Ciselé comme un bijou, le nouveau flacon de Shalimar, sobre et tellement moderne, est signé Jade Jagger. Une icône de style, nomade de cour et artiste accomplie. Soft story.

Avec sa robe flottante couleur d’agrumes et ses spartiates cloutées, Jade Jagger incarne jusqu’au bout de ses doigts parés de bagues XXL, sorties des ateliers de Jaipur, ce style bohemian chic qu’elle aurait, dit-on, inventé. Un sourire poli sur les lèvres, lorsqu’elle plante ses yeux acier dans les vôtres, c’est sa manière à elle de marquer la distance. Surtout s’il vous est venu l’envie d’évoquer avec elle la  » dynastie rock’n’roll  » dont on la sait issue, le poids du nom, l’héritage du père ( faut-il encore rappeler qu’elle est la fille aînée du leader des Rolling Stones)à  » Je n’ai jamais ressenti le besoin de me détacher de tout ça « , assure-t-elle. La jeune femme préfère parler du défi artistique que la maison Guerlain lui a demandé de relever. De la manière subtile dont elle a réussi à redessiner le flacon de Shalimar sans le dénaturer.  » C’était la première fois que l’on me demandait d’habiller un parfum, rappelle Jade Jagger. Je me suis plongée dans l’histoire de cette fragrance exceptionnelle.  »

C’est en 1924 que Jacques Guerlain, inspiré par la passion qui unissait l’empereur moghol Shâh Jahân à son épouse Mumtaz, crée cet accord inimitable, hespéridé et poudré à la fois, construit sur un c£ur entêtant de vanille charnelle, d’iris et de fève de tonka. Toute la magie de l’Orient capturée dans un flacon évoquant les courbes des fontaines qui rafraîchissaient les jardins des palais indiens.  » Je suis partie de cette forme originale, décrit Jade Jagger. J’ai eu l’idée de la rendre plus architecturale, de nettoyer les détails superflus. Tout en maintenant une allure qui soit reconnaissable au premier coup d’oeil. Qui rassure celle qui a porté Shalimar toute sa vie. Et séduise celle qui se laissera tenter pour la première fois.  » Au sommet de la vasque sobre, épurée, au pied lesté de verre pour lui donner plus de corps encore, elle pose un bouchon signature d’un bleu gris élégant, ciselé comme une pierre précieuse.

On reconnaît sans peine la patte de la créatrice de bijoux qui lança sa propre ligne en 1997 avant de devenir directrice artistique du joaillier britannique Garrard en 2000. Aujourd’hui à la tête de deux labels de mode, elle a aussi rejoint en 2004 le collectif Yoo dont fait également partie le designer français Philippe Starck et pour lequel elle conçoit des intérieurs et des meubles pour des résidences de luxe.  » J’ai besoin de créer pour vivre « , insiste celle qui, au cours de ses nombreux voyages, a pu mesurer les ravages de l’urbanisation à outrance dans les plus beaux endroits du monde. Et s’emploie à défendre le beau, passionnément.

Un parfum d’enfance. Il n’y a pas que son amour pour l’Inde qui lie Jade Jagger à l’histoire de Shalimar. Longtemps, ce fut le parfum de sa mère, Bianca Perez Morena de Macías, la première femme de Mick Jagger.  » Je suis née en France ( NDLR : en 1971) et j’y ai passé beaucoup de temps. Je devais avoir 5 ou 6 ans, pas plus, quand ma mère le portait. Je me souviens encore de la forme des flacons, sublimes, dans la salle de bains. Et de l’odeur troublante qui s’en dégageait.  »

L’Inde, passionnément. Jade n’a pas attendu qu’elle devienne un  » pays émergent  » pour tomber sous son charme. Elle a à peine 9 ans lorsqu’elle découvre le Ladakh et le Cachemire.  » C’était comme se retrouver plongée dans un autre univers. J’étais fascinée, j’avais le sentiment que j’avais tellement à apprendre de cette culture. Et cela n’a jamais cessé depuis. Je fais fabriquer une partie de mes bijoux à Jaipur. La qualité du travail des orfèvres là-bas est tout simplement incroyable. On retrouve le même souci du détail dans la confection des saris, même dans l’emballage de la nourriture. Tout est élaboré. Et j’aime beaucoup cela.  »

