A force de côtoyer les plus belles créations des griffes de luxe, la rédactrice de mode française a eu envie de lancer sa propre marque d’accessoires. Depuis 2006, son label Tila March ne cesse de se distinguer par ses pièces easy chics, au style résolument parisien.

Des réponses courtes. Pas d’épanchement inutile. Tamara Taichman n’est pas du genre à raconter sa vie en long et en large. Surtout, ne pas la croire désintéressée par l’exercice. La Française avoue simplement ne pas se sentir à l’aise avec les interviews.  » Cela ne se voit pas forcément, mais je suis timide. Souvent, les gens pensent que je suis distante ou impressionnante, mais ce n’est pas du tout ma nature « , lâche-t-elle, après cinquante minutes d’entretien et presque autant de questions.

En ce jour d’hiver, la neige tombe à gros flocons sur la Ville lumière. Les imprimés vintage, que la jeune quadra chine aux quatre coins du monde et affectionne tout particulièrement, sont restés rangés dans ses placards. Priorité à un look de circonstance, en l’occurrence un polaire Patagonia, un jeans et une paire d’UGG Australia. Lorsque les températures ne flirtent pas avec zéro, Tamara Taichman privilégie de belles pièces à la fois discrètes et originales, plutôt que d’accumuler logos voyants et dernières tendances du moment.  » Je déteste le total look. J’aime mélanger les couleurs, saisons, époques et courants stylistiques. Pour moi, l’important est de trouver son propre style et de s’approprier l’air du temps. Pas de se limiter à copier-coller ce que l’on voit lors des défilés.  »

C’est ce souci de se distinguer tout en restant soi-même qui l’amène à créer sa propre marque d’accessoires. Durant l’été 2006, la rédactrice de mode free-lance, en charge de plusieurs shootings pour Elle France, décide de dessiner et réaliser son propre sac. A l’époque, la tendance est aux it bags XXL, richement décorés de détails métalliques.  » J’avais envie de simplicité, explique-t-elle. D’avoir un cabas qui ne ressemble pas aux autres et que personne n’arborait déjà.  » Par jeu et par plaisir, la voilà qui fait fabriquer un modèle en toile, orné de sa désormais célèbre fermeture trombone en cuir. Simple, élégant et pratique : le Zelig est né.

Tout naturellement, quand vient le moment de se rendre aux Fashion Weeks, la Française emporte son prototype dans ses bagages. La planète mode applaudit. Pros et acheteurs de boutiques de luxe, toujours avides de nouveautés, ne peuvent s’empêcher de lui demander qui se cache derrière cet objet. Des institutions comme Le Printemps ou Colette, à Paris, mais aussi plusieurs enseignes japonaises lui passent directement commande.

 » Je n’imaginais pas lancer ma propre griffe, confie celle qui avait déjà exercé ses talents en concevant plusieurs succès de maroquinerie, en tant que consultante pour le compte de griffes françaises. C’est mon attirance pour la mode qui a dicté ce choix, plus qu’une volonté d’entrepreneuriat. Je ne pouvais d’ailleurs pas croire que cela puisse fonctionner.  » Nicolas Berdugo, alors directeur marketing chez Louis Vuitton, va faire évoluer son point de vue. Son partenaire dans la vie et le travail la convainc de sauter le pas. Il prend en charge la gestion de l’entreprise, ce qui permet à sa complice de rester libre de réaliser les projets qui lui tiennent à coeur. Le couple baptise la marque Tila March. Tila, pour le mélange de leurs prénoms. Et March, pour le mois de leur rencontre…

UNE ROBE ROSE SHOCKING

Pour le père de Tamara Taichman, qui espérait initialement voir sa fille unique faire carrière dans la finance, la fierté est au rendez-vous.  » Mes parents ont eu du mal à comprendre ma passion pour la mode, avoue-t-elle. Toute petite déjà, je savais que je voulais travailler dans ce domaine. Je me confectionnais des robes. Je me souviens être allée au marché Saint-Pierre (NDLR : un incontournable du monde du tissu, à Paris), pour acheter de la mousseline rose shocking. Ma grand-mère avait une machine à coudre ; je l’avais suppliée de faire une robe à volants.  »

A 16 ans, elle s’offre son premier sac. Un Upla, grand classique des années 80.  » C’était un must-have, j’en rêvais.  » Elle le choisit kaki, un modèle gibecière, dans lequel elle glisse ses cours pour se rendre à l’école.  » Je n’y avais jamais pensé jusqu’à présent, mais cette besace et le Zelig se retrouvent dans un même cheminement. Ils sont intemporels, pratiques, différents de ce qui est disponible sur le marché, faciles à identifier sans pour autant posséder de logo. J’utiliserais les mêmes mots pour les qualifier.  » Décidément, les fondements de l’inspiration et du style remontent parfois bien loin…

Au moment de choisir ce qu’elle veut faire de sa vie, l’ado, plutôt bonne élève, se dirige vers des études de gestion, sur les conseils de ses parents. Ce n’est qu’une fois son diplôme en poche que la jeune femme peut enfin cultiver son attirance pour l’univers fashion. Sans peur, elle frappe aux portes des magazines, pour devenir rapidement assistante au sein de la rédaction de Elle. Vingt ans plus tard, elle appose toujours avec succès sa patte sur les tendances actuelles. Ainsi, en octobre dernier, elle réalisait une séance photo avec Karl Lagerfeld, qui n’a pas hésité à la baptiser Der Kommandant, vu son caractère obstiné…

 » A l’heure actuelle, avec le pouvoir d’immédiateté d’Internet, il n’existe plus de conflit d’intérêt à être à la fois rédactrice de mode et créatrice d’accessoires, considère Tamara Taichman. Les deux démarches sont totalement différentes. Dans mes shootings, j’immortalise les envies du moment, des thèmes qui ne me correspondent pas forcément, mais que j’aime mettre en valeur. A l’inverse, Tila March est beaucoup plus intime, cela me ressemble beaucoup plus. Je ne cours pas après les tendances. Cela se voit, mes produits ne changent pas totalement d’une saison à l’autre.  »

SCARLETT ET KIRSTEN

Au fil du temps, le label français ne cesse d’affirmer son style easy chic et parisien, avec des pièces épurées et intemporelles à décliner tout au long de la journée. Kirsten Dunst, Scarlett Johansson ou Cameron Diaz, entre autres, ont déjà succombé à ses différentes associations de matières et jeux de couleurs, tout comme de nombreuses clientes françaises et internationales – la marque est présente dans 22 pays à l’étranger.

Depuis sept ans, les projets ne cessent de se développer. Une gamme de chaussures, en 2009. Une collection capsule reprenant les célèbres imprimés wallpaper de l’architecte d’intérieur David Hicks et renouvelée pour ce printemps-été 2013, une attention particulière donnée au Made in France dès l’hiver prochain… Pourquoi pas, aussi, concevoir une collection complète de prêt-à-porter, lorsque la marque sera suffisamment mûre ? A chaque fois, une histoire d’envies, encore et toujours. ?

PAR CATHERINE PLEECK

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