On dit que votre première expérience musicale a été d’entendre dans le ventre de votre mère un concert de James Brown à Harlem. Un début de vie plutôt  » funky « …

(Rires gargantuesques.) Je suppose que cela a eu une certaine influence sur ma future appréciation de la musique et des choses de la vie. J’ai moi-même deux enfants (4 ans et 8 mois) et on écoute de la musique qui est supposée développer la conscience. Si on en revient à James Brown: il a effectivement joué un rôle dans la mouvance hip-hop auquel j’appartiens en partie.

Le film  » Slam  » présenté à Cannes il y a trois ans, où vous jouiez le rôle d’un poète, vous a fait connaître.

L’impact du film a été étonnant. Son succès  » critique  » a été porté par le bouche-à-oreille, ce qui tombait bien à propos puisque le film est basé sur le pouvoir des mots ( rires). Les gens qui me reconnaissent en rue à présent ne se précipitent pas sur moi en hurlant  » C’est formidable « , mais me disent tout simplement :  » Merci, grâce au film, j’écris maintenant !  »

Le déclic du  » slam  » (rap rapide) a été un endroit new-yorkais baptisé le Nuyorican Poet Café…

Moi, j’ai grandi avec le hip-hop. Mais, au début des années 1990, je faisais partie des gens qui en avaient marre du rap qui raconte toujours les mêmes histoires de gangster ! Puis j’ai rencontré un noyau de gens qui voulaient entendre d’autres textes ! Du coup, j’avais l’impression – au Nuyorican et à un ou deux autres endroits – d’être un alcoolique repenti allant à une réunion des AA: tout le monde semblait d’accord avec ce désir de changement ! Un endroit de ratés, de dingues: personne ne pariait un sou sur nous !

Le problème avec votre disque, c’est que les paroles ne sont pas évidentes à comprendre et lorsqu’on lit les textes sur la pochette, c’est pire encore vu que les caractères sont minuscules ! C’est voulu ?

( Rires.) Non, pas du tout. La raison est toute simple: il y a trop de mots. Mais la compagnie de disques m’a dit que les imprimer sur une surface plus grande leur coûterait deux cents (soit moins d’un franc) de plus par disque. Et que c’était vraiment beaucoup trop d’argent ( rires).

Vous chantez un titre  » Robeson « …

Paul Robeson, né en 1898, était un acteur-activiste, il est devenu célèbre dans le monde entier en chantant  » Old Man River « … Il parlait onze langues et pendant la période McCarthy, il a été retiré de tous les livres scolaires et son passeport a été confisqué ! C’est surtout quelqu’un qui a estimé que l’expression artistique était peut-être la meilleure façon de rapprocher les gens. Il était venu chanter pour les Républicains pendant la guerre d’Espagne, avec un flingue et un mégaphone sur la ligne de front. Il n’y a pas eu de tirs pendant trois jours et les deux camps sont venus l’entendre chanter. Il a voulu utiliser son art pour sauver des gens !

Il représente pour vous un modèle?

C’est ce que je crois être le but de la création: rapprocher les gens et les cultures !

Votre univers n’est pas nécessairement réaliste, vous lui donnez parfois un aspect allégorique et fantastique que l’on peut juger comme du rap-fiction !

On peut le dire. Dans ma chanson  » 1987 « , il est question de la cité mythique d’Atlantis.

Lorsque les esclaves noirs ont été forcés de traverser l’Atlantique, à peine un tiers d’entre eux sont arrivés en Amérique. Pour un million de gens débarqués sur le Nouveau Continent, deux millions sont morts pendant la traversée ou ont été jetés par-dessus bord !  » 1987  » raconte et imagine comment certains esclaves auraient fait semblant d’être morts, se seraient jetés à la mer et auraient ainsi été capturés par Atlantis. Jusqu’au jour où ils ont resurgi des flots pour réclamer leur dû !

Propos recueillis par Philippe Cornet

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