, à l’Alpe-d’Huez, cela ne fait qu’une petite vingtaine d’années que les villages de la vallée de l’Eau d’Olle, Villard-Reculas, Oz et Vaujany, sont efficacement reliés au domaine des Grandes Rousses : 230 kilomètres de pistes, dont la plus longue en Europe, Sarenne (16 km de descente). En réalité, il y avait un téléski à Villard-Reculas depuis… 1946, mais le petit village ne s’était pas développé, faute de route ! Aussi reculé que son nom l’indique, il était isolé de sa vallée par la neige près de six mois par an. En 1970, alors qu’il ne restait plus là-haut que six habitants valeureux, le maire entreprit un sauvetage grâce à un  » remembrement urbain  » et la création d’une route. Pionniers du développement maîtrisé, les habitants de Villard ont sciemment évincé les promoteurs de l’Alpe-d’Huez et opté pour la construction de sobres chalets crépis, rigoureusement dans l’esprit du pays.

Aujourd’hui, le nouveau télésiège débrayable permet aux skieurs de rejoindre en quelques minutes les 230 kilomètres de pistes des Grandes Rousses. Mais l’afflux touristique (modeste) n’a pas effacé le charme sauvage des lieux et le goudron n’a pas encore recouvert le schiste dans les ruelles du village.

La vallée de l’Eau d’Olle n’a jamais aussi bien porté son nom que depuis la construction du barrage hydroélectrique de Grand-Maison, mis en service en 1988, qui a permis le développement du ski dans les autres villages, à Oz-en-Oisans, station d’altitude très humaine lancée en 1989, et à Vaujany, relié aux Grandes Rousses depuis 1990. Ce repaire haut perché a conservé son cachet, superposant aux chalets du xviie siècle des constructions imitant l’ancien. Les cabines de son téléphérique furent un temps les plus vastes du monde, avec 160 places, pour 220 habitants et 1 800 touristes. Aucun risque de faire la queue.

Le Monêtier-les-Bains – Sous le signe de l’eau

Le village porte bien son nom : ici, l’eau est omniprésente. Elle dévale de la montagne, court entre les vieilles maisons trapues, irrigue le réseau de canaux qui enlace le bourg. L’unique partie goudronnée, la route nationale, relie entre elles les différentes stations de Serre-Chevalier. Mais pas besoin d’emprunter ce chemin pour atteindre le domaine de  » Serre-Che  » et ses 250 kilomètres de pistes : les skieurs n’ont qu’à traverser le torrent de la Guisane, et les télésièges sont là, prêts à s’envoler pour le grand blanc. Et n’oubliez pas de glisser un maillot de bain dans votre sac à dos ! Le soir, les Bains du Monêtier offrent aux muscles fatigués un moment de détente dans la piscine extérieure, alimentée par une eau thermale à 37 °C. Le feu et la glace réunis !

La Rosière – L’appel de l’Italie

A chaque virage, on prend de l’altitude. Sur la route en lacets, qui grimpe pendant 16 kilomètres, on semble littéralement s’envoler au-dessus de la vallée de la Tarentaise. Au sommet, La Rosière dévoile son panorama prodigieux, face à une mer de montagnes immobiles. Et, au coucher du soleil, le mont Pourri, tel un phare sur ce paysage, reflète les derniers frémissements du jour.

En trois ans, cette station quadragénaire a ravalé toutes ses façades et propose aux vacanciers de petites résidences de quatre ou cinq étages, en pierre, bois et lauzes, des chalets secrets lovés au c£ur de forêts de mélèzes, dans le quartier du Gollet, ainsi que des maisonnettes au pied des pistes et intimistes aux Eucherts.

Dans le sillage des pèlerins et des contrebandiers, les skieurs empruntent le col du Petit-Saint-Bernard, voie transfrontalière majeure depuis des siècles. Avant de filer boire un cappuccino en Italie, les Français saluent du bout de leurs spatules relevées la statue du saint, posée au xixe siècle sur une colonne dédiée à Jupiter, laissée par les Romains. Car La Rosière, à la fois familiale et internationale, ne forme qu’un seul et même domaine avec la station valdôtaine de La Thuile, l’espace San Bernardo – 150 kilomètres de ski sans frontière – qui rappelle qu’avant 1860 la Tarentaise et le Val d’Aoste étaient unis dans le duché de Savoie.

