L’ARTISTE

Spencer Sweeney est né en 1973 à Philadelphie où il se forme à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts avant de déménager à New York à la fin des années 90. Délimiter le champ d’action de ce Barabbas de la scène underground de SoHo, décrit par le magazine Interview comme  » un play-boy mystique « , relève de la gageure tant il multiplie les casquettes – au propre comme au figuré. Hipster à barbe de 25 jours, toujours coiffé d’une  » baseball pet « , Spencer Sweeney est la figure même du slasher comme on dit en bon français pour caractériser ces touche-à-tout de plus en plus nombreux à peupler la planète création. À la fois DJ, propriétaire d’un club (le Santos Party House) et musicien (il était batteur dans le groupe art-rock Actress au côté de Lizzi Bougatsos, aujourd’hui en pleine chevauchée expérimentale chez les Gang Gang Dance), cet oiseau de nuit est aussi un performeur foutraque (ses vernissages mêlent sons et vidéos dans une ambiance d’opéra bruitiste) en plus de s’afficher en peintre décomplexé des références et des styles. À la manière du néo-fauve Martin Kippenberger (1953-1997) à qui on l’a plusieurs fois comparé. Et pas seulement parce que ce dernier faisait aussi exploser les frontières entre les disciplines et inscrivait sur son CV le titre de directeur du mythique club SO36 de Berlin : au niveau purement plastique, on retrouve le même expressionnisme ironique et libéré des convenances qui préside dans l’£uvre du jeune Américain. Un travail traversé à parts égales d’emprunts à l’histoire de l’art moderne (de Picasso aux expressionnistes abstraits) qu’à la pop culture (du graf à la bande dessinée). Une £uvre forcément dissipée et révélatrice d’une époque à sa mesure.

L’EXPO

Il s’agit de la première exposition en galerie de l’artiste américain en Belgique. Dans les deux premières salles de la Twig Gallery, à Bruxelles, sont accrochés de grands formats. On y trouve d’une part des tableaux néo-expressionnistes aux couleurs franches appliquées à la faveur d’une spontanéité qu’on devine sauvage. Et d’autre part, des toiles peintes à l’acrylique noire et blanche qui citent avec humour et sans obséquiosité le primitivisme facétieux d’un Picasso et les formes sensuelles d’un Matisse. On y découvre, amusé, des espèces de dieux gréco-romains cartoonesques, pizza à la main. Des autoportraits, en fait, un genre que Sweeney affectionne particulièrement. Dans une pièce dérobée, ensuite, l’artiste a suspendu sans manières quelques petits et moyens formats et déposé à même le sol d’autres £uvres, reconstituant de cette façon l’ambiance intime d’un atelier. Pas de cordons protecteurs, on se trouve en toute familiarité au c£ur du processus, comme un pote invité à boire une pils au studio. Certaines de ces peintures ont d’ailleurs été réalisées sur place. Et ça dit quoi ? On cherche encore l’enjeu dans son propos opaque et décousu. Entre motifs abstraits sur toiles brutes apparentes et figurations sous acide (un fantôme peint, pipe à eau à la main, une silhouette rouge rappelant les contours des figures féminines du Douanier Rousseau… ), le monde imaginé par Spencer Sweeney ne répond visiblement à d’autres logiques qu’à l’instinct créatif désinhibé autorisé par son statut de galonné de la hype. Un peu court, parfois fat, mais agréablement fun.

Spencer Sweeney, Twig Gallery, 74, rue Tenbosch, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 2 juin prochain. www.twiggallery.com

BAUDOUIN GALLER

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content