Barbara Witkowska Journaliste

La mission de Stéphane Marais au sein de Shiseido? Développer et moderniser Clé de Peau Beauté, la gamme de maquillage haut de gamme, ultra-luxueuse du groupe japonais. Portrait.

Le cadre est blanc et dépouillé, la lumière est très douce. Il fait calme. Dans l’atelier parisien de Stéphane Marais, l’ambiance est propice à parler couleurs et séduction, à tester et palper fards, poudres et matières. Sur la grande table, d’élégants boîtiers de couleur bleu ardoise dévoilent leurs nuances chromatiques sensuelles et profondes. Subtilité et raffinement. Formulations uniques et aériennes, des textures d’une finesse qui ont pour but de mettre en valeur, pas de camoufler. Stéphane Marais fait ce qui lui plaît. Son unique dessein est de rendre les femmes plus belles, pas forcément plus maquillées !

Pourtant, au début, rien ne destinait Stéphane à devenir l’un des maquilleurs et créateurs les plus doués et les plus sollicités. Né en 1960, à Saint-Malo, il troque rapidement les brumes et bourrasques bretonnes pour le soleil africain.  » Mes parents, comme beaucoup de jeunes couples dans les années 1960, voulaient changer de vie, confie-t-il. Mon père, agent frigoriste, avait l’opportunité de partir au Cameroun, pays en plein boom économique qui recherchait des spécialistes. J’ai vécu toute mon enfance là-bas, dans ce véritable paradis pour les gosses. « 

Le retour en France, à l’âge de 11 ans, est synonyme d’un grand choc. C’est le rendez-vous avec la  » vie normale « . Après le bac, faute d’ambitions précises et définies, Stéphane s’inscrit dans une école de marketing. Pour constater, au bout d’un mois,  » que ce n’est pas son truc « . Il opte alors pour  » le circuit nocturne « . Dans les boîtes et bars à la mode, il croise la faune chic et branchée : étudiants en beaux-arts, stylistes, photographes et maquilleurs. Stéphane découvre le maquillage et décide de tenter sa chance dans cet univers esthétique empreint de magie. Sa formation ? Une présence de trois mois à la célèbre école parisienne Christian Chauveau lui suffit. Apprendre sur le tas, en commençant par de petits boulots, est autrement plus utile dans le métier. Tout en  » s’accrochant « .  » Je suis breton, terrien, souligne Stéphane. Têtu et persévérant, je ne baisse pas facilement les bras. « 

Les premières expériences sont rythmées de rencontres importantes. Comme celle avec le célèbre photographe Peter Lindbergh.  » Nous avons travaillé dix-huit ans ensemble, on a connu des challenges magnifiques.  » Stéphane évoque également, avec émotion, les rencontres avec Jean Paul Gaultier, Rei Kawakubo, la singulière créatrice de la marque japonaise  » Comme des Garçons « , et John Galliano.  » Je suis assez affectif, j’aime être impressionné et séduit. J’adore les gens qui me bluffent. La collaboration avec Jean Paul Gaultier fait partie de mes plus beaux souvenirs. Jean Paul a des idées très fortes. Il réunit des qualités de fraîcheur, d’innocence, de jovialité et d’humanité. Il est une véritable pile électrique. Moi aussi, d’ailleurs. Ensemble, nous avons été deux bonnes batteries  » ( rires !).

Puis vient le grand tournant, en 1989. Une fois de plus, il s’agit d’une rencontre. Stéphane Marais est interviewé par une journaliste japonaise, basée à Londres. Les questions sont très personnelles, un peu étranges. Stéphane a l’impression de subir un interrogatoire ou un test. Tout devient plus clair, lorsqu’il reçoit un fax de Shiseido, lui demandant de présenter son dossier complet. Le géant japonais de la cosmétique s’apprête à  » lifter  » sa gamme de maquillage Clé de Peau Beauté. Créée en 1978, cette ligne très haut de gamme réunit produits de soins et maquillages, destinés aux femmes mûres.

