Lauréat du prix Femina, Patrick Lapeyre signe non seulement le plus joli titre de roman de la décennie mais nous entraîne également dans un merveilleux tourbillon où l’amour rime avec délectation et indécision.

À quoi ressemble votre caverne d’écrivain ?

À un bureau qui n’est pas si caverneux que cela. Ses cloisons vitrées donnent sur mon appartement, alors je suis distrait par mes filles et ça m’agace ( rires).

Quels sont vos rituels d’écriture ?

Mon métier de prof m’impose de m’atteler à l’écriture uniquement durant l’après-midi. Je suis un fantôme attendant 14 heures pour pouvoir écrire. Un premier café, un cigare et c’est parti.

Un prix littéraire, est-ce  » un événement attendu trop longtemps  » ?

Pas du tout. Mon livre devait sortir plus tôt, mais le décès de ma mère l’a retardé. Le prix Femina incarne la liesse après un long travail. Face aux 700 livres de la rentrée, je redoutais le silence retentissant. Ce prix est si inespéré qu’il va à l’encontre de mes prévisions pessimistes.

Qu’est-ce qui vous donne le vertige ?

La fugacité du temps. J’ai la sensation de ne rien maîtriser, alors que je suis très self-control. De même pour l’amour, cet instant où on est hors de soi. Si l’attente, c’est le désir, le plaisir c’est la chute.

Qui est la femme ?

Elle n’est pas qu’une image. C’est une question d’ondes, de mouvement qui nous touche par surprise. Ici, le héros est emporté par  » la vitesse Nora « , un ouragan insaisissable qui apparaît et disparaît. Il est tout aussi impossible de décrire la séduction féminine que de regarder le soleil ou la beauté en face.

Votre héros masculin, Blériot, reflète-t-il l’homme moderne ?

Ce n’est pas un héros de l’action, mais de la nostalgie, le fatalisme, la contemplation et le désenchantement. Il correspond à ma génération désabusée, qui a vu tout retomber après Mai 68. Blériot a si peur des déceptions et des échecs qu’il n’entreprend plus rien.

Et vous, de quoi avez-vous peur ?

De mourir. N’étant pas quelqu’un de l’affrontement, j’ai un  » courage fuyant « . Je crains aussi de faire souffrir ceux que j’aime. À l’instar de mes héros, je suis un homme du secret…

Sur quelle corde marchent vos héros ?

Ce qui les fait tenir, c’est la corde du désir. Leur vie est si ennuyeuse et décevante, qu’ils suivent ce fil aveuglément. Même s’il coûte cher, le désir c’est la grâce. Comme le pointait Dostoïevski :  » L’enfer c’est d’être incapable d’aimer. « 

Quel  » désir est sans fin  » ?

Écrire. Je suis un contemplateur, qui a une conscience poétique de la vie et qui souhaite la transmettre.

Qu’est-ce qui vous enchante ?

Outre la littérature, le cinéma, les arts et la beauté des jeunes femmes, rien car je suis fondamentalement pessimiste. Il faut savoir vivre en dehors de son époque, afin d’accéder à un point neutre. C’est mon côté japonais ( rires) !

Être libre, c’est…

Ne plus être moi-même. Quitter l’intériorité pour atteindre un moment de flottement. L’écriture est l’instrument qui me permet de percer des trous pour respirer l’air libre.

La vie est brève et le désir sans fin, par Patrick

Lapeyre, P.O. L, 345 pages.

KERENN ELKAÏM

À l’instar de mes héros, je suis un homme du secret.

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