Barbara Witkowska Journaliste

Elle imagine et réalise les maquillages les plus éblouissants pour Chanel… Avec la complicité de la top belge Ingrid Parewijk, Susan Sterling se livre, en exclusivité pour Weekend Le Vif/L’Express, à une démonstration de son art. Sa vision de la beauté en trois tableaux. En vedette : le Star Product Coromandels de Chanel.

La séance de maquillage a lieu dans l’appartement de Coco Chanel, situé au-dessus de la célèbre boutique de la rue Cambon à Paris. L’espace s’annonce comme un lieu à surprises. Quatre pièces peuplées de trésors qui tissent les liens entre l’Orient et l’Occident. Eclairé par une belle lumière qui s’engouffre à flots par de généreuses fenêtres, le décor s’ouvre comme une scène de théâtre avec un mélange éclectique d’époques et de styles. Intimiste et personnelle, l’ambiance reflète la passion de Coco Chanel pour des objets pleins de caractère, empreints, souvent, d’une forte symbolique. Dans le hall d’entrée, un miroir octogonal prussien du XVIIIe siècle (selon la légende, il aurait inspiré le bouchon de son parfum le plus célèbre) côtoie deux Maures vénitiens. Plus loin, on remarque un cartel Louis XV, un Bouddha, cadeau de son ami Boy Capel et une icône offerte par Igor Stravinski. Des statues de lions, omniprésentes, rappellent que Mademoiselle, née un 19 août, était du signe du Lion. Une table dessinée par l’artiste Robert Goossens avec le pied en forme d’épis de blé, objet fétiche de la couturière car symbole de nourriture et de richesse. Sur des lustres en cristal s’affichent, tels des grigris, des doubles  » C  » et des N° 5…

On admire, enfin, les fameux paravents en laque de Coromandel. Au XVIIIe siècle, les aristocrates de la Chine impériale en raffolaient. Convoités, aussi, par des esthètes européens, ils faisaient un long voyage, en suivant la route de la soie et en longeant la côte indienne de Coromandel. En Europe, on les appelait donc ainsi. Gabrielle Chanel les découvre un jour,  » défaillante de bonheur « , chez un antiquaire de province. Un véritable choc émotionnel. Elle consacrera beaucoup d’énergie pour compléter la collection de ces chefs-d’£uvre rares et précieux et réussira à en posséder trente-deux. Audacieuse et innovante, Coco Chanel est sans doute la première à pratiquer le  » détournement  » d’objets, aujourd’hui si fréquent. Elle n’hésite pas à séparer les panneaux et à les faire carrément clouer aux murs du hall d’entrée et d’une petite pièce, voisine du salon. Si certains crient au  » crime de lèse-antiquités « , le résultat ne manque pas d’allure. Les tonalités sombres et profondes des panneaux enveloppent l’espace d’un voile chaleureux, un peu mystérieux.

Palette de rêve

Cet art incroyable du laque, d’un raffinement extrême, on le retrouve aujourd’hui dans la palette Star Product automne 2005, sous le nom de  » Coromandels de Chanel « . Rappelons que le Star Product a fait son apparition chez Chanel il y a presque dix ans. Pour quitter la routine qui impose de créer une nouvelle collection de maquillage deux fois par an, en respectant les tendances du moment, Dominique Moncourtois et Heidi Morawetz, créateurs de Chanel, ont imaginé, en prime, un produit unique, éphémère, qui joue la vedette de chaque collection. Ce produit reflète l’image et la culture de la maison et interprète, dans le maquillage, les éléments d’identification de Coco Chanel. Dans son univers, tout était signes et symboles. Les chaînes, la robe noire, le sac matelassé, les perles et les chaussures bicolores, représentent, dans le monde entier, la griffe de Chanel. Parmi les Stars Products les plus forts, citons les  » Perles  » (treize  » perles  » multiusages nacrées : roses, vertes, or ou blanches) ou encore les  » Essentiels de Chanel  » (les six couleurs préférées de Coco Chanel : le rouge et le noir, l’or et l’argent, le beige et le blanc, réunies dans un même boîtier).

Cette saison, voici donc les  » Coromandels de Chanel « . Une frise antique, une branche d’olivier et des volutes décoratives  » gravées  » sur la poudre pressée, déclinée en noir, brique ocré et or, apparaissent comme un fragment de paravent.  » L’idée de cette palette est née il y a quelques années, explique Susan Sterling, make up artiste international de Chanel et très complice de Dominique Moncourtois et de Heidi Morawetz. Cela dit, il a fallu du temps pour la faire aboutir car sa réalisation est un casse-tête chinois et a demandé une véritable prouesse technologique. La mise au point de deux lasers a été nécessaire, l’un qui grave les motifs sur le produit, l’autre qui remplit les creux avec des pigments dorés. Il s’agit d’une fabrication artisanale et chaque boîtier demande quarante minutes pour être réalisé.  »

Les fards servent à souligner le regard et les pommettes. La couleur noire est mate et satinée. Sa texture est délicate et assez transparente et, de ce fait, plus aisée à utiliser par la plupart des femmes. A l’aide de l’applicateur, on dessine facilement un halo charbonneux autour de l’£il. Celles qui ont davantage l’habitude du maquillage peuvent intensifier le trait, soit en l’humidifiant, soit en passant un crayon khôl par-dessus. L’or donne beaucoup de luminosité. Il se mélange aux deux autres tons, en leur ajoutant des reflets chatoyants. Associé au noir, par exemple, il deviendra un élégant kaki, légèrement irisé. Il peut aussi enluminer tout le visage. Pour un soir de fête, on peut oser un maquillage audacieux, en l’appliquant, à sec, sur toute la paupière mobile. La poudre dorée formera un généreux aplat métallique. L’autre utilisation très glamour ? A l’aide d’un fin pinceau, mouillé, on trace une ligne au ras des cils, façon eye-liner. L’£il sera comme enchâssé dans du métal poli. Le brique ocré, enfin, légèrement saupoudré d’or, réchauffe intensément les pommettes. Si vous souhaitez un résultat plus  » sculpté « , ajoutez-y une pointe de noir. La couleur se fera affirmée et singulière. Le brique ocré peut également dessiner une banane dans le creux de la paupière, façon sixties, donc très tendance.

Petits secrets, grands effets

Mais, passons à l’exercice pratique… En exclusivité pour Weekend Le Vif/L’Express, la top belge Ingrid Parewijk, 23 ans, a, elle aussi, contribué à faire du shooting un moment de grâce et d’élégance. Sensualité faite femme, celle qui incarne aujourd’hui les griffes les plus prestigieuses du luxe international s’est prêtée au jeu de la création avec glamour et professionnalisme. Assistons donc, étape par étape, à la réalisation du premier maquillage, le plus sophistiqué. Susan Sterling commence par unifier le teint avec quelques gouttes de Vitalumière Crème Limpide (N° 10). Elle les dépose au pinceau, sur le front, les pommettes et le menton, les étire à l’éponge, puis peaufine le tout avec les doigts.  » J’en mets aussi une très fine couche sur les paupières, mais ce type de maquillage convient plutôt pour les photos.  » Le fond de teint est fixé et matifié avec la Poudre Universelle Libre Clair (N° 20). Susan l’applique avec une grosse houppette, en tapotant légèrement tout le visage. Auparavant, elle frappe rapidement sa paume avec la houppette, pour enlever le surplus. Le visage est ensuite égalisé avec un gros pinceau qu’on balaie avec des gestes amples et larges. On passe aux yeux. Le noir Coromandel est posé largement sur toute la paupière mobile, pour un effet  » smoky eyes « , puis lissé au pinceau.  » Je fais des retouches avec un petit pinceau, commente Susan. Le fard doit se poser bien entre les cils, il faut éviter les blancs.  » Par-dessus, Susan tapote délicatement quelques touches de jaune doré. La couleur devient légèrement kaki, moirée et très lumineuse.  » Sur des endroits où la couleur est un peu épaisse, il ne faut pas hésiter à utiliser les cotons-tiges. Ils sont parfaits pour estomper et adoucir « , ajoute-t-elle. Pour terminer, le contour des lèvres est délicatement cerné avec le Crayon à Lèvres Carmin (N° 14) et la bouche est colorée au pinceau avec Shanghaï Red, un beau rouge très profond, issu de la collection automne-hiver.

Dans le maquillage N° 2, le regard est également souligné avec la palette Coromandels. Par-dessus la couleur noire, Susan Sterling a appliqué une couche généreuse de brique ocré, en débordant légèrement sur la paupière supérieure. Le résultat est plus chaleureux. Les minuscules paillettes dorées rajoutent, en prime, une touche glamoureuse et sophistiquée. Le teint est velouté et matifié avec la Poudre Coromandel, proposée également en édition limitée. Sa nuance rose pâle, piquée d’or est décorée d’une frise et de volutes or, inspirées des motifs des panneaux de Coromandel. Très translucide, elle embellit sans  » enfariner « .

Le troisième maquillage est plus doré et délicat. Les yeux sont mis en valeur avec une autre nouveauté de la collection, les Ombres à Paupières Irréelle Duo, déclinées en six harmonies. Les deux nuances, claire et obscure, sont décorées d’un minimatelassage et enfermées dans un boîtier noir rectangulaire qui rappelle le célèbre sac matelassé, créé en février 1955 et surnommé par les initiés  » 2.55 « . La texture des poudres ? Aérienne, douce comme de la soie et facile à travailler, même au doigt. Susan Sterling l’a appliquée dans les règles de l’art, à l’aide d’un applicateur. Elle a choisi la palette Trans-Atlantic (N° 40), en éclairant d’abord la paupière avec la nuance plus claire, Bleu Agua, et en sculptant l’£il avec le ton plus soutenu, Gris Souris. La bouche est discrètement mise en valeur avec le rouge à lèvres Aqualumière Java (N° 49) et rendue brillante avec le crayon Cristalle Gloss Pink Praline (N° 43). Pour un résultat sublimissime immortalisé par notre photographe Gregory Derkenne.

Photos : Gregory Derkenne

Assistant photo : Jonas Hamers

Maquillage : Susan Sterling

Mannequin : Ingrid Parewijk (Dominique)

Barbara Witkowska

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