Il y a des humoristes de sarbacane, d’autres de riot gun, lui ce serait plutôt le fusil de précision. Le provocateur numéro un n’épargne personne, pas même lui dans son dernier spectacle. À voir à Liège et à Bruxelles.

« Vous avez vu la photo de Sarkozy devant la statue de la Liberté avec le maire de New York et Robert de Niro ? On dirait un remake des Affranchis.  » L’interview n’a pas encore commencé et Stéphane Guillon a déjà dégainé. Il porte au doigt une bague en forme de tête de mort de la US Navy. Attention aux projectiles.

Pour Liberté (très) surveillée, son dernier one-man-show qui sera joué ce soir au Forum de Liège et le 29 octobre au Cirque royal à Bruxelles, il ne sera pourtant pas question que de politique. Sur les conseils de sa femme, metteur en scène du spectacle et co-auteur des sketches, le sniper à la barbe poivre et sel a recentré les choses. Il parlera de lui, de ses parents, de ses origines sociales. Une première.  » Je viens d’un milieu bourgeois, ma famille n’a aucun problème d’argent, je n’ai jamais souffert… c’est très emmerdant pour un humoriste car on n’a rien à raconter « , ironise-t-il.

Il faut bien dire que naître à Neuilly d’une mère galeriste parisienne de renom, grande spécialiste du peintre Raoul Dufy, ne vous prédestine pas à devenir le comique numéro un de l’Hexagone. Au pays de Coluche ou de Jamel Debbouze, la tchatche est du côté de la banlieue, pas des beaux quartiers. L’esprit de répartie n’est d’ailleurs pas le sport favori de Stéphane Guillon, pas très à l’aise pour bondir au filet et foudroyer son adversaire d’un bon mot. Pour affûter ses armes, ce perfectionniste a besoin de temps.

Il peaufine ses textes jusqu’à l’obsession.  » Ce gros boulot d’écriture vient peut-être du fait que j’ai fait des études assez courtes. J’essaie de pallier ces lacunes par un énorme travail. En vérité, je doute beaucoup de moi.  » De son propre aveu, l’homme a mis du temps à trouver son style. Il monte pour la première fois sur les planches à 17 ans pour suivre une formation de comédien. La suite ne sera pas encourageante. Le cinéma le boude, le théâtre l’ignore, la scène le tolère. De petits boulots alimentaires en spectacles (très) seul en scène, vingt ans passent.

Puis le succès : en 2003, l’animateur Stéphane Bern l’invite à rejoindre son équipe pour son émission de radio quotidienne Le fou du Roi avant de lui proposer d’officier sur Canal + pour 20H10 pétantes. C’est là, sur le petit écran, que le style Guillon s’affirme. Humour vachard, sens millimétré de la formule, barbe de trois jours, tignasse hirsute, démarche voûtée du haut de son 1,85 m qui le fait ressembler à PPDA.

La suite est connue. La matinale de France Inter, des billets très écoutés et un portrait mémorable de DSK en séducteur compulsif. Grincements de dents, tollé, buzz.  » Je me suis fait pourrir par tous les intellectuels, lance Guillon avec une certaine jubilation. Ce qui est amusant c’est que sur DSK, l’histoire m’a donné raison.  » Licencié ensuite abusivement par la radio publique qui le jugeait trop encombrant, l’humoriste sera confortablement dédommagé, à hauteur de 200 000 euros. Les anti-Guillon tiennent là leur argument de choc : le trublion de gauche qui roule en Porsche 356 C serait trop riche pour être honnête.  » Si on suit ce raisonnement, cela veut dire que seuls les gens qui sont pauvres auraient le droit de s’emparer de certains sujets. C’est absurde mais ce n’est pas nouveau. Guy Bedos a connu les mêmes critiques.  » Le comédien aux cheveux blancs, qui est son ami et mentor, lui donna un jour ce conseil :  » Méfie-toi de certaines cibles car il ne faut pas rire des faibles. « 

À 47 ans, Stéphane Guillon a appris à mesurer ses attaques.  » Dans mon dernier spectacle, j’ai biffé un passage très noir sur l’Alzheimer de Chirac. Vis-à-vis d’un homme visiblement diminué, ça manquait d’élégance. Je l’aurais sans doute gardé il y a deux ans. Il y a des moments où il faut faire attention au calibre qu’on utilise. « 

PAR ANTOINE MORENO

 » EN VÉRITÉ, JE DOUTE BEAUCOUP DE MOI. « 

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