L’acteur catalan révélé par Une liaison pornographique et Harry, un ami qui vous veut du bien revient à la scène dans 30/40 Livingstone, un spectacle loufoque et foutraque qui révèle sa seconde nature.

Il y a des acteurs que l’on redoute de voir vieillir, d’autres que l’on se réjouit de voir additionner les années. Sergi López qui vient d’avoir 50 ans fait partie de cette dernière catégorie. Une liaison pornographique (1999) ou Harry, un ami qui vous veut du bien (2000) qui ont lancé sa carrière, appartiennent bien à une autre époque. Le visage s’est marqué, le corps s’est alourdi. Son goût récent pour les  » mutton chops « , ces robustes rouflaquettes qui sont à la barbe ce que la Harley Davidson est aux deux-roues, achève la mue. Le public s’en accommode fort bien, les cinéastes aussi. Ce n’est pas un hasard si le Catalan se voit offrir aujourd’hui des personnages de tôlards magnifiques abîmés par la vie (Tango Libre, Les Rois du monde). La transformation a lieu également sur scène. Dans le spectacle 30/40 Livingstone, qui sera joué fin du mois à Bruxelles, on le découvre comme on ne l’a jamais vu, en énergumène livré à ses pulsions animales. Cette fable humaniste et loufoque a été écrite et mise en scène avec son comparse Jorge Picó.  » Cela parle des injustices sociales. C’est une forme de théâtre où les gestes et la parole sont sur le même plan, explique le comédien espagnol formé dans sa jeunesse à l’acrobatie. J’ai toujours voulu faire le con sur scène. Quand mes copains me voient au cinéma, ils se foutent de moi. Ils me disent : « Alors tu fais l’acteur sérieux ? ».  »

Le quinquagénaire reçoit beaucoup de propositions. Il en refuse bon nombre, y compris Quantum of Solace, un James Bond où il devait initialement tenir un rôle.  » Dans la première scène, je tuais quelqu’un avec une fraîcheur insensée. J’ai eu un sursaut de conscience. On est dans un monde qui banalise la violence, je trouve ça très pervers.  » Il se méfie de facto des grosses machines rutilantes qui anesthésient le regard. Il préfère le cinéma à hauteur d’homme des frères Larrieu, de Manuel Poirier, de Catherine Corsini ou du Belge Frédéric Fonteyne qui le convoquent fréquemment devant la caméra. Il n’en revient toujours pas d’être tant désiré.  » Avec mon accent, on entend bien que je ne suis pas un acteur français et pourtant je suis accepté comme tel. C’est un truc bizarre que je ne comprends pas bien.  »

Il aurait pu s’installer à Paris mais habite depuis toujours à Vilanova i la Geltrú, une commune située à une quarantaine de kilomètres au sud de Barcelone, où vivent ses amis, ses parents, son frère, son fils Magi, 17 ans, et sa fille, Juna, 19 ans. Il y a même ouvert en 2008 un restaurant locavore qui n’a pas survécu à la crise économique. Là-bas, on le connaît comme acteur et militant à la CPU, un parti de la gauche radicale, indépendantiste qui veut se  » libérer des formes de domination patriarcale « .  » Un homme qui décide seul de qui a le pouvoir est un modèle qu’il faut dynamiter, dit-il. On a besoin de féminité.  » Son père à lui, ancien ouvrier syndiqué, faisait partie de cette génération d’hommes autoritaires et machistes contre laquelle il n’a cessé de ferrailler. Les relations ont longtemps été tendues. Ils ont fini par enterrer la hache de guerre.  » Aujourd’hui, il est fier de ce que je fais.  » Pas sûr quand même que dans le press book du paternel figure le portrait de son fils posant il y a quelques années en talons aiguilles pour les besoins de la journée des droits de la femme.

30/40 Livingstone, ces 28 et 29 janvier à l’espace Wolubilis, à Bruxelles.

PAR ANTOINE MORENO / PHOTO : RENAUD CALLEBAUT

 » J’AI TOUJOURS VOULU FAIRE LE CON SUR SCÈNE. « 

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