A 30 ans à peine, cette Liégeoise incarne le nouveau souffle de l’art contemporain dans la Cité ardente. En bonus, elle nous livre ses meilleures adresses de restaurants sur la ville.

C’est d’abord le prénom qui intrigue. Il faut avouer que Yoko n’est pas banal. Surtout quand on affiche une peau mate et un joli visage méditerranéen. Des parents fans de bande dessinée qui ont voulu rendre hommage à l’héroïne créée par Roger Leloup ? Nullement. La raison de ce choix est double. D’abord, il y a sa mère qui, fouillant les archives, a trouvé des origines japonaises à cette famille venue de Croatie. Puis, il y a eu l’envie de jouer la carte de l’euphonie, Uhoda se prononce  » Yoda « , comme le célèbre maître de Star Wars. Il est vrai que  » Yoko Yoda « , c’est fluide. Tout n’a pas été aussi limpide pour autant.  » Les premiers mois de ma naissance, je me suis appelée Olga car l’administration refusait ce prénom. Il a fallu que maman envoie une lettre au roi Baudouin pour que je puisse enfin le porter.  » C’est que le clan Uhoda est du genre entreprenant. Originaire d’ex-Yougoslavie, le grand-père de Yoko a ouvert une station-service à Liège. Avec le temps, l’affaire a bien prospéré, son oncle en possède aujourd’hui plusieurs dizaines. Le tout pour un cercle familial élargi,  » mon père possède quatre frères, chacun d’eux a trois enfants, c’est dire si les Uhoda sont bien représentés à Liège « . Dans la fratrie, le père de Yoko, Georges, contracte le goût de l’art dès l’école grâce à un professeur enthousiaste. Dès la majorité, en compagnie de son frère Stephan, il se met à acheter des oeuvres au contact du collectionneur Fernand Graindorge et de la galeriste Manette Repriels, tous deux disparus aujourd’hui. D’abord l’arte povera, Sol LeWitt, ensuite la jeune création d’où qu’elle vienne pourvu qu’elle lui parle. Cela fait bientôt quarante ans que cette passion ne l’a plus quitté. Parmi ses faits d’armes, on lui doit d’avoir fait découvrir James Turrell à la Belgique.  » OEil  » du tandem qu’il constitue avec son frère et infatigable arpenteur de foire d’art contemporain, Georges Uhoda emmène ses enfants partout avec lui. Logiquement, Yoko attrape le virus,  » je suis née avec l’art contemporain et papa a formé mon regard « , confie-t-elle. La jeune femme suit le parcours classique du combattant qui veut faire son trou dans le domaine : études universitaires d’histoire de l’art, agrégation, enseignement, déception, stage au BPS22 à Charleroi… et, finalement, dans la foulée du paternel, une irrépressible envie de voler de ses propres ailes.  » Au départ, j’hésitais entre Liège et Bruxelles. Rapidement, j’ai compris que la Cité ardente commençait à bouger et qu’il y avait un coup à jouer en misant sur une programmation internationale, vu que de nombreux endroits sont consacrés aux artistes locaux « , explique celle qui se considère comme un pur produit de la ville, ce que disent en creux ses ballerines impeccables terminées par des museaux de chat. Yoko Uhoda met alors la main sur une magnifique maison de maître du XIXe, juste en face de l’Orchestre Philharmonique de Liège, dont les volumes sont idéaux pour une galerie d’art.  » Cet endroit est l’absolu contraire d’un « white cube ». En plus, j’habite à 100 mètres, c’est parfait pour organiser des dîners et même des résidences d’artistes.  » Pour se constituer un réseau, Yoko voyage beaucoup, surtout à Londres. Maastricht lui offre aussi de nombreuses possibilités. Son créneau ? Un large spectre de plasticiens émergents ou confirmés, de Johan Muyle à Charlotte Beaudry, en passant par le beau travail du photographe Luc Vaiser, qui est également le doyen de la galerie.  » Cette approche éclectique me convient assez bien, j’aime autant l’art conceptuel que la peinture figurative ou la sculpture « , conclut-elle avant d’être coupée par la sonnerie de son téléphone. Happy de Pharrell Williams. Un air qui lui va comme un gant.

PAR MICHEL VERLINDEN

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