Costume designer du film Grace de Monaco, avec Nicole Kidman, et de pubs tirées à quatre épingles, entre autres pour Cartier, elle a fait ses armes dans le clip en créant des tenues pour Madonna ou Bashung. Chez elle, haute couture et rock font bon ménage.

Un figurant invisible noyé dans la foule, tout au fond de l’écran, à qui il manque un bouton de manchette ? Elle est capable d’en faire une insomnie trois nuits durant. Perfectionniste jusqu’au vertige, Gigi Lepage, costume designer de son état, a travaillé onze mois sur Grace de Monaco (*), le film événement d’Olivier Dahan. Le temps nécessaire pour ressusciter avec soin le glamour du vestiaire des années 60.  » On a fait un énorme travail de recherche en puisant dans les archives des grands stylistes de l’époque, raconte-t-elle. La maison Dior a recréé pour nous deux tailleurs selon les modèles d’origine, dessinés par Marc Bohan, le directeur artistique que Grace admirait particulièrement.  »

Un atelier de  » haute  » couture a été monté de toutes pièces par la production du film afin de confectionner 44 tenues différentes pour le seul rôle-titre endossé par Nicole Kidman. Avec son mètre 80 sous la toise, le gabarit de l’ex de Tom Cruise s’apparente à celui d’un mannequin.  » Même son maintien et sa gestuelle impeccables sont comparables aux grands top-modèles, précise la créatrice. Elle a la peau lisse et blanche comme si on l’avait dessinée.  »

Elle aime la ligne claire Gigi, pas celle de Hergé mais de l’âge d’or hollywoodien. Précision du trait, élégance du style, sophistication des lumières. Elle en pince pour les photographes néo-classiques comme Steven Meisel ou issus du sérail originel, à la manière de George Hurrell, portraitiste officiel de la Paramount et autres RKO Pictures au temps de leur splendeur.

 » Ce sont les images qui ont fait ma formation, dit l’autodidacte. A mes yeux, la photographie représente la perfection esthétique car on peut tout maîtriser dans une séance photo, pas dans la fabrication d’un film. Mais dans le cinéma il y a le mouvement, on retrouve l’âme des gens parce qu’ils bougent, c’est précieux.  » Sur l’écran, elle croit à la psychologie du tissu qui accompagne ou sublime les personnages.  » On ne se tient pas de la même façon pieds nus ou avec des talons, on ne se déplace pas de la même manière avec un imper cintré ou une robe en tulle qui tournoie dans les airs comme des feuilles mortes. Quand les comédiens enfilent le costume de leur rôle, leur port de tête change instantanément.  »

Davantage fan de Kubrick ou de Baz Luhrmann (Gatsby le Magnifique) que des frères Dardenne, elle croit dans le pouvoir surnaturel du cinéma qui transforme le banal quotidien en rêve éveillé. C’est dire si elle prend plaisir à participer à la mise en image de pubs de haut vol. Pour Cartier, elle a réalisé le stylisme d’une dizaine de courts-métrages mis en scène par son comparse de toujours, Olivier Dahan.  » On se comprend sans se parler. Dès qu’il me lance sur un projet, mon imagination se met en route et j’ai hâte de commencer.  »

Le duo travaille ensemble depuis dix-sept ans. La rencontre a eu lieu sur un clip, un genre qu’elle a pratiqué assidûment à partir de la fin des années 80, en habillant Madonna, Vanessa Paradis, Blur ou Bashung, entre autres pour le légendaire Osez Joséphine, signé par son mentor Jean-Baptiste Mondino. Un chef-d’oeuvre country-rock dont le style résonnait en elle depuis longtemps.

Adolescente, Gigi lisait Rock & Folk en rêvant de David Bowie et de Mick Jagger.  » J’habitais en Corse et je me disais : « Ils sont où les gens comme ça ? » Il y avait la mer entre moi et le monde… C’était beaucoup plus que loin, inaccessible. Un jour, je suis partie.  » Un besoin d’ailleurs et d’anticonformisme qui ne l’a jamais quittée. Pour une publicité Citroën, elle a récemment vêtu une procession de bourgeoises, de yes-men et de branchés arpentant le pavé parisien au rythme des bruits de bottes, une parodie de défilé militaire qui se clôt par le slogan :  » Sortez du rang !  » Une incantation qui lui va comme un gant.

(*) En salles le 21 mai prochain.

PAR ANTOINE MORENO

Un besoin d’ailleurs et d’anticonformisme.

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