Posé comme dans un écrin, l’état indépendant des Samoa cultive la douceur de vivre entre mer turquoise, plages de rêve et traditions ancestrales. Découverte d’un paradis encore méconnu.

A 33 ans, Ben Hur, un jeune artiste, se trouve à la tête d’un atelier dans lequel une vingtaine de personnes apprennent à façonner le verre et le bois tout en produisant également de nombreuses peintures et poteries. Dans un coin de son atelier, spacieux mais encombré, à l’abri des pluies tropicales soudaines, quelques-unes de ses oeuvres voisinent avec celles d’autres artistes.

Ce groupe artistique qui a déjà réalisé quelques commandes notamment pour les Jeux Olympiques de 1996, est à la recherche d’un autre lieu pour exposer dans de meilleures conditions les créations des jeunes Samoans inspirés par la nature généreuse de leurs îles. Aucune subvention n’est accordée à cet atelier situé non loin d’Apia, capitale des Samoa occidentales en Océanie dans le Pacifique Sud. Quelques donations viennent toutefois le soutenir. Ainsi cet ordinateur offert par des Japonais de passage dans l’île. Sinon, c’est la débrouille qui domine. Apia est à quelques minutes en voiture de l’atelier. La capitale est le véritable centre névralgique des Samoa occidentales, un jeune état indépendant depuis 1962, voisin du territoire américain des Samoa orientales, situées à une centaine de kilomètres plus à l’est. Loin de l’emprise du dollar, les Samoa occidentales ont su préserver un cadre original plein de douceur.

Les premières populations arrivent, il y a environ 2 000 ans, sur ces îles que l’on qualifie volontiers de « berceau de la Polynésie ». En 1722, les Hollandais y débarquent. Des missionnaires suivront. Au sein de cette société traditionnelle, la religion a une place prédominante. Catholiques en majorité, mais aussi protestants et méthodistes s’y sont implantés. Les candidats (Anglais, Allemands ou Danois) à la prise de possession de l’archipel furent nombreux. En 1900, les Samoa se trouvent alors sous administration allemande avant que la Nouvelle-Zélande n’en exerce la tutelle de 1920 jusqu’en 1962, date de l’accession à l’indépendance. Encore aujourd’hui, la Nouvelle-Zélande « le pays du long nuage blanc », reste pour Samoa le partenaire privilégié et l’un de ses principaux investisseurs. Ainsi, chaque année, mille passeports sont offerts aux Samoans désireux de s’y installer. La communauté samoane est d’ailleurs l’une des plus importantes de la ville néo-zélandaise de Auckland.

Samoa est un archipel dont la majeure partie du territoire est constitué de deux grandes îles : Upolu et Savaii. Avec les îlots de Manono et Apolima aux plages paradisiaques, les Samoa occidentales s’étendent sur 2 831 km² répartis en 9 îles. Monarchie constitutionnelle fondée sur le droit coutumier, les Samoa indépendantes se veulent une démocratie respectueuse des traditions. Pour preuve, la cérémonie de salut à l’étendard national qui a lieu tôt le matin chaque vendredi et fort appréciée des touristes.

Derrière le bâtiment du gouvernement qui abrite le « bureau des visiteurs », le marché aux poissons jouxte le port d’Apia. La pêche et les activités touristiques constituent l’essentiel des activités économiques des Samoa. Délimitant Apia Harbour, la péninsule de Mulinuu orientée vers le nord-ouest est aussi le centre historique de la capitale où l’on peut admirer de très anciennes tombes royales. Au coeur de la capitale, le marché est une curiosité incontournable, un lieu typique et haut en couleur. On y accède après avoir traversé une grande partie de la ville en empruntant des rues bordées de maisons au style colonial, parfois ornées de balcons. Ces habitations s’alignent jusqu’aux premiers contreforts des montagnes couverts par la forêt tropicale. Le grand marché couvert d’Apia est à l’image de l’archipel: animé, coloré, il résonne de mille bruits et distille mille saveurs exotiques.