Clé de Peau Beauté est un véritable phénomène en Asie. Ce sont  » les  » produits à se faire rapporter du Japon. Seulement voilà. Aussi chic soit-elle, la gamme de maquillage a pris un petit  » coup de vieux « . Les dirigeants Shiseido prospectent donc dans le monde entier, à la recherche de la perle rare, capable de relever le défi de rajeunir la marque. Parmi les candidats, les noms des grands maquilleurs, dont celui de François Nars, circulent. Finalement, c’est Stéphane Marais qui est sélectionné. Pourquoi lui ?  » Ce qui a plu, je crois, c’est mon caractère créatif « juste », explique-t-il. J’aime bien aller au bout des choses. De plus, je m’investis aussi dans le marketing, cela m’intéresse. Cela dit, je ne connais pas les raisons exactes de ce choix. Une chose est sûre, mon engagement m’a fait très plaisir. Ainsi, la boucle est bouclée. J’adore maquiller les mannequins pour les défilés, mais ce travail reste virtuel. En revanche, créer de nouveaux produits de maquillages est un acte très concret qui me permet de faire intervenir mon expérience et mon imaginaire. « 

Le contrat signé, Stéphane donne un grand coup de balai dans la ligne existante, change les couleurs, les textures, les emballages, l’image publicitaire, dirige les équipes de techniciens du laboratoire et de photographes. Objectif ? Faire véhiculer une nouvelle vision de la femme, toujours aussi raffinée et élégante, mais plus actuelle.  » J’adore les couleurs, enchaîne Stéphane. Cela dit, une couleur n’a pas de valeur si elle ne s’accompagne pas de la texture idéale. Je suis conscient de l’avantage que représente, dans ce domaine, l’expérience de Shiseido. Dans les laboratoires règne une éthique, frisant la perfection. Si l’on me demande en quoi consiste le plus de la nouvelle ligne Clé de Peau Beauté, je réponds: « Mettez le doigt dedans et vous sentirez la différence. » Quand je maquille les filles, elles s’endorment, tellement les produits sont sensoriels et sensuels. »

Deuxième point fort ? La facilité d’application.  » Je suis un maquilleur professionnel, poursuit Stéphane, je peux tout faire, je peux maquiller les yeux fermés. Cela dit, j’essaie toujours de me mettre dans la peau d’une femme. De deviner quel est son problème. Par conséquent, je donne des indications très précises aux personnes qui travaillent dans des labos. Il m’arrive aussi de maquiller une fille en présence des gens du labo. Cette démonstration pratique est assez stimulante pour eux. « 

Les produits  » chouchous « 

Stéphane s’enthousiasme pour les Poudres Sublimatrices Parfaites, ces  » poudres rondes « , ultra-fines et légères, emprisonnées dans d’élégants boîtiers ronds. Déclinées en quatre nuances, elles peuvent s’appliquer sur le fond de teint ou comme un blush. Elles réchauffent et illuminent le teint, le résultat reste naturel. Stéphane s’enorgueillit aussi de son Correcteur Visage et Anticerne, disponible en trois nuances. Ni trop sec, ni trop fluide, il glisse facilement, sans accrocher la peau et se travaille très bien au doigt.

Stéphane s’attarde enfin sur le Duo Lèvres, un rouge à lèvres dans une présentation inédite. Un boîtier réunit un carré de couleur crémeuse et moelleuse, ainsi qu’un carré de poudre blanche irisée. On applique la couleur (déclinée en cinq nuances) à l’aide d’un petit pinceau. Très légère, elle ne masque pas la peau. Puis on presse sur les lèvres un Kleenex, avant de déposer sur les lèvres et leur contour la poudre blanche. Pour terminer, on enlève le surplus de poudre avec une petite brosse. Le geste, un peu précieux, est en réalité très facile. Le résultat, discret, raffiné, est rehaussé par un délicat effet poudré. Les lèvres paraissent plus pulpeuses. Dernier avantage, le rouge ne file pas.

 » J’aime le côté sensuel des lèvres, avec un contour évanescent, précise Stéphane. J’évite les couleurs qui marquent trop vite et très fort. Il faut deviner la couleur. Je conseille toujours aux femmes d’utiliser les produits avec délicatesse. Ce n’est pas la peine de trop charger le teint, de forcer sur le fond de teint, par exemple. Il faut privilégier le travail dans la nuance, ne pas avoir cette obsession du maquillage. Certaines femmes ont un visage très personnel et vivant, elles n’ont pas besoin de maquillage. Je conseille aussi de ne pas utiliser trop de couleurs en même temps. Deux couleurs sont suffisantes. Le résultat sera plus poétique et plus délicat. « 

Carnet d’adresses en page 79.

Barbara Witkowska

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