Rapide, professionnel, consciencieux… L’équipe dirigeante de Toyota Formule 1 prête toutes les qualités à Ricardo Zonta mais ne lui accorde que la troisième place de la formation. A l’ombre des deux pilotes officiels, portrait d’un jeune homme qui n’a pas sa langue dans sa poche.

Milan fin 2003. Sur le circuit mythique de Monza, l’ensemble des écuries de F1 s’octroie quelques jours d’essais privés. Au fond du paddock les deux motor-homes rouge et blanc Toyota connaissent l’effervescence des grands jours. La plupart des écuries étant présentes, ces essais prennent tout bonnement des allures de mini Grand Prix. Sous la tente réservée au team, le pilote Olivier Panis s’entretient calmement avec Ange Pasquali, le Team Manager, tandis que le deuxième pilote Cristiano da Matta se contente de passer très discrètement une tête. Ricardo Zonta est lui déjà fin prêt pour s’élancer sur la piste. Bien avant les deux pilotes officiels, il prendra le volant de sa F1 pour effectuer durant cette journée le plus de tours de circuit. Sérieux, concentré, le jeune Brésilien prend très à c£ur son boulot au sein du team japonais, mais son rêve le plus cher serait de retrouver un volant en tant que pilote officiel. A 28 ans (il est né le 23 mars 1976), ce nomade de luxe comme il se définit, a déjà bien bourlingué. Ancien champion de karting, il a participé au championnat de F3000 (gagné en 1997), ou encore au championnat GT-FIA avec Mercedes-Benz (gagné en 1998). Après avoir été brièvement pilote d’essai chez Jordan (1997) et chez McLaren-Mercedes (1998), Ricardo Zonta débute en F1 en 1999 chez BAR aux côtés de Jacques Villeneuve. Une année d’enfer rythmée par les problèmes techniques et les abandons. Un accident le maintiendra même hors circuit durant quelques semaines. Reconduit chez BAR en 2000, le jeune pilote inscrit ses premiers points en championnat, mais de nombreuses tensions avec Villeneuve incite l’écurie à s’en séparer. Jordan lui préférera Alessi en 2001 quand un poste de pilote officiel se libère alors qu’il l’a consacré pilote d’essai et troisième pilote. Parti durant un an en Formule Nissan, Zonta acquiert le titre de champion. Une revanche sur BAR et Jordan. Enfin, 2003 le ramène en F1 comme pilote d’essai et troisième pilote de Toyota. De ses expériences passées en F1, Ricardo Zonta a gardé une sérieuse amertume. Et il ne mâche pas ses mots…

Pourriez-vous nous expliquer votre fonction au sein de l’équipe Toyota ?

J’y conjugue les fonctions de pilote d’essai et de troisième pilote. En tant que tel j’assure tout le côté développement de la voiture, ainsi que sa préparation avant chaque Grand Prix. Je teste la résistance des éléments du moteur, des pneus et tout ce qui pourrait permettre à la voiture d’être la plus rapide durant une course. Je me dois aussi d’être présent à chaque course et cela dès les qualifications car je peux à tout moment remplacer l’un des deux pilotes défaillants. Les résultats acquis lors des essais doivent être avant tout profitables à Olivier Panis et Cristiano da Matta.

Psychologiquement est-ce dur pour vous d’être à ce poste ?

Oui, car la fièvre des courses me manque terriblement. Effectuer des séances d’essai sans aborder l’excitation d’un week-end de Grand Prix est énormément frustrant. Mon travail s’étale du mardi au samedi et je suis généralement absent le dimanche. C’est beaucoup de déplacements et de travail pour vraiment peu d’excitation !

D’après vous, quelles sont vos qualités en tant que pilote ?

