Sémillant self-made-man, Luc Clément a fait de son label System une méthode d’élégance spontanée, vibrante et joliment structurée. Rencontre avec un hidalgo de l’habit.

S’il avait voulu traîner ses  » slaches  » sur le tapis tour à tour rude et moelleux de la vie, Luc Clément aurait pu opter pour un job où l’on montre patte blanche et bonne figure. Mais ce beau  » ketje  » de 32 ans, parfaitement bilingue et né à Bruxelles, a suivi le fil de ses idées. Même si ces dernières, de prime abord, affichaient un côté à la fois surréaliste et têtu… typiquement belge, d’ailleurs. Car, dès ses 21 printemps, le sieur Clément a un but en tête et jamais il n’y dérogera.  » Je voulais créer un label international de prêt-à-porter féminin haut de gamme, bien dans l’air du temps et présenté dans un univers où élégance rime avec cohérence « . Ben tiens, et pourquoi pas une fusée Tintin pour aller manger des frites sur la lune?

Et, pourtant, Luc l’a rêvé et Luc l’a fait: lancée en 1995 avec beaucoup de (bonne) volonté, une foi inébranlable en l’avenir, de l’énergie à revendre et fort peu de moyens, sa marque System  » pète  » la forme. Plusieurs magasins en nom propre (à Bruxelles, Amsterdam, Knokke et… Saint-Tropez dont tous les magazines hype s’accordent à dire qu’il s’agit du  » village  » le plus connu au monde), un réseau de quelque 200 points de vente, un chiffre d’affaires coquet (40% rien qu’à l’export sur un total d’environ 300 millions de nos francs), plus de 120 000 pièces par an, d’excellentes ouvertures sur les marchés français, allemands et américains – System sera représenté aux Etats-Unis dès l’hiver 2001 prouvent qu’en Belgique on peut voir grand en démarrant menu.

A l’image de ce parcours  » commercially correct  » en progression permanente, la collection System de l’été 2001 affiche une évolution douce mais sûre. Les silhouettes plutôt sportswear et utility wear des débuts ont en effet cédé la place à une allure partagée entre la féminité marquée et l’élégance spontanée. Ambassadrices du chic nonchalant, les femmes de System préfèrent l’allure innée et le dynamisme déluré à la surenchère vestimentaire. Une ceinture au noué presque négligent, la classe d’un col légèrement relevé, la tendre opacité d’une maille estivale portée à même la peau, une chemise polychrome aux poignets relevés façon dandy du XXIe siècle, la sportivité sexy d’un trench attaché à la va-vite, la fraîcheur craquante d’une popeline de coton ou d’un cuir ultra-souple, la magique amplitude d’un pantalon fluide porté pieds nus mais avec panache, un décolleté mis en valeur par un système (sans jeux de mots) sensuel de laçages et de fronces… chaque vêtement, chaque détail prouvent que Luc Clément, qui adore mélanger les genres, ne canalise pas le charme féminin et ne prétend pas habiller le beau sexe selon un seul et unique modèle. Les femmes savent ce qu’elles veulent, a-t-il coutume de dire, et je suis là pour proposer, pas pour imposer.

 » A l’échelle mondiale, nous sommes toujours tout petits mais nous sommes là, constate en souriant Luc Clément qui se considère davantage comme un businessman visionnaire que comme un créateur. Je n’ai pas la prétention de revendiquer le statut de designer, j’ai d’ailleurs une équipe de stylistes – six en tout – qui cernent beaucoup mieux le problème que moi, poursuit cet autodidacte parachuté dans l’univers du vêtement par goût et par hasard. Et je dois admettre que si je suis là aujourd’hui, c’est surtout grâce à un fantastique travail collectif, à une osmose du tonnerre entre mes collaborateurs et moi-même. J’élabore, au fil de mes inspirations et de mes voyages, les thèmes des collections à venir, j’en  » croque  » sur papier la substantifique moelle et puis  » je passe à l’équipe « , comme on disait autrefois à l’émission  » Visa pour le Monde  » sur la RTBF. Les tendances de la saison, les coloris, le choix des matières, j’en suis responsable. La mise en musique et les multiples déclinaisons de ces premiers concepts vestimentaires, c’est eux qui s’en chargent. De même, cette vision du style System, c’est l’architecte belge Charly Wittock, responsable de l’aménagement de chaque flagship store, qui la traduit en décors, en espaces et en atmosphère « . Dans ses idées comme dans son discours, le sieur Clément observe une logique qui rappelle peut-être ses excellentes dispositions, durant ses études secondaires, pour les matières scientifiques et les maths. Partant du principe selon lequel il faut toujours savoir choisir son moment et son lieu, Luc a débuté dans le milieu de la mode en effectuant, il y a dix ans, des stages chez Scapa of Scotland où il est responsable de la collection sportswear Cruise & Country. Cette mission s’étoffera ensuite d’un partenariat aux Etats-Unis –  » une expérience tous azimuts, qui m’a mené du design au marketing, et qui m’a drôlement aidé dans mon appréhension du marché américain pour ma propre marque « , confie Luc Clément -, et, last but not least, débouchera sur la naissance d’une griffe  » systématiquement allurée « . Même les trois points de System réfèrent à l’esprit cartésien du géniteur de la griffe: dans cette nouvelle formule de l’élégance, où, partant du même vestiaire, la femme construit mille et un styles, le premier point va au sportswear, le deuxième au chic citadin et le dernier, aux tenues du soir. CQFD.

 » J’ai commencé System sur un marché local, mon pays natal en l’occurrence, même si cela aurait pu se dérouler en Italie, en Angleterre ou en France, explique Luc Clément. D’une part, c’est rassurant parce que, par définition, l’on connaît mieux son propre environnement mais d’autre part, l’appréhension du marché étranger reste difficile; il y a le problème du positionnement, la concurrence effrénée, les affres du commencement, etc. Cependant, je crois aux opportunités, aux coups de coeur et aux belles occasions qu’ils génèrent. C’est ainsi que j’ai eu, il y a cinq ans, la chance de m’implanter sur le marché hollandais parce que mes interlocuteurs, aux Pays-Bas, ont cru en mon projet et m’ont entièrement fait confiance « . De ces balbutiements textiles au succès vestimentaire actuel, il aura fallu quelques doses de patience… une discipline que Luc Clément, né sous le signe particulièrement fonceur du Bélier, a appris à maîtriser. Avec élégance, of course.

Marianne Hublet Carnet d’adresses en page 160.

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