Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(1)  » Valery Larbaud, le vagabond sédentaire « , textes choisis et présentés par Béatrice Mousli.

Bien sûr, c’était l’époque où, quand on avait un peu de sous, on avait aussi beaucoup de temps. De bien belles escapades s’offraient alors voluptueusement au voyageur intrépide. Encore fallait-il le vouloir. Nombreux étaient, en effet, les fils à papa qui préféraient une oisiveté banale à un voyage peut-être risqué et aux surprises multiples. Pas de portable ni de carte de crédit en ce début de xxe siècle. Juste une folle envie d’aller voir ailleurs, d’explorer des terres inconnues.

Bambin, déjà, l’écrivain Valery Larbaud avait des fourmis dans les jambes. Ne jouait-il pas les Robinson dans le jardin familial ? Normal dès lors qu’il ait profité du substantiel héritage paternel gagné en exploitant la source de Vichy-Saint-Yorre pour s’échapper, flâner, humer l’air d’autres rives.

Angleterre, Espagne, Italie, Suisse, Albanie… Emerveillement et fascination. D’autant plus que Larbaud, passionné de littérature étrangère, a choisi d’apprivoiser les langues. Pour mieux s’imprégner de la culture des peuples, s’intégrer davantage encore.

Il fuit les hôtels, les centres des grandes villes cosmopolites, leur préférant de petits appartements confortables dans les faubourgs calmes et sereins.  » La vie d’hôtel est une vie à demi vécue, sans caractère, la même sous tous les climats, dans tous les pays. (…) Meilleur, mille fois l’appartement même incommode, dans une maison dont nous avons la clé dans notre poche, ou la chambre louée chez des particuliers qui nous sont à la longue une espèce de famille « , écrit-il. Une manière de s’ancrer dans sa terre d’adoption. Du bed and breakfast avant l’heure.

 » Voyager avec « . Depuis 1994,  » La Quinzaine littéraire  » et Louis Vuitton publient, deux fois par an, des £uvres d’écrivains souvent inédites qui se veulent divertissement, rupture avec le quotidien. Cendrars, Jünger, Proust, Conrad, pas moins de dix-sept d’entre eux se sont ainsi exprimés. Aujourd’hui, vient le tour de Valery Larbaud (1), grand voyageur, esthète, qui préférait, lui, résider plutôt que visiter. Une (re)découverte passionnante et émouvante. Voilà en effet un routard avant l’heure qui, curieux de tout, voyait déjà dans chaque ville européenne rien moins qu’un quartier de ce  » pays Europe « , un idéal.  » Heureux homme, libre vagabond couchant partout, buvant à toutes les fontaines, citadin de toutes les plus belles cités, qui forment dans son habitude une seule grande ville, la Capitale du Monde, dont il est le bourgeois paisible et le flâneur anonyme.  » Rome, proche banlieue de Bruxelles, elle-même voisine de Madrid ou de Londres… il en a rêvé. Valery Larbaud peut reposer en paix. C’est presque pour aujourd’hui.

Christine Laurent

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