Ils en parlent peu mais ils y pensent souvent, surtout s’ils se font la malle ! Les cheveux sont le premier souci des hommes. Et la nouvelle cible du secteur cosmétique, en quête de croissance à deux chiffres.

C’était l’une des promesses d’un nouveau millénaire en pleine mutation. Dans l’intimité de sa salle de bains, l’homo sapiens des années 2000 avait finalement décidé d’être une femme comme les autres. Seulement voilà. En dépit des lancements répétés, depuis dix ans, de quantité de crèmes anti-pattes d’oie dans des tubes aux couleurs bien viriles, les ventes de cosmétiques masculins n’ont jamais décollé. Si l’homme assume sa part de yin, c’est surtout au sommet de son crâne qu’elle se situe. Exit donc le métrosexuelà et bonjour le capillosexuel ! Selon une étude européenne rendue publique par Kérastase, 7 hommes sur 10 placent leurs cheveux en tête de leurs préoccupations physiques, bien avant les rides et les problèmes de poids. Des chiffres confirmés par une enquête réalisée en Belgique pour Nivea : 94 % des hommes interrogés affirment utiliser un shampooing plusieurs fois par semaine (contre 91 % pour les déo et gel douche). à titre de comparaison, 71 % d’entre eux assurent neà jamais appliquer sur leur visage de fluide ou de crème hydratante. Ce qui ne les empêche pas d’avoir conscience qu’ils doivent prendre soin d’eux.

Qu’il s’agisse de pellicules, de manque de volume, d’indiscipline ou de cheveux gras, près de 6 hommes sur 10 se font du souci pour leur crinière. Mais c’est incontestablement la perte de leurs cheveux – inéluctable parce que génétiquement et héréditairement programméeà – qui leur donne des sueurs froides.  » Pour 39 % d’entre eux, cela commence même avant l’âge de 30 ans « , précise Gilles André, product manager chez L’Oréal Professionnel Homme, qui a lancé l’an dernier Renaxil, deux solutions en spray au packaging plutôt clinique, faciles à appliquer pour prendre le malà à la racine.

Prendre le mal à la racine

Même combat chez Kérastase qui propose sous le label Capital Force trois nouveaux shampooings antichutesà mais pas seulement. Car si l’on dit les hommes incapables de faire deux choses à la fois, sous la douche, ils ne jurent que par le multifonction. Confrontés à trop de produits de soin, ils seraient même déboussolés. Leur truc, c’est le toujours plus en un.  » Les marques de beauté se sont longtemps contentées de transposer ce qu’elles savaient des femmes vers l’univers masculin, rappelle Quentin Lanotte, marketing manager de la marque. Alors que les réflexes et les envies de consommation sont différents. Pour que cela fonctionne chez l’homme, mieux vaut privilégier les gammes courtes, les rituels simples. Partir d’une seule clé d’entrée – dans notre cas, la défense du capital cheveu – agrémentée de quelques variantes, en l’occurrence ici la lutte contre les pellicules, le cheveu trop fin ou le cheveu gras. « 

Un objectif principal doublé d’un effet secondaire désirable, c’est aussi le modus operandi choisi par Nivea qui mettra sur le marché, début juillet prochain, une ligne de shampooings antipelliculaires – l’autre plaie qui touche une personne sur deux au moins une fois dans sa vie. La promesse ? Venir à bout des indésirables en trois semaines chrono. Chez Redken, on a aussi renoncé à convaincre le client des bienfaits d’un conditioner ou d’un masque.  » Désormais, c’est davantage le style de vie ( NDLR : un goût pour certaines couleurs et odeurs) du consommateur qui va le faire pencher pour un produit plutôt qu’un autre « , détaille François Luthers, marketing manager pour la marque américaine.

Conçus pour les hommes – 62 % se disent demandeurs -, ces soins peuvent compter sur des emballages à haute teneur en testostérone ajoutée.  » Les hommes ont deux salles de bains dans leur vie, insiste Olivier Bodson, product manager chez Nivea for Men. Celle de la maison où l’on retrouve tous les produits jusqu’à l’éventuel soin visage. Et celle de la salle de sports. Où ils se retrouvent entre pairs. Et veulent une routine plus courte et plus sociale.  » L’importance du regard des autres est ici cruciale. Comme dans le salon de coiffure où il serait mal venu d’être surpris en pleine pose de couleur au bac à shampooing.  » Coloration, c’est le mot à bannir impérativement du vocabulaire, martèle Gilles André. On parle de camouflage ou d’estompage du cheveu gris. Avec leurs cheveux blancs, les hommes sont dans une relation d’amour-haine. Ou bien ils les adorent parce que cela renforce le côté viril. Ou bien ils les détestent, souvent parce qu’ils ne sont pas uniformément répartis dans la chevelure.  » C’est qu’un look à la George Clooney ou à la Dominique de Villepin – selon le magazine GQ, son panache blanc aurait viré poivre et sel au lendemain de sa relaxe dans le procès Clearstreamà – cela se travaille. A l’aide de colo minute comme le Color 5′ de L’Oréal Professionnel. Ou d’une coupe adéquate qui peut aussi aider à masquer un début de calvitie.

Mais en la matière, les look books sont encore rares et le sujet plutôt tabou. Et c’est bien là tout le paradoxe. L’homme s’inquiète de sa toisonà mais garde ses angoisses pour lui, osant à peine s’en ouvrir à son coiffeur qu’il visite pourtant bien plus régulièrement que sa compagne. Comme s’il préférait rester dans le semi-déni. Pour mieux s’offrir le moment venu un coming out aussi réussi que celui de Bruce Willis, Peter Gabriel ou André Agassi.

Par Isabelle Willot

« Coloration, c’est le mot à bannir impérativement. »

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