Barbara Witkowska Journaliste

Joailliers, couturiers, artistes et, bien entendu, parfumeurs présentent leurs dernières créations olfactives. Au programme : du rêve, de l’évasion, de l’exotisme, du mystère… Et de la fraîcheur. Parfait pour la fête des mères.

L’art chinois est très en vogue. Précurseur, le joaillier Cartier s’y intéresse pourtant depuis la fin du XIXe siècle, en interprétant admirablement les motifs emblématiques de l’empire du Milieu en laque, en nacre, en corail ou encore en jade. En 2003, la superbe collection de joaillerie Le Baiser du Dragon rendait hommage à cet animal légendaire à coups de diamants, de rubis, d’onyx et d’or. Voici, aujourd’hui, Le Baiser du Dragon en version olfactive. Son flacon est un petit bijou de raffinement. Inspiré d’un modèle créé par Cartier en 1924, il mêle l’art chinois et l’Art déco. On y découvre des messages où il est question de Yang (lumière, virilité, ciel) et de Yin (féminité, terre, ombre). Dans cet écrin précieux coule un nectar intense et obsédant. On remarque l’absence de fleurs typiquement  » féminines « . Ce sont, en revanche, l’amande douce, le néroli, l’essence d’iris et le cèdre qui tressent la personnalité de ce jus somptueux, chaud et charnel. Ensorcelant, ce futur grand classique annonce, aussi, une nouvelle famille olfactive : celle des boisés vétiver au féminin.

Code luxe

Depuis peu, Solange Azagury-Partridge tient les rênes de la création chez le joaillier Boucheron. Pour la jeune Anglaise, la maison de la place Vendôme, au c£ur de Paris, est synonyme de femmes mystérieuses et troublantes, à la séduction osée et provocante. La première collection de joaillerie qu’elle a dessinée, portait le nom de Beauté Dangereuse. Le serpent, symbole de la tentation et du renouvellement, en était la vedette. Trouble, le nouveau parfum, incarne aussi tous les attributs de la Beauté Dangereuse. La silhouette du flacon renoue avec les codes baroques et luxueux de Boucheron. Cube précieux de verre rubis noir, il est lourd et massif, finement travaillé. Un serpent d’or aux yeux d’émeraude ondoie en souplesse autour du bouchon, doré, lui aussi. Le jus ? Il se devait d’être oriental. Les notes classiques et opulentes de jasmin, de cédrat, d’ambre et de vanille sont agréablement rafraîchies par deux nouveaux accords. La digitale et le flamboyant apportent énormément de lumière, de fluidité et de souffle. Très troublant.

Fleurs en cascades

L’année 1944 marque, chez Rochas, la naissance de Femme. Glissé dans une jolie amphore, habillée de dentelle de chantilly noire, ce fruité-chypré composé avec plus de cent essences est une formidable réussite. En 2004, Olivier Theyskens, le nouveau directeur artistique de la maison, s’empare de ce jus mythique et l’interprète à sa façon. La dentelle noire est désormais rose. Elle recouvre l’étui et non plus le flacon. Ce dernier est coiffé d’un bouchon orangé à la place d’un bouchon noir. Femme devient Poupée… La fragrance, quant à elle, se rafraîchit et s’enhardit, affiche une jeunesse insolente. Que de fougue et d’optimisme dans ce premier souffle, traversé par des notes limpides de fleurs d’oranger, d’ananas, de jasmin vert et de tubéreuse. Le fond est agréablement arrondi par les notes chaudes de l’ambre, du santal et du benjoin. Estée Lauder, elle, nous emmène dans un voyage de rêve, au-delà du paradis. Beyond Paradise, c’est d’abord une ravissante goutte de verre, colorée comme un arc-en-ciel. Dans le jus se mêlent des sen- teurs paradisiaques. Fleurs d’oran-ger, fleurs de prunier, jasmin de Madagascar, orchidée mexicaine et jacinthe bleue sont admirablement soutenus par des bois tropicaux rares, le Zebrano et le Melaleuca Doré. L’ensemble est enivrant et irradie une sérénité très lumineuse.

Fragrances cousues main

La griffe Moschino conjugue là une séduction à l’italienne à la fois élé-gante, nonchalante et impertinente. Rosella Jardini, nouvelle directrice artistique de la griffe, a traduit ce style avec brio dans le nouveau parfum Couture ! L’écrin, sobre et pur, est souligné d’un ruban de velours rouge fermé d’un bouton doré. Quand on enlève le bouchon c£ur, le flacon répand les premières notes fraîches et piquantes d’agrumes. Quelques grains de poivre chatouillent agréablement les narines. Très vite, l’ambiance change. On pénètre dans un jardin merveilleux. Dans l’air, flottent des odeurs de pivoine, de jasmin et de coquelicot. En finale, on se régale d’effluves sensuels de benjoin, de cèdre et de vanille. Quittons l’Italie pour le sud de la France, le fief de Louis Féraud, aujourd’hui disparu. Très inspiré par l’esprit de sa Provence natale, le couturier dessinait toujours une mode lumineuse, gorgée de couleurs vives et éclatantes. La maison Féraud lui rend aujourd’hui hommage, avec un parfum extrêmement radieux et généreux. Il coule dans un flacon en forme de soleil. Poire, pamplemousse jaune, fleur de cerisier, gardénia et héliotrope tourbillonnent joyeusement à l’unisson. Plus tard, vanille, muscs, cèdre et santal leur rajoutent une touche fondante et cajolante.

