La première capitale du royaume de Siam a connu son sacre entre 1238 et 1378. De cette époque subsistent aujourd’hui à Sukhothai, dans le nord de l’actuelle Thaïlande, quelques magnifiques monuments religieux protégés par l’Unesco. Découverte d’un lieu historique empli d’une douce sérénité.

Tous les jours, c’est le même rituel. Au centre de la vieille ville de Sukhothai, près de l’ensemble de stupas qui forment le Wat Mahathat, se réunissent quelques contemplateurs pour assister au lever du soleil. En se positionnant à l’ouest, à côté du grand plan d’eau, on voit doucement émerger des brumes de l’horizon un soleil hésitant et rose orangé. Durant de longues minutes, ce halo reste discret. C’est lors de cette aube caressante que l’on profite au mieux de la beauté du site, dans la plus enivrante des solitudes, avant que les premiers bus déversent leurs groupes de touristes.

Classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, le parc historique de Sukhothai a ouvert ses portes au public au début des années 90. Il abrite les derniers vestiges de ce qui est considéré comme le berceau de la civilisation thaïlandaise, civile et religieuse. Fondée en 1238 par deux princes qui s’émancipèrent du pouvoir du roi d’Angkor (aujourd’hui au Cambodge), Sukhothai fut donc le c£ur de la première  » nation  » thaïlandaise, jusqu’à son déclin provoqué par la montée en puissance d’un prince voisin qui bâtit une nouvelle capitale : Ayutthaya, en 1378.

De la riche Sukhothai royale ne restent que les ruines de ses édifices religieux. La raison en est simple : les bâtiments civils et militaires étant construits en bois, ils furent rapidement détruits par les guerres et les intempéries. Seules résistèrent les architectures sacrées réalisées en briques recouvertes d’éléments décoratifs comme des stucs ou des céramiques. La perle de ce site, le Wat Mahathat – qui englobait à la fois le temple royal et le plus important monastère bouddhiste du Sud-Est asiatique – symbolise aujourd’hui encore aux yeux des Thaïs le foyer religieux le plus important de leur histoire. Cet ensemble remarquable de stupas (en thaï, on emploie le mot chedi pour désigner ces  » pagodes « ), concentrés sur une toute petite superficie, a été érigé par le premier roi de Sukhothai, Sri Inthrathit (1240-1270), puis agrandi et embelli par son fils Ramkhamhaeng (1239-1317) et son petit-fils Lothai (1298-1323). Ceux-ci ont permis le développement d’un style à la fois architectural et artistique unique, reconnu pour sa sublime élégance.

Chaque visiteur ne peut que s’accorder sur la beauté et le raffinement de toutes les statues de Bouddha – en position debout ou assise – réunies ici. Ces chefs-d’£uvre marquent une période charnière dans les influences du bouddhisme. Les souverains de Sukhothai veulent, en effet, se démarquer des Khmers d’Angkor, délaissant le mahayana, originaire du nord de l’Inde, au profit du theravada du Sri Lanka. Dans l’art bouddhique, cela se traduit par des silhouettes plus gracieuses et légères – épaules larges, hanches étroites, visage allongé, coiffe en forme de flamme, courbes douces. Les artistes de Sukhothai ont aussi opté pour une posture de bouddha jusque-là uniquement représentée dans les bas-reliefs : le bienheureux en marche. Son mouvement est d’une grande fluidité. L’allure est aérienne, un pied au sol, l’autre avec le talon levé, un bras le long du corps, l’autre plié vers l’avant. Cette gestuelle est malheureusement devenue très rare à admirer, le roi Ram 1er ayant fait transporter, au XVIIIe siècle, des centaines de statues de Sukhothai vers la capitale Bangkok pour y décorer temples et monastères construits à son époque. Fort heureusement, le Wat Mahathat peut encore compter sur la présence de superbes symboles comme les deux bouddhas géants qui encadrent le grand chedi, lui-même entouré de huit chedi plus petits. Cet édifice fut élevé par Lothai pour accueillir deux reliques sacrées de Bouddha – un cheveu et une vertèbre – don d’un moine du Sri Lanka. Les autres monuments, eux, ont été conçus pour renfermer des dépouilles royales. Tous arborent la signature architecturale de la première capitale thaïlandaise : les motifs en bouton de lotus qui les couronnent.

Pour terminer la visite de cet endroit magique, il faut monter les quelques marches du vihara principal. Il ne subsiste ici que les colonnes porteuses de ce qui était autrefois une sorte de galerie couverte où les moines s’abritaient durant la saison des pluies, soit six mois par an.

Guide pratique en page 46.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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