Giannutri, il Giglio ou Montecristo, ces îles de l’archipel toscan sont autant de terres de légende enchâssées dans la mer Tyrrhénienne. Des éclats de beauté miraculeusement intacts… pour clore notre grande série estivale.

L’archipel toscan fut créé, raconte la légende, lorsque Vénus, déesse de l’amour, brisant son collier de perles, éparpilla ces joyaux dans la mer Tyrrhénienne. Aujourd’hui, les îles de Giannutri, il Giglio et Montecristo brillent encore, au large d’une des côtes les plus sauvages et les plus méconnues de la péninsule italienne, d’un éclat inchangé de matin du monde : un paysage de roches rouges sculptées par l’érosion, de torrents de lumière qui, selon les humeurs d’Eole, évoquent les soleils levants de Monet ou les brumes étranges de Turner… Pour ce voyage aux rivages du réel, il vous faudra quitter Rome (à 140 kilomètres) ou Sienne (à 100 kilomètres) et rejoindre par la route la presqu’île de Monte Argentario, une fine langue de terre séparant la lagune de la mer. Là, trois petits ports charmants et contigus û Porto Ercole, Porto Santo Stefano, Cala Galera û s’offriront à vous, portes d’entrée du mythique archipel.

Située à 16 milles de la côte, l’île de Giannutri reste la plus facile d’accès. Au fur et à mesure que notre esquif s’approche de ce grand rocher argenté en forme de demi-lune, des couples de dauphins virent et dansent autour du bateau. Les marins s’amusent à les suivre, se glissant dans des grottes où l’eau turquoise est si cristalline que l’on peut admirer le ballet silencieux des hippocampes frôlant les étoiles de mer, les coraux et les anémones, les poulpes et les langoustes… Giannutri est l’éden des plongeurs et des passionnés d’archéologie. Dans ses fonds bleus translucides, on contemple des reliques étrusques, des amphores et des restes d’anciennes épaves romaines. Le long de ses rives, on rencontre d’immenses mantes, des loups de mer solitaires, des bancs de barracudas. Mais, c’est en approchant du rivage et en abordant la plage de Cala Maestra que l’on découvre le véritable trésor de cette terre, large de 500 mètres et longue de 15 kilomètres : une somptueuse villa romaine du Ier siècle après J.-C. noyée dans une végétation luxuriante de palmiers et d’orchidées sauvages. Le temps semble s’être arrêté à l’écume des vagues et le promeneur déambule en terre enchantée ; la noble résidence des Domizi Enobarbi a conservé intacts ses mosaïques, ses marbres noirs et blancs, ses chambres, ses caves, ses thermes. A une volée de marches de là, la Méditerranée s’offre, plein cadre, miraculeuse : les colonnades d’un belvédère aux décors toujours sublimes, malgré les siècles écoulés, gansent de leurs couleurs chatoyantes la grande bleue.

Plus lointaine, située à huit milles de Giannutri, il Giglio, surnommé  » l’île des goélands « , dessine les contours d’un paradis ornithologique sur une longueur de 10 kilomètres et une largeur de 2 kilomètres. En cette terre se donnent rendez-vous des centaines d’espèces d’oiseaux (la fauvette, le verdier, le chardonneret…) cependant que dans l’altière solitude des falaises se nichent les nids des redoutables faucons pèlerins, capables de  » piquer  » à 250 kilomètres à l’heure sur leur proie. Tout autour, le vent a sculpté les rochers, parfois d’une façon si étonnante et si ressemblante avec leurs sculptures que l’on jurerait que Picasso, Brancusi et Giacometti ont veillé sur le travail d’Eole. Et, grimpant sur un rocher qui évoque le nez d’une des  » Demoiselles d’Avignon  » de Picasso, on discerne, au loin, par ciel limpide, la mystérieuse île de Montecristo.

Montecristo n’est pas très loin de la côte, mais sa beauté se mérite. Cette réserve naturelle reste interdite d’accès aux bateaux et, pour l’aborder, il faut demander une autorisation au ministère de l’Environnement. La seule possibilité pour découvrir cette merveille reste donc de vous  » greffer  » à l’une des trois visites annuelles organisées par la ville de Porto Santo Stefano.

Deux privilégiés jouissent cependant des beautés de cet ermitage au bord de la Méditerranée. Paolo et Serenella, gardes forestiers, veillent sur ces  » dix km2 de rochers lisses, posés entre la mer et le ciel « , comme sur la prunelle de leurs yeux. Chaque jour, ils parcourent les chemins escarpés où des centaines de lapins et de brebis scrutent les voiliers qui cabotent alentour, surveillent, sur les plages de galets, les phoques moines jouant à cache-cache avec les tortues. Jadis, l’île était peