Et si on conjurait la météo et l’exclusion sociale à coups de dômes protecteurs et de villes thématiques ? Cap sur l’hyperprotection !

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Ceux qui ont grandi dans les années 1980 se souviennent sans doute de Logan et Jessica, héros 100 % brushing de la fameuse série télé  » L’Age de Cristal « . Résolument futuriste, ce feuilleton mythique mettait en scène une cité  » idéale  » couverte par de gigantesques dômes et essentiellement articulée autour de la notion même du plaisir. Certes, les habitants n’étaient pas autorisés à y vivre au-delà de 30 ans (ce qui pimentait évidemment l’intrigue de chaque épisode !), mais cette idée de surprotection imposée avait comme un petit goût d’éden rassurant. Aujourd’hui, le même genre de concept fait modestement son chemin et on dénombre, ici et là, des ersatz de paradis artificiels dédiés à notre société de loisirs. Ainsi, du côté de Berlin, on trouve par exemple une île tropicale complètement mise sous cloche ( www.thetropical-islands.com). Attention, rien à voir avec notre bon vieux Aqualibi wallon : ici, la plage paradisiaque et la forêt tropicale s’étirent sur près de 400 mètres de longueur et 200 mètres de largeur (soit l’équivalent de quinze terrains de football) et le dôme qui recouvre le tout est suffisamment grand pour accueillir la statue de la Liberté ! La température y est bien entendu idyllique (25 °C in situ et 31 °C dans l’eau) et l’on n’y a toujours pas aperçu la moindre goutte de pluie. Hautement séduisant, le concept de ces  » Tropical Islands  » allemandes est évidemment appelé à se développer selon cet adage improvisé :  » Si tu ne vas pas au soleil, le soleil ira à toi « . Bref, attendez-vous, dans les prochaines années, à une prolifération de cloches paradisiaques en Europe du Nord, au Canada et aux Etats-Unis. Et comme cette idée de biotope  » clé sur porte  » est également déclinable à souhait, il est tout aussi probable que l’on trouve bientôt des bonshommes de neige en plein désert de sable. Utopie ? Que nenni ! En septembre prochain, les Emirats arabes unis inaugureront en effet le  » Ski Dubaï « , une vaste station de ski couverte, dotée d’une pente de 400 mètres de longueur ( www.skidubai.ae). Bluffés par des panneaux de couleur bleu ciel qui tapisseront le sommet du dôme, les adeptes de cette petite montagne artificielle auront la douce sensation de dévaler un versant des Alpes, portés par quelque 30 tonnes de neige fraîche produites chaque nuit en plein Moyen-Orient ! Démentiel, ce complexe touristico-sportif sera non seulement un véritable exploit technologique, mais annoncera surtout l’arrivée d’un autre espace couvert à quelques centaines de mètres de là et dédié cette fois au shopping : le Dubaï Mall, d’ores et déjà présenté comme le plus grand centre commercial du monde et dont l’ouverture est prévue dans le courant de l’année 2006 ( www.thedubaimall.com). Au-delà de cette envie légitime de vouloir mettre sous verre des décors de rêve en territoire hostile, apparaît une autre tendance en filigrane : la ghettoïsation de certaines communautés désireuses de vivre pleinement ensemble. Ici, point de dôme ni de conditions climatiques idéales, mais une même idée d’un certain paradis sur Terre et sur mesure. Après l’éclosion de  » gated communities  » un peu partout dans le monde û ces lotissements sécurisés où tout n’est qu’ordre, calme, luxe et volupté û voici venu en effet le temps des villes thématiques ! Ainsi, aux Etats-Unis, une ville pour sourds et malentendants est en train d’éclore. Baptisée Laurent (en hommage à Laurent Clerc qui fonda la première école pour sourds), cette toute nouvelle bourgade s’élèvera dans le Dakota du Sud dès le printemps 2006 et accueillera ses premiers habitants quelques mois plus tard (www.laurentsd.com). Bien sûr, la langue des signes sera la langue officielle et son usage sera obligatoire dans tous les commerces et bureaux de cette ville inédite. De même, l’architecture privilégiera les grands espaces et les parois de verre afin de garantir un maximum de visibilité aux résidents. L’avènement d’une autre cité de cristal, en quelque sorte.

Frédéric Brébant

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