Rose glamour et vert fashion

Versace joue la carte du glamour. Les aficionados de ce style show-off vont craquer pour Jeans Couture Glam. Sur le flacon, carrossé d’or, coule une pluie de strass roses. A l’intérieur s’épanouit un bouquet… rose. Quel-ques feuilles de mandarine et de poivre rose ouvrent le défilé avec des notes vives et pétillantes. Puis entrent en scène les fleurs roses : la rose Vanité, le fuchsia et l’orchidée Papillon. En finale, l’ambre, le cèdre et le musc noir unissent leurs volutes dans un sillage sensuel et langoureux. Parfum de peau, il se porte comme un top moulant. Roberto Verino ? Ce styliste espagnol, encore peu connu chez nous, habille joliment les fashionistas ibériques, éprises de simplicité et de modernité. En attendant la mode, on peut essayer le premier parfum griffé Verino. Son nom est un double V : V pour Verino, V pour Vie. Un cube limpide et transparent laisse apparaître un flacon tout rond et un jus couleur vert d’eau. La fragrance est  » sphérique  » à l’image du flacon. Ses composants jaillissent à l’unisson dans une boule tourbillonnante et virevoltante. On y hume des accords acidulés de mandarine, de bergamote, de pamplemousse et de pomme verte, délicatement adoucis par des pétales de fleurs d’eau et de jasmin de Sambac. Quelques rubans de santal et de musc se faufilent gracieusement dans ce halo de fraîcheur et apportent l’indispensable note sensuelle. Déli-cieusement féminin et léger, ce jus 100 % espagnol accompagne en beauté les robes fleuries de l’été.

Variations citronnées

La note citronnée évoque des senteurs vives, incisives, toniques et transparentes. Cela dit, elle se prête à toutes les interprétations. Serge Lutens la traite à l’orientale, en s’emparant, tout d’abord, de la fleur du citronnier. A ses effluves riches et profonds, il ajoute quelques larmes de miel blanc, une goutte d’essence de néroli et une poignée de pétales de tubéreuse des Indes. Ce fond pur et intense est rafraîchi par des feuilles de citronnier. Une pincée de muscs et de noix de muscade le nappe de volupté. Ainsi, Fleurs de Citronnier se fondra admirablement dans la nuit de nos vacances à Marrakech ou à Djerba. Dans Jaguar Women, l’interprétation des notes citronnées est plus féminine et plus fleurie. Pour commencer, elles pétillent à l’unisson avec des boules de groseille et de cassis. Ce départ fougueux glisse vers un c£ur plus doux, tapissé de pétales de fleurs blanches, tels la pivoine, le lys d’eau et le jasmin Sambac. Le tout est admirablement relayé par un sillage subtilement boisé. Le santal, le cachemire, l’ambre et les muscs blancs se déploient en courbes sensuelles qui évoquent celles de la limousine de rêve.

Séduction très hot

Charles Jourdan ? On pense immédiatement aux chaussures féminissimes, silhouettes audacieuses, talons vertigineux et look sexy. Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans Le Parfum, sa première fragrance griffée Charles Jourdan et  » la plus sexy au monde « . Les notes de tête (basilique, armoise, bambou, mangue et pêche) annoncent d’emblée une séduction puissante et ardente. Le c£ur bat au rythme d’un accord de lave, au pouvoir aphrodisiaque, paraît-il. Ce battement frénétique est boosté par la senteur de karo karounde, fleur exotique au charme vénéneux. Le fond s’embrase. L’ambre, le patchouli, le bois de santal, le bois de gaïac, le cumin, corsés par l’absolu de café, sont comme une invitation à toutes les fantaisies sensuelles. On retrouve la même ambiance torride chez Salvador Dali. Le génial peintre catalan aurait eu, cette année, 100 ans. On fête cet anniversaire avec une création olfactive appropriée : audacieuse, troublante et non dépourvue d’humour. La groseille rouge, l’orchidée sauvage, la rose, le patchouli, le santal et le miel de citronnier dessinent un sillage innovant, enveloppant et charnel qui ne laisse pas indifférent. Rubylips se glisse dans un flacon rouge passion, inspiré de la célèbre broche L’Aphrodite, créée par Dali. Carrément surréaliste.

Fleurs et fruits de saison

Depuis quelques années, Guerlain nous régale avec des éditions saisonnières et limitées, élaborées, toujours, dans l’esprit des grands parfums de la maison. Mentafollia et Anisia Bella écrivent deux nouveaux chapitres de la success story des Aqua Allegoria. Jean-Paul Guerlain les a imaginées sous le soleil du Sud. Pour la première, la note de départ a été donnée par la menthe marocaine. La mandarine, la rose, le jasmin et le thé vert lui tiennent admirablement compagnie. Dans Anisia Bella, l’anis étoilé mène la danse et entraîne dans son sillage des accords d’agrumes, de basilic et de violette. Cherry Blossom Glittering est un délice de fraîcheur et de féminité avec, au menu, la bergamote, le thé et la fleur de cerisier. Le tout sur un fond divinement poudré. La fragrance est de couleur rose pâle, enrichie de paillettes dorées.

Barbara Witkowska

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