L’histoire s’est passée il y a bien longtemps mais Jean-Charles de Castelbajac en rit encore.  » Aussi incroyable que cela puisse paraître, personne n’avait jamais pensé à déposer le nom Jésus.  » En 1970, porté à la fois par l’aplomb dont on peut faire preuve quand on n’a pas 20 ans et  » la liberté totale qui caractérisait l’après-mai 68 « , il lance donc une collection de jeans sous ce label-là. La campagne de pub, mariant les codes sexy et religieux – dont une photo du fils de Dieu, abdos saillants, en croix… et en denim – choque d’emblée. Et, du coup, fait vendre les fringues comme des petits pains qu’on aurait multipliés, même si elle s’attire les foudres du Vatican.

Qui aurait pu imaginer alors que, quelques décennies plus tard, le créateur dessinerait les vêtements liturgiques des Journées mondiales de la jeunesse ?  » J’ai été plus loin puisqu’à ce jour je suis le seul à avoir habillé un saint, Jean-Paul II « , s’amusait-il lors du déjeuner bruxellois au cours duquel il présentait sa récente collaboration pour Petit Bateau. Sans l’intervention de Jésus, rien de tout cela, ni les défilés parisiens, ni la haute couture, ni les intrusions du côté de l’art et de la musique ne serait arrivé dans la vie du très peu conventionnel marquis – qui, notons-le, se dit malgré tout non croyant.

Dès lors, il sera sans doute parmi les premiers à reconnaître qu’une dénomination joue pour beaucoup dans le succès d’un produit. Ainsi, si L’Eau Sauvage de Dior s’était appelée Club, comme c’était initialement prévu, qui sait si elle aurait connu un destin aussi glorieux ? A contrario, d’autres parfums ont fait moins bonne fortune, en partie à cause de leur appellation peu heureuse. A l’heure où le marketing se conçoit à l’échelle mondiale et se doit de ne rien laisser au hasard, il est donc primordial pour un groupe de luxe de baptiser ses fragrances avec discernement. Et d’éviter les impairs à l’international, plus fréquents qu’on ne pourrait le croire.  » Dans 25 à 30 % des cas, le mot choisi est inexploitable, a confié à Isabelle Willot le président exécutif de l’agence Nomen, leader européen de la création de noms. Parce qu’il ressemble à un patronyme de terroriste, qu’il est déjà utilisé pour des protections périodiques ou un parti politique extrémiste.  » Car, tous les nez vous le diront, pour susciter le désir, il faut bien plus qu’une belle histoire, un joli flacon et une pyramide olfactive à la fois surprenante et rassembleuse. Parole d’évangile.

Delphine Kindermans

Sans l’intervention de Jésus, rien de tout cela ne serait arrivé dans la vie de Castelbajac.

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