Pour changer de la trilogie fondue-raclette-tartiflette, il suffit de se laisser glisser de l’autre côté pour se régaler de pâtes fraîches, de bruschetta, de gnocchis et de polenta, les pieds dans la neige. Au restaurant du Riondet, on déguste la pancetta, la coppa et l’arna, servies sur des planches de bois. Et on finit de descendre jusqu’à La Thuile sur la piste n° 7 (une vraie balade), qui suit le tracé de la route, ponctuée çà et là de saugrenus panneaux de limitation de vitesse.

Côté italien, les versants nord réservent un bel enneigement et des champs de poudreuse, tandis que, côté français, on skie au soleil. On peut encore opter pour la troisième voie, celle des airs. L’héliski est en effet praticable à La Rosière (au départ du col du Petit-Saint-Bernard, encadré par des guides de haute montagne), sur les pentes vierges du Ruitor (2 100 mètres de dénivelé), du Miravidi et du mont Ouille.

Samoëns – Sous la neige, l’art et l’histoire

C’est la seule station de ski classée  » pays d’art et d’histoire  » par les Monuments historiques. Il est vrai que ce splendide village, niché dans la vallée du Haut-Giffre, en Haute-Savoie, porte en ses vieilles pierres sculptées la marque indélébile du talent des  » frahans  » : Samoëns a formé, pendant des siècles, les meilleurs tailleurs de pierre du pays. Cette confrérie était à ce point réputée que des enfants du village furent appelés sur les grands chantiers de Vauban et Bonaparte. Aujourd’hui encore, Samoëns est un petit bijou à l’atmosphère médiévale qui se découvre au fil des rues étroites ; ici, les frahans ont laissé leur empreinte sur les linteaux de porte ou les encadrements de fenêtre, là, ils ont ouvragé le rebord des fontaines, dessiné des dentelles de pierre sur les piliers de la halle du xvie siècle…

A Samoëns, la tradition cohabite avec l’industrie touristique, dans une logique de développement durable. Depuis l’an dernier, une télécabine relie en huit minutes le bourg, niché à une altitude de 700 mètres, aux 265 kilomètres de pistes du domaine du Grand Massif. En haut, c’est le paradis blanc : la piste des Cascades descend sur 14 kilomètres, du sommet des Grandes Platières aux rives du Giffre, révélant tour à tour le Mont-Blanc, le désert de Platé, le lac de Gers, des cascades gelées et, si vous ouvrez bien les yeux, tout le peuple de chamois, d’aigles et de bouquetins qui hante cette réserve naturelle… La balade en Technicolor (la piste, bleue, est très facile) s’achève devant la coopérative laitière du village, qui fabrique une délectable tomme et du reblochon. Samoëns perpétue donc ses traditions. Le gros tilleul planté sur la place principale en 1438, et toujours vigoureux, semble y veiller.

Saint-Sorlin-d’ArvesPerle de la Maurienne

A l’entrée, l’église veille, portant sur ses flancs d’étranges couronnes de perles et de fleurs séchées, selon une antique tradition de la Maurienne. A Saint-Sorlin, au milieu des sapins, on entrevoit bien un ou deux bâtiments modernes plantés sur la pente, mais le vieux village a su conserver son authenticité. Ici, chaque famille règne encore sur un petit domaine de quatre bâtiments de bois : la maison, le grenier sur pilotis, le  » trésor  » et le chalet, en amont, où l’on hisse le foin avec un filin. Comme par réflexe, le touriste se fait discret afin de ne pas rompre le charme. Mais, tout traditionnel qu’il ait su rester, le village de Saint-Sorlin est aussi l’une des portes du domaine des Sybelles, le quatrième parc skiable français, avec ses 310 kilomètres de pistes : six stations reliées autour de l’Ouillon, formant à la Maurienne comme une couronne dont Saint-Sorlin serait la perle.

Léa Delpont et Ada Mercier

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content