C’est difficile de parler de soi… Je dirais que je réfléchis énormément à ce que je fais, j’essaie toujours d’être extrêmement sérieux dans mon travail et de donner le meilleur de moi-même vis-à-vis du team afin que la voiture soit la plus rapide possible. Je pense û mais cela serait plutôt au team manager de vous le dire û que je suis rapide.

… Et vos faiblesses ?

Je pense beaucoup trop à mon avenir et au fait que j’aimerais tellement revenir sur le devant de la scène ! Cela me rend souvent très malheureux… Que pourrais-je faire pour revenir dans le peloton des pilotes principaux ? C’est tellement difficile et cela dépend de tellement de choses. Souvent maintenant il ne suffit plus d’être rapide en course, il faut aussi et surtout emmener de l’argent et des sponsors… En tant que sportif pur, ce n’est pas évident…

Vous avez déjà collaboré au sein d’autres teams. Quelles sont les différences entre vos anciens employeurs et Toyota ?

Je ne veux pas faire de comparaison entre le passé et le présent. Toyota est un nouveau team et il y a énormément de potentiel afin d’en faire un team gagnant. Les relations humaines jouent ici énormément car il nous faut grandir et surtout acquérir rapidement des résultats. Je pense que c’est ici que cela bouge le plus. Il y a aussi et surtout un énorme groupe derrière nous pour nous soutenir.

Y a-t-il un pilote qui vous impressionne et pourquoi ?

Michael Schumacher bien entendu parce qu’il est d’abord champion du monde, mais aussi parce que c’est un mec bien. Je suis aussi impressionné par Fernando Alonso, le pilote de Renault car il a fait en 2003 une excellente saison et qu’il montre un potentiel certain.

Dans le monde de la Formule 1 y a-t-il des choses qui vous déçoivent ?

Dans le petit monde des dirigeants de F1, je dirais le manque incroyable de respect vis-à-vis des pilotes. Il y a tellement d’enjeux financiers que parfois on y considère les pilotes comme de la vulgaire marchandise que l’on ne manque pas de jeter quand on n’en a plus besoin. Je parle d’expérience car dans le passé cela m’est arrivé. On s’est séparé de moi non pas parce que j’étais en faute, mais parce que la voiture n’était pas au point… C’est toujours plus facile de se séparer d’un pilote plutôt que de remettre en question l’ensemble d’une équipe technique… Je ne citerai pas de noms mais, croyez-moi, je ne suis pas le seul à avoir vécu cela…

Vous avez vécu plusieurs accidents graves. C’est difficile de revenir sur un circuit après cela ?

Oui, si l’accident est dû à un problème mécanique. Si la voiture n’est pas fiable et qu’elle a des problèmes, nous ne sommes que des  » passagers  » et nous ne pouvons rien y changer. Je sais que mes employeurs précédents pensent que mes accidents graves sont arrivés par des fautes de conduite, mais moi je sais que c’était plutôt des problèmes techniques…

Vous vous en êtes toujours sorti. Vous croyez à votre bonne étoile ?

Je crois surtout en Dieu, c’est cela ma bonne étoile !

Pourriez-vous donner la définition d’un bon pilote ?

Je pense avant tout qu’un bon pilote doit être chanceux. Vous avez ici de très bons pilotes mais si les choses ne se mettent pas en place au bon moment, ils ne pourront jamais devenir des tout grands…

Vous paraissez bien amer…

Non, je ne suis pas amer, je dis ce que je pense et comment cela se déroule dans le petit monde de la Formule 1.

Vous avez quand même des amis ?

Il y a tellement de compétition entre pilotes que c’est très difficile d’avoir des amis en F1. Si vous allez en F3000 ou en F3 l’ambiance est tout autre. Ici, il y a tellement d’enjeux financiers que chacun est un ennemi potentiel. Dès lors on ne peut pas dire que cela soit la chaude camaraderie qui règne dans ce milieu. Ici, on est dans un univers très sérieux et on ne rigole pas souvent entre pilotes…

Propos recueillis par Chantal Piret

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