A deux pas d’ici, les plus beaux décors de la vallée du Rhin sont faits de châteaux, de vignes et de villages splendides. Idéal pour un long week-end… en motor-home !

A première vue, les fleuves se traversent en bateau, se longent à vélo ou s’apprivoisent à pied. Ne fuyez surtout pas ces belles idées. Admettez simplement qu’une autre option peut se révéler tout aussi agréable, voire excitante : embarquer famille et chaises pliables dans un mini road trip en  » maison à moteur  » super-équipée. Les avantages ? Le sourire jusqu’aux orteils des enfants dès qu’ils aperçoivent l’engin dans le catalogue. Une rafraîchissante sensation de liberté une fois sur la route, notamment quand il s’agit d’improviser une sieste ou un goûter. Un itinéraire qui réserve forcément de belles escales, les campings ayant souvent le bon goût de pousser en pleine nature ou, carrément, le long d’un fleuve… Les sceptiques seront définitivement rassurés en arrivant dans la magnifique vallée du Rhin, à seulement 200 kilomètres de la frontière belge. La ville de Coblence constitue un lever de rideau idéal, où l’on aperçoit les premières étincelles de la région. Son nom de baptême n’a rien d’anodin : il vient du latin  » confluentes « , signifiant  » confluent « . C’est là que se rencontrent la Moselle et le Rhin. Une union fluviale qui attirait déjà les commerçants de l’époque romaine et qui fait de Coblence l’une des plus anciennes cités allemandes. De nombreux rois et empereurs ont établi leur résidence entre les murs de sa forteresse (encore visible). Les promeneurs ont aujourd’hui pris le relais, vagabondant dans ses ruelles, se reposant sur ses places romantiques ou s’échappant sur l’un de ses chemins le long de l’eau.

Aucun doute : le choix du motor-home tient la route. La région accueille ce type de véhicule depuis belle lurette, et les parkings prévoient des emplacements suffisamment larges. C’est toujours le cas quelques kilomètres plus loin, lorsque le Rhin se met à déployer ses charmes avec de plus en plus d’insistance. Fenêtre ouverte, enfant sage à l’arrière et cadence vacancière. Sur la gauche, un long fleuve tranquille. Sur la droite, des villages qui, selon la saison, offrent l’ombre ou la tiédeur, les glaces ou le bon repas chaud. Dans tous les cas, les boutiques et les appels à la restauration ont de quoi combler n’importe quelle humeur. Le fleuve, lui, régale d’un paysage aussi majestueux que varié. L’eau attire les yeux et les pistes cyclables bordant le Rhin crient très fort  » Accrochez des vélos à votre motor-home avant de partir « . Mais la vallée et ses reliefs offrent bien plus que cela. Les nombreux vignobles en terrasses cèdent leur place, ici ou là, à des forêts de sapin ou des massifs rocheux. Et si l’Unesco, en 2002, a décidé de classer ce joyau de la Rhénanie à son patrimoine mondial, c’est aussi parce que le lieu est chargé d’histoire. Pour témoins, une quinzaine de châteaux qui trônent avec fierté sur le versant des collines et qui, autrefois, servaient aussi bien de demeures aux souverains que de protection aux voyageurs.

LE CHAT, LA SOURIS ET LORELEI

Chacune de ces immenses bâtisses a quelque chose à raconter. Le château Rheinfels, par exemple, était autrefois le plus grandiose de la vallée, avant que l’armée française ne le détruise en 1797 et qu’une partie de ses pierres ne soient transportées à Coblence pour y bâtir la forteresse Ehrenbreitstein. Le château Schönburg, construit au Xe siècle, a été racheté en 1885 par un homme d’affaires de New York qui l’a métamorphosé en hôtel de luxe. Quant au château Maus ( » souris « , en allemand), il a été construit par un archevêque qui en a fait la demeure la plus moderne de son époque. Pour l’anecdote, il donne la réplique au château Katz ( » chat « ), situé sur la colline d’en face. Un chat et une souris, ou l’histoire de deux frères ennemis qui inspirèrent ces surnoms à leurs résidences respectives… Certes, quelques petits kilomètres à pied sont parfois nécessaires pour accéder à certains châteaux, mais le détour est tellement photogénique que nos jambes pardonnent tout. Au retour de chaque visite, le frigo du motor-home s’ouvre sur une boisson fraîche ou un pique-nique. Un enfant qui a beaucoup marché est un enfant fatigué, dit un proverbe qui mériterait d’être célèbre. Suggestion : petit moment de détente sur une aire de bord de fleuve, voire au camping. Avant de repartir à l’aventure dans d’autres recoins de cette vallée des merveilles dont un certain Goethe, lors d’un voyage en 1774, tomba éperdument amoureux…

Un donjon pentagonal, des tourelles baroques et des bataillons d’armes greffés sur une façade blanche… Sur l’îlot de Falkenau, planté au milieu du Rhin, se dresse le seul château à ne pas avoir voulu prendre de hauteur. Son nom : Pfalzgrafenstein. Sa fonction : au XIVe siècle, c’était un poste à péage, exigé par le roi Louis de Bavière pour contrôler le passage fluvial. Durant sa visite, vous apprendrez comment ses gardiens, jadis, y vivaient sans électricité ni toilettes. Et comment aucune guerre ni inondation, jamais, n’ont réussi à le faire vaciller.  » Comment ils ont fait pour construire ça au milieu de l’eau ? « , s’interroge le petit être installé dans les fauteuils du motor-home. N’oubliez pas de bien préparer votre réponse… Ni d’aller saluer comme il se doit la prêtresse ancestrale du Rhin : l’étrange Lorelei, perchée sur un rocher haut de 132 mètres. L’endroit est tout simplement mythique, et pour cause : il renvoie à une ancienne légende selon laquelle cette femme blonde, abandonnée sur un sommet, entonnait naguère un chant de douleur qui conduisait les marins au naufrage. Un récit né d’une vérité : à cet endroit du fleuve, les courants sont plus forts et le lit est beaucoup plus étroit, interdisant la moindre erreur d’appréciation des bateaux. Peut-être qu’en vous promenant autour du rocher, dans le parc naturel jalonné de sentiers, vous entendrez l’inquiétant murmure de Lorelei…

La vallée du Rhin ne lâche pas facilement ses derniers atouts. Pour découvrir l’entièreté de ses merveilles, il faut parfois trahir le fleuve quelques minutes, partir flâner dans les ruelles d’une poignée de villages et même tenter l’une ou l’autre route moins évidente pour tomber sur des hameaux au charme fou. Trois oublis qui seraient inexcusables ? La petite ville de Boppard, riche de 2 000 ans d’histoire et qui offre une vue imparable sur les châteaux de nos chers  » frères ennemis « . A trois enjambées de l’eau, la merveilleuse Bacharach est sans conteste la plus pittoresque et la plus auscultée de la vallée. Ses maisons à colombages, son église romano-gothique ou son Altes Haus ( » vieille maison « ) ornant la place du marché depuis 1598 en font une halte exquise. Enfin, un petit détour par Rhens s’impose, histoire de traverser ses murailles pour découvrir de magnifiques maisonnettes rouge et blanc, ainsi qu’une place pavée où le fleuriste le plus étonnant de la vallée a élu domicile. C’est également en ce lieu que se trouve le Königssthul, le siège royal où prêtaient serment les princes électeurs et où, en 1400, le dénommé Ruprecht von der Pfalz fut désigné comme le premier roi d’Allemagne. Un joli souvenir, un de plus, que le fleuve accepte de ne pas emporter dans ses courants. Et qu’on place parmi les autres dans un coin de sa tête, sur la route du retour, pendant que le Rhin accueille d’autres hôtes, d’autres motor-homes et d’autres bambins qui ont suivi leurs parents les yeux fermés mais ont voyagé les yeux grands ouverts…

PAR NICOLAS BALMET

Chaque lieu raconte une histoire. La plus fascinante ? Une femme dont le chant faisait couler les bateaux.

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