Barbara Witkowska Journaliste

Remarqué par le grand Karl Lagerfeld, le jeune créateur bruxellois l’assiste désormais chez Fendi. Pour Weekend, Anthony Vaccarello signe une production époustouflante avec, en guest star, une Tchadienne singulière.

Anthony Vaccarello ne cache pas qu’il s’est senti particulièrement flatté quand notre magazine l’a sollicité pour imaginer cette production de mode exclusive.  » Weekend, je le suis depuis des années… « , souffle-t-il avec un sourire radieux. Porté par l’enthousiasme de ses 25 ans et sa créativité débordante, il a pensé tout de suite à des photos inédites, jamais vues dans un magazine belge.

Le projet s’est mis en place autour de trois fils conducteurs. Un : le mannequin.  » Mia est tchadienne. Elle était mannequin cabine ( NDLR : destiné à porter des vêtements en cours de création) chez Lanvin. Je l’ai rencontrée à une soirée à Paris. Avec ses traits fins et son côté félin je l’ai trouvée magnifique et je voulais absolument travailler avec elle.  » Deux : la fourrure. Depuis son entrée chez Fendi, Anthony fait de nombreuses recherches sur la fourrure. Au fil des mois, il s’est familiarisé avec cette matière noble et naturelle, son regard s’est aiguisé. Il l’apprécie de plus en plus, ne cesse de découvrir son énorme potentiel, tout comme les nouvelles techniques pour la rendre davantage moderne et glamour. Trois : une collaboration belgo-belge.  » J’ai souhaité réunir les Belges qui travaillent pour les grandes maisons, Olivier Theyskens chez Nina Ricci, Arnaud Michaux chez Lanvin, moi-même chez Fendi.  » Anthony a également fait participer les étudiants de La Cambre : Sarah de Grunne, Nicolas Di Felice et Roxane Baines. En guest star ? Ann Demeulemeester.

Son shooting. Anthony a choisi pour cadre de la production deux endroits complètement différents. Tout d’abord, il a fait shooter Mia dans le quartier de la Colonne du Congrès à Bruxelles. Il l’a imaginée en femme d’affaires sophistiquée et hautaine, déambulant dans la  » jungle urbaine  » avec son côté minéral et un peu froid. Puis il l’a lâchée en forêt, au bois de Tervuren, pour sublimer sa facette animale de  » panthère noire « . Pour les prises de vue, un nom s’est imposé : Julien Claessens.  » Il collabore souvent avec Olivier Theyskens, mais ce n’est pas un photographe de mode. Son travail personnel se focalise principalement sur ses portraits. Ceux-ci me font penser aux tableaux des primitifs flamands, il y a toujours un grain spécial dans le traitement de la couleur. Je ne voulais pas de photos glamour et surtout pas de photos posées.  »

Julien Claessens a réalisé un très beau travail d’arrêt sur image. Mia marche, seule, au milieu de la ville dépeuplée ou dans la forêt, les bras le long du corps. A la vue du photographe, elle s’arrête, se fige et regarde, un peu comme une bête traquée. On est bien loin des photos de mode conventionnelles et consensuelles, on se rapproche des photos d’art. L’ambiance générale sombre, mystérieuse et un peu dramatique amplifie cette impression. Mia arbore des total-looks noirs. Parfois, quelques taches colorées dans des tons verts éclairent l’ensemble. Un glamour ultramoderne.

Sa formation. Né à Bruxelles, Anthony révèle très tôt son caractère atypique, en s’intéressant… à la mode. Pour ne pas déplaire à ses parents, il fait une année de droit,  » une expérience horrible « . Heureusement, on le laisse changer de direction. Anthony s’inscrit à l’Ecole des beaux-arts, en section textile. Histoire d’aborder la mode en se familiarisant tout d’abord avec le tissu. Puis il tente sa chance à La Cambre où il passe les épreuves d’admission haut la main.  » La Cambre est une expérience incroyablement fatigante, dans le bon sens du terme, confie-t-il. L’émulation est très saine et on apprend énormément sur soi.  » Les études se terminent en 2006 en apothéose : en mai, il remporte le Grand Prix du Festival international de mode et de photographie à Hyères. Dans un moment d’euphorie, il envisage de créer sa propre marque. Une petite voix intérieure lui conseille pourtant la prudence. Il l’écoutera, d’autant plus que des propositions intéressantes pleuvent de toutes parts et, surtout, la maison Fendi lui tend ses bras.  » Ma collection de dernière année était réalisée entièrement en cuir. Il y avait beaucoup de tressages, la part manuelle y était très importante. Je crois que c’est cela qui a plu chez Fendi, étant donné que c’est une maison très artisanale, totalement ancrée dans la tradition.  » Bien campé dans son nouveau rôle d’assistant et de collaborateur de Karl Lagerfeld, Anthony envisage l’avenir avec optimisme. Bien sûr, l’idée de créer sa propre griffe fait bien partie de ses objectifs, mais pas avant d’avoir engrangé plusieurs expériences dans de grandes maisons.

Chez Fendi. Spécialiste de la maroquinerie et de la fourrure très haut de gamme, la maison romaine a été fondée par Adèle Fendi, puis rachetée par le groupe de luxe LVMH. Karl Lagerfeld y tient les rênes de la création… depuis quarante ans. Ce n’est que tout récemment, en été 2006, que le prêt-à-porter a complété les activités de la maison. Son envol a été immédiat et se décline désormais en cinq collections annuelles. Celle d’automne-hiver 07-08 porte l’empreinte d’Anthony. Le jeune Bruxellois a effectué une admirable recherche sur les matières et sur les effets. Karl Lagerfeld a imaginé une collection assez brute, néanmoins très sophistiquée, en partant de l’idée… des clous rouillés. Les tons sont automnaux. Des bruns, des marrons et des beiges entremêlent leurs nuances chaleureuses dans des camaïeux chics et classiques. Des lainages épais, moelleux et voluptueux s’accompagnent d’accessoires inspirés de la nature, telles par exemple ces ceintures à effet bois ou écailles. Souvent, la fourrure s’invite en touches spectaculaires. On la découvre soit en version tressée, soit elle prend un aspect reliefé, obtenu par le rasage de certaines parties ou par un assemblage sophistiqué de différents types de poils.

Le shooting exclusif d’Anthony Vaccarello en pages 50 à 57.

Barbara Witkowska

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