L’ARTISTE

Thomas Lerooy est né en 1981 à Gand, où il vit et travaille encore aujourd’hui. Fraîche  » recrue  » du galeriste bruxellois Rodolphe Janssen qui lui consacre avec Braindance sa première exposition personnelle, ce jeune artiste belge s’empare du langage traditionnel de la sculpture et du dessin. Et le met au service d’une £uvre drôle et tragique. Héritier de l’humour grinçant d’un James Ensor ou d’un Félicien Rops et de l’étrangeté chère aux surréalistes, Thomas Lerooy construit un univers figuratif macabre dans lequel le spectateur se trouve confronté à son inéluctable destin. Un motif récurent de son travail est d’ailleurs la tête de mort, évocation évidente des tableaux de vanités, ces allégories fatalistes de la contingence humaine très en vogue dans la peinture baroque au xviie siècle. Un thème universel qui transcende les effets de mode et se transpose sans difficultés à notre époque. Pour preuve : en affublant, comme il l’a fait récemment, le Manneken-Pis d’une tête de mort bling-bling, Lerooy s’engage dans une démystification des icônes. Qu’il détourne avec un joyeux cynisme.

L’EXPO

Thomas Lerooy a conçu quatre nouvelles £uvres en bronze. Chacune selon un dispositif similaire : un corps jeune et musclé tel qu’on en rencontre dans la sculpture gréco-romaine supporte – subit, serait-on tenté d’écrire – une tête disproportionnée, littéralement inspirée elle aussi d’un portrait en ronde-bosse classique. Ici, le corps tente de repousser, tel un lutteur, son encombrant cerveau. Ici encore, le corps a capitulé, se balance dans le vide, pendu à son propriétaire hydrocéphale. Là, l’éphèbe se trouve dans un déhanché flageolant, comme anéanti par le poids des idées. Littéralement, la métaphore est limpide : la disharmonie entre le corps et l’esprit, le mépris de l’enveloppe charnelle au profit de l’apologie des neurones est source de déséquilibre douloureux. Et vice versa. Par-delà la traduction dans le bronze de ce vieux débat platonicien, Thomas Lerooy poursuit son travail de détournement des poncifs de l’histoire de l’art. En faisant exploser les proportions, cassant la symétrie et débordant du socle il tord le cou aux vieilles conventions de la sculpture occidentale. Tout en en conservant subtilement les apparences. Pour le moins trompeuses.

Thomas Lerooy : Braindance, à la galerie Rodolphe Janssen, 35, rue de Livourne, à 1050 Bruxelles.

Tél. : 02 538 08 18. www.galerierodolphejanssen.com et www.thomaslerooy.com Jusqu’au 28 mars prochain.

Chaque mois, Weekend Le Vif/L’Express vous propose un décryptage d’exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

Baudouin Galler

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