Un héritage arty. À Andy Warhol – dans le rôle improbable de la nounou – elle aurait appris, à 4 ans, à jouer au Monopoly. En échange de quoi, le maître de la Factory lui aurait enseigné l’art des couleurs. Difficile dans ces conditions de résister plus tard à l’appel du crayon.  » Toute petite, déjà, j’étais très tactile. J’ai toujours eu envie de créer des choses. Je fabriquais des jouets pour ma poupée avec des bouteilles de Mitsouko ( NDLR : un autre classique de Guerlain), des petits animaux.  »

Une fille sous le vent. Si Londres reste encore et toujours son camp de base professionnel, le hub où la famille se réunit, Jade a besoin de sentir l’air marin dans ses cheveux pour être bien.  » Notre maison à Ibiza est depuis quelques années déjà un merveilleux point de chute. J’ai aussi la chance d’avoir trouvé depuis peu une maison à Goa.  »

Nomade, dans le sang. Difficile lorsque l’on parcourt le monde depuis sa plus tendre enfance, d’effacer le côté bohème de sa personnalité. Jade a choisi d’en faire un style de vie.  » Je me vois vraiment comme une globe-trotteuse professionnelle. Je trouve que j’ai eu une chance folle d’avoir autant roulé ma bosse. Cela m’a ouvert l’esprit et permis de découvrir des formes d’art et des cultures qui inspirent mon travail aujourd’hui. Je suis tout le temps dans le mouvement. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir besoin de ports d’attache solides où je puisse me retrouver avec mes proches.  »

La liberté à tout prix. Pour la griffe de vêtements et de bijoux hippie chic qui porte son nom, Jade Jagger a tenu d’emblée à une distribution exclusive, dans une boutique de Notting Hill, le quartier bobo de Londres.  » C’était important pour moi d’avoir mon propre magasin, pour que les gens puissent découvrir le style de vie qui est le mien, avoir l’impression d’être chez moi. J’avais aussi envie de créer des pièces uniques. Je trouve cela beaucoup plus inspirant. Et ça, c’est incompatible avec la vente à grande échelle. Lorsque l’on vend vos produits dans d’autres magasins que le vôtre, vos partenaires finissent par définir eux-mêmes votre ligne, puisqu’ils choisissent les objets qui leur plaisent… Et fixent le prix de vente.  »

Une mode à tout faire. Voyager, c’est accepter l’imprévu. Et côté garde-robe aussi il faut du flexible.  » Quand je crée des vêtements, ils ne sont jamais définis par une occasion ou un certain moment de la journée. Ils doivent s’adapter aux circonstances. Robe du jour ou du soir, pour moi cela n’a pas de sens. Je n’ai pas non plus en tête l’image de la personne sensée les porter. L’important, c’est d’être bien dedans.  »

Une beauté sans soucis. Le secret bien gardé du teint parfait de Jade ? Le luxe de la crème Orchidée Impériale, peut-être. L’effet bonne mine d’une Terracotta, sans doute.  » Mais ce qui rend belle, c’est le bonheur. Prendre le temps de réfléchir. De s’arrêter, d’écouter le silence. J’aime marcher, courir. J’ai besoin de vivre dehors. D’être entourée d’eau.  »

Un amour de DJ. En couple avec le musicien Dan Williams, Jade a créé avec lui le label Jezebel ( NDLR : son deuxième prénom). Ensemble, ils lancent de jeunes DJ, organisent des soirées et proposent à la jeunesse dorée qui s’y presse une mode casual. Sa signature graphique ? Une bouche, au rouge à lèvres un peu baveux. La mythique langue bien pendue de Sir Mick n’est pas bien loinà

Par Isabelle Willot

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