A Apia, une capitale étendue, le célèbre établissement Aggy’s Grey Hotel occupe une place d’honneur. Face aux lames du Pacifique, protégé par la rade, cet hôtel appartient à l’une des plus grandes dynasties familiales des Samoa. Influente, celle-ci a beaucoup contribué à faire la renommée mondiale des Samoa. Cet établissement fut le lieu de séjour obligé des têtes couronnées mais aussi de stars de cinéma comme Marlon Brando, William Holden ou Gary Cooper qui y tourna en 1953, le film « Return to Paradise ». Bien avant cela, Robert Louis Stevenson, l’auteur de « l’île au trésor » (1883) et de « Dr Jekyll et Mr Hyde » (1886), fasciné par la gentillesse et la beauté des habitants, avait séjourné quelques années sur les hauteurs de la capitale dans une somptueuse demeure coloniale qu’il s’était fait construire à Vailima face au Pacifique.

C’est dans cette île dédiée à la douceur de vivre, que Stevenson passa les dernières années de sa vie. A 44 ans, le 3 décembre 1894, il s’écroulait, victime d’une hémorragie cérébrale. Celui que les Samoans ont appelé « Tusitala », « le raconteur d’histoires », repose au sommet de mont Vaea, avec son épouse Fanny. Sur la pierre blanche de la tombe tournée vers le Pacifique quelques vers de « Requiem », un poème composé en France par Stevenson, ont été gravés. Sa superbe demeure, devenue musée, éclaire le visiteur sur la vie d’un aventurier audacieux à jamais lié à cette terre.

Un véritable océan végétal a pris possession de l’intérieur des terres d’Upolu. Des montagnes couvertes par la jungle abritent de nombreux petits villages essentiellement constitués de « fale », des abris sur pilotis ouverts aux vents, coiffés d’une toiture végétale. Certains fales plus anciens voisinent avec des habitations plus modernes où les valeurs ancestrales et tribales sont préservées. Ainsi le tatouage, non obligatoire, est un art toujours très répandu qui symbolise un rite de « passage » important pour l’individu. Il peut indiquer à la tribu que l’homme tatoué est en âge d’assumer un foyer. Au village de Lotofaya, sous le fale, le maître tatoueur dessine des motifs sur la peau. Couché à même le sol, comme le veut la tradition, le jeune patient est étendu dans le plus simple appareil, une étoffe posée sur le sexe. Avec une précision d’orfèvre, le tatoueur applique minutieusement l’encre qui suinte de la pointe de ses outils. Le geste rapide, il martèle à l’aide d’une baguette ces véritables râteaux qui pénètrent dans la chair. Manifestement drogué pour supporter la séance, le jeune homme ne peut s’empêcher d’avoir des rictus de douleur. Sous les coups rapides qui sculptent les motifs dans la peau, l’encre foncée se mélange à la sueur et au sang que les assistants du maître épongent à l’aide d’une étoffe noircie. A l’issue de ce rituel, les plaies, qui cicatriseront avec le temps, laisseront une marque indélébile. Très répandu aujourd’hui, le tatouage était jadis réservé aux « Matai », les chefs de tribu.

Depuis le village de Lotofaya, on longe une grande partie du littoral sud de l’île d’Upolu pour rejoindre Mulifanua, point d’embarquement pour l’île Savaii. Un ferry assure la navette régulière entre les deux îles principales de l’archipel. Savaii n’est guère différente d’Upolu, même si ses habitants prétendent afficher les plus belles plages de tout l’archipel! Les couleurs naturelles des Samoa éclatent entre le bleu intense des eaux du Pacifique, le noir des roches volcaniques et le vert tendre de la jungle des montagnes. Dans certaines criques, le sable blanc fait place aux roches volcaniques résultant de la solidification du magma au contact de la mer. Ainsi, la lave a créé des failles où les vagues s’engouffrent provoquant d’impressionnants geysers. Celui de Alofaaga est le plus connu. On le gagne par la côte, après avoir traversé de nombreux villages où la vie s’écoule toujours paisiblement. Le geyser jaillit près du village de Mu Pagoa, également célèbre pour ses chutes d’eau qui se jettent dans le Pacifique. L’île de Savaii, bien moins étendue qu’Upolu comprend une chaîne de montagnes dont le sommet le Mata’aga culmine à 1 714 mètres. Sur l’une des plages de sable blanc qu’il domine, trône le Siufaga Beach Resort. A la lisière de la plage, donnant directement sur l’océan, cet hôtel essentiellement constitué de fales clos par des panneaux en fibre végétale tressée, entouré de sable fin, de cocotiers et d’eau cristalline délicieusement chaude, se veut un vrai paradis au sein de ces douces îles préservées du Pacifique Sud.

Texte et photos: François-Xavier Béchard [{ssquf}]

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