Légers, élastiques, mélangés, les nouveaux tissus nous mettent à l’aise. Et inspirent les créateurs.

 » Le confort est à la mode ce que la qualité est au luxe : une évidence « , assène Marc Audibert, l’actuel designer des lignes Ferragamo et tenant du  » bi-Stretch « , un textile extensible à l’horizontale comme à la verticale, particulièrement bien adapté aux mouvements du corps. Il a fallu attendre longtemps avant qu’il ne devienne cet indispensable alter ego du style. Car l’adage contraignait plutôt les femmes à  » souffrir pour être belles « . Poiret commença par libérer la taille ; Chanel apporta ses pulls en jersey, ses jupes et ses pantalons tout en souplesse ; puis vint, dans les années 1950, la vogue du sportswear américain. A la même époque entraient en scène les fibres synthétiques. D’abord réservées au sport et à la lingerie, elles durent gagner en technicité et en performance pour s’emparer de nos vêtements de ville. Une conquête déterminante qui, associée à de nouveaux modes de traitement des fibres traditionnelles, a donné naissance à une nouvelle génération de tissus. Le confort pouvait alors entrer véritablement en mode.  » Il y a vingt ans, confie Danièle Jegot, directrice artistique des lignes Georges Rech, nous n’étions pas prêts à travailler ces matières encore imparfaites. Nous avons commis beaucoup de bourdes, mais tout le monde a, depuis, accompli des progrès « . Dans les années 1980, cette marque ne présentait dans ses collections qu’un seul type de tissu  » technique « . Celles des années 2000 en comptent une demi-douzaine, du polyuréthanne, allié à la laine, au polyester japonais, façon crêpe de soie. Entraînés par quelques célèbres pionniers, les stylistes les ont adoptés peu à peu, y puisant de nouvelles sources d’inspiration : il y a vingt ans, Azzedine Alaïa signait des prouesses drapées et sculpturales, très  » seconde peau « , grâce à l’élasthanne ; Issey Miyake inventait, en 1991, les fameux Pleats Please (voir l’encadré en page 133); Marc Audibet lança ses enveloppes en Stretch ; Marithé et François Girbaud façonnèrent une mode fonctionnelle et usuelle à grand renfort de fibres high-tech, comme le Cosa, un polyester hyperrésistant venu du Japon, infroissable, lavable en machine et séchant vite. Car le confort, c’est la liberté du corps, son bien-être, mais aussi l’entretien facile des vêtements. Le tout enfin réconcilié avec l’esthétique.

 » Depuis cinq, voire dix ans, la révolution est visible sur les étiquettes « , explique Sophie Bramel, coauteur d’un ouvrage consacré à ces matières futées ( » Une seconde peau « , éditions Alternatives, 1999). Un soupçon de polyester donne au tee-shirts en coton de Lucien Pellat-Finet plus de maintien. Les pulls en acrylique s’offrent désormais des effets de cachemire à prix doux. Grâce aux mélanges et aux traitements mécaniques des fibres, synthétiques ou naturelles, le bien-être se démocratise et… s’allège à vue d’oeil.  » Il y a vingt ans, les tissus pesaient 800 grammes le mètre carré, contre 300 aujourd’hui « , note Sophie Bramel. Spécialiste de la maille, la styliste Nema Tiber adopte  » une laine grattée et soufflée, qui allie poids plume et aspect gonflant « .

Mais c’est à l’invention de la micro-fibre, dont sont aujourd’hui constitués la plupart des synthétiques, que le confort doit ses plus belles conquêtes.  » Plus un fil est fin, plus il est doux et souple. Plus les fils sont nombreux, plus la circulation d’air est importante, améliorant ainsi la respiration et la régulation thermique du corps « , affirme Sophie Bramel. Légèreté, douceur, température optimale…

A toutes ces vertus l’élasthanne, fibre synthétique apparue à la fin des années 1950 – commercialisées, notamment, sous la marque Lycra, déposée par Du Pont de Nemours – en avait ajouté une autre, désormais incontournable : l’élasticité. Gainante et moulante, cette fibre caoutchouteuse, autour de laquelle s’enroulent d’autre fils, assure aux collants plus de finesse et de résistance. Avant de se glisser dans 20% des petites culottes et 45,2% des soutiens-gorge. Guipé avec la laine ou le coton, l’élasthanne a séduit le prêt-à-porter grâce à sa bonne tenue et à son effet Stretch.  » Dans les années 1980, l’aisance impliquait de larges emmanchures et des épaules structurées, se souvient Muriel Mesguich, à l’origine des lignes Ramosport. Le Stretch a permis des coupes  » près du corps  » sans nuire au mouvement « . Grâce à lui, Marc Audibet a pu  » jouer conjointement sur les formes et les fonctions, associer élégance et liberté, couture et sport « . Ajoutez 1% de Lycra dans une mousseline de soie, et vous palliez sa fragilité. Il efface les poches aux genoux des pantalons de flanelle (Bruno Saint-Hilaire) et donne aux jeans un peu de souplesse (Gap).  » En Europe comme aux Etats-Unis, le confort arrive en tête de toutes les attentes « , témoigne Olivier Bocquel, chez Levi’s. Ainsi, le petit dernier de la marque, Engineered Jeans, est le fruit d’une enquête menée il y a un an et demi auprès des 15-25 ans.  » Nous avons dû changer notre image, précise Olivier Bocquel. Ajouter du Tencel dans le tissu pour le rendre plus duveteux, agrandir les poches de devant, poser celles de l’arrière en biais et, surtout, modifier nos patrons afin de corriger le défaut des coutures extérieures, qui avaient tendance à revenir vers le devant de la jambe « .  » Au-delà de la douceur des matières et de l’ergonomie de la coupe, le confort se joue aussi dans la tête, observe Christophe Lemaire, directeur artistique de Lacoste : il faut se sentir beau, en accord avec soi-même pour être bien « .

Les coupes à vif économisent ourlets et revers tout en générant un nouveau look. Le Teflon garantit les manteaux (Céline) et les pantalons (Hugo Boss) contre les taches. Les chemises sont infroissables (Bruno Saint-Hilaire) ; les collants, gorgés de microcapsules, sont censés masser et déstresser (Dim). Les scratchs, les Zip, les boutons-pression, anodins en apparence, sont autant de commodités. Et, si la tendance du jour est au naturel, qu’à cela ne tienne! lin et coton sont dopés aux synthétiques et coupés au laser (Marithé + François Girbaud).

Eduqués par des années de fitness et de culte du corps, le consommateur a pris ses aises et n’entend pas y renoncer « , conclut Bengt Jacobsson, du bureau de tendances Carlin. Pas plus qu’au style. Un acquis culturel sur lequel il ne reviendra pas.

Catherine Maliszewski

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