Nulle part ailleurs en Europe on ne découvre autant de créativité contemporaine au sein d’une même ville. La rivale d’Amsterdam séduit par son architecture fascinante et par un art de vivre très hype. Bienvenue dans la ville de demain où design innovant et urbanisme inventif se conjuguent au quotidien.

En pratique, page 96.

Rotterdam tient sa revanche sur l’histoire. La plus grande ville des Pays-Bas est en train de devenir une des métropoles les plus branchées du monde. Totalement détruite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, Rotterdam a fait le pari du futur lors de sa reconstruction. Depuis les années 1950, tous les grands noms de l’architecture ont travaillé pour bâtir une ville unique, une palette du meilleur de la production contemporaine en matière d’habitat. Joëlle Cariou est une des  » archi-guides  » de Rotterdam : elle décrypte la ville en élaborant des visites pour les architectes étrangers et les bourgmestres de grandes villes voulant découvrir le modèle rotterdamois :  » Rotterdam est conçue comme une ville à partager avec les générations futures. Au centre-ville, des friches ont été conservées pour laisser s’exprimer l’architecture de demain. La ville se recompose sans précipitation. Le projet de rénovation de la Gare centrale doit par exemple durer quinze ans.  » Cette politique de friches a permis à toutes les générations d’architectes de proposer un projet pour la ville, chaque décennie étant représentée.

Mais la ville ne reflète pas certains clichés de l’architecture contemporaine. Chaque immeuble semble avant tout construit pour le confort absolu de ses habitants. Le projet  » Lang Tong  » propose par exemple 600 appartements avec 60 configurations différentes proposées aux occupants selon leurs envies et leurs situations familiales. L’ouvrage de verre et de briques est impressionnant : une véritable petite ville futuriste qui ne pâtit pas de la froideur inhérente à ce genre de projets. On aime d’ailleurs passer d’une découverte architecturale à une autre : l’immeuble dessiné par Norman Foster ou la tour réalisée par Renzo Piano pour KPN Telecom dont la façade projette des centaines de petites lumières vertes, sans oublier le fameux pont Erasmus dessiné par Ben van Berkel qui semble suspendu sur la Meuse, sans attache terrestre. Toutes ces créations animent le fameux quartier Kop van Zuid. C’est de là que sont partis des milliers d’immigrants vers les Etats-Unis ou le Canada. Les navires y déversaient aussi les marchandises en provenance des colonies. Sous l’impulsion de la municipalité, le quartier est devenu un immense laboratoire architectural. De gigantesques entrepôts du xixe siècle sont en train d’être rénovés : lofts, bars et restaurants branchés remplacent vite les immenses hangars où l’on stockait autrefois les épices et la soie. Tout au bout de Kop van Zuid, l’hôtel New York, rescapé des bombardements, est un témoignage de l’époque des colonies et des vagues d’immigrations successives. L’hôtel, lui aussi, s’est adapté à son époque : son design intérieur, très contemporain, tranche admirablement avec sa magnifique façade de briques.

Une ville branchée et sereine

Cette créativité exacerbée de l’urbanisme a des répercussions sur le quotidien des habitants. Certaines villes semblent un peut éteintes, voire ramollies par le poids du passé : dans un mouvement contraire, les Rotterdamois participent chaque jour à son élan créatif. La cité cultive un amour intense pour le design, la mode, la décoration et l’art de la maison. Les boutiques de design sont partout et rivalisent d’originalité. Ainsi, Eugenie Schardijn pourrait se contenter de diriger 220, sa magnifique boutique de décoration… Mais poussée par une véritable passion pour les luminaires, elle édite chaque année une nouvelle collection, reprenant des standards rétro et les réinterprétant à travers des lignes contemporaines.  » Je souhaite proposer à mes clients un véritable regard sur le design et la décoration, je déteste par exemple les boutiques qui ressemblent à des catalogues. Je travaille beaucoup à la demande afin de proposer des créations que l’on ne voit pas ailleurs.  »

Le must du design se trouve dans les Docks, au c£ur du port de Rotterdam. Installées dans d’anciens entrepôts frigorifiques, une dizaine de boutiques proposent les grands noms de la création internationale, de l’incontournable Starck à Tom Dixon ou Tecno. La mode n’est pas en reste avec quelques adresses ultrabranchées et pointues (Beljon, Prague, etc.). Des créateurs de mode comme Jeroen von Tuyl (vendu chez Beljon) ont par exemple fait le choix d’installer leurs ateliers à Rotterdam au lieu de Paris, Milan ou Anvers. Ses modèles sont à l’image de la ville : inventives, précises et ambitieuses. Il ne faut pas rater non plus dans la boutique Prague le défilé quasi permanent des clients, victimes très consentantes de la mode, à la recherche des derniers blousons Martin Margiela ou Yamamoto.

Mais Rotterdam cultive aussi les plaisirs minuscules comme celui d’une conversation animée dans un café ou d’une promenade à vélo le long de la Meuse, face aux immeubles pointus de Kop van Zuid. Cette ville voue un véritable culte à ses cafés, on y passe des heures à déguster des pâtisseries et à lire la presse. Chaque brasserie dispose d’une collection de magazines internationaux traitant du design et de la décoration. Les Rotterdamois sont décidément accros au lifestyle ! Les brunchs du dimanche sont des points de ralliement à ne pas rater : selon ses humeurs, on peut choisir celui très branché de l’hôtel New York ou le classique du café Rotterdam.

Comme à Amsterdam, le vélo est roi. Mais à la place des maisons anciennes, on découvre, le long des canaux, toute la magie contemporaine de la ville, comme ses mystérieux lampadaires interactifs de 30 mètres de hauteur ou l’impressionnante collection de statues qui dessine un parcours original à travers la ville. Ne ratez pas non plus la fameuse  » Sylvette « , sculptée par Picasso, ou le très kitsch et amusant monument d’un artiste local, Maarten Toonder, une £uvre hybride entre Dali et les mangas japonais.

Si l’on arpente très facilement la ville à pied, on peut aussi accéder au charme des water-taxis, petits bateaux en bois qui font la navette entre le fleuve et certains canaux. Herman Vach, éditeur installé à Amsterdam mais amoureux de Rotterdam, les pratique assidûment :  » J’adore cette ville la nuit quand les brumes de la mer viennent se frotter aux gratte-ciel. J’ai longtemps pensé que des cinéastes comme Wim Wenders ou Atom Egoyan y trouveraient des décors naturels très inspirants pour un film. Rotterdam est pour moi la ville d’Europe du Nord la plus intéressante et aussi la plus intrigante. Elle correspond totalement à l’esprit lifestyle qui bouscule actuellement toutes les grandes métropoles. De l’habitat aux musées, tout ici est pensé avec une volonté lifestyle. Plus encore qu’à Londres ou à New York. Je n’ai jamais autant rencontré de trentenaires épanouis et heureux de leurs conditions de vie.  » Comme pour l’élite des architectes et des designers, il est urgent de venir à Rotterdam puiser quelques idées déco pointues et découvrir l’une des villes les plus ambitieuses d’Europe. Certains accros reviennent tous les ans, juste histoire de contempler les dernières folies architecturales.

Jean-Michel de Alberti

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content