Le directeur artistique de la légendaire maison d’articles de table finlandaise Iittala fuit l’esthétisme ultime et prône l’utilité de l’objet. Rencontre à bâtons rompus en route vers le village verrier de la marque.

Les contrats et prix les plus prestigieux qui ont salué le génie d’Harri Koskinen (44 ans) n’ont en rien changé l’homme humble et discret que beaucoup considèrent comme l’un des plus grands talents du design contemporain. Son studio, face à l’eau dans un quartier calme d’Helsinki, est habité de ses créations pour Artek, Alessi, Marimekko, Muuto, Issey Miyake, Muji, Cassina, Iittala… mais aussi de pièces éditées par sa compagnie Friends of Industry. Ce samedi matin, Harri est occupé à charger dans son break une belle table en bois brut, fabriquée dans l’atelier voisin, qu’il se prépare à amener  » à la ferme « .  » Je suis un gars assez pragmatique, lâche-t-il, j’ai besoin de faire des choses concrètes.  » Toutes les deux ou trois semaines, il retourne à la campagne, dont il est originaire et où vit toujours sa mère.  » C’est ma seconde maison ou plutôt ma maison. Je suis de là « , résume-t-il. Un repaire aussi après de longues journées de travail intense et d’incessants voyages à travers le monde pour nourrir son approche artistique.

Né dans une famille de fermiers, Harri, contrairement à de nombreux Finlandais, n’a pas été bercé par le design durant sa jeunesse. Tout juste se souvient-il avoir aidé son oncle à construire des chalets de vacances lorsqu’il était ado. Pourtant, ce jour-là, en route vers le domaine agricole familial, il est attendu avec impatience dans le petit village d’Iittala, où se déroule la compétition annuelle de soufflage du vase d’Alvar Aalto, une des icônes de la maison de design fondée en 1881 dans la localité et dont Harri assure la direction artistique depuis 2011. Un poste qui fait de lui le successeur des pères du design finlandais, au rang desquels on compte le visionnaire Kaj Franck dont le service de table Teema, minimaliste et multiusage, imaginé au sortir de la Seconde Guerre mondiale, se trouve toujours parmi les best-sellers de la marque. A l’évocation de cette filiation, Harri sourit :  » C’était un autre temps. Après le conflit (NDLR : qui a durement éprouvé la Finlande), les gens avaient un grand besoin de choses simples, pures ; le monde n’était pas aussi global qu’aujourd’hui.  » Iittala mise néanmoins plus que jamais sur son approche intemporelle avec des pièces combinables en toutes occasions, y compris et surtout au quotidien. Et depuis peu, à côté de la vaisselle, des bougeoirs et des vases, ainsi que l’édition d’oeuvres d’art en verre, le label s’est lancé dans la création de petites pièces de mobilier : lampes, boîtes de rangement ou étagères.  » Nous sommes bien sûr attentifs aux tendances, confie-t-il, mais nous ne les prenons pas trop au sérieux. Nous faisons des choses qui durent.  »

A côté du fameux vase que les souffleurs réunis à Iittala subliment à la force de leurs poumons, la lanterne en verre imaginée par Koskinen il y a quinze ans fait aussi partie des produits emblématiques du label. Du photophore sculptural qu’il avait conçu a été déclinée une lampe, grâce à l’ajout d’un système électrique (photo). Un objet tout simplement magnifique. Ce n’est pourtant pas la quête du beau qui a guidé ce projet.  » Il doit y avoir une raison ou une fonction à tout travail « , glisse le concepteur, en conformité avec ses racines paysannes. Sa lampe, dont la source lumineuse semble flotter dans l’air, grâce à un resserrement de son centre qui favorise aussi une meilleure prise, est l’objet nomade parfait des intérieurs d’aujourd’hui et de demain.

www.harrikoskinen.com et www.iittala.com

PAR MURIEL FRANÇOISE

 » Je suis un gars assez pragmatique, j’ai besoin de faire des choses concrètes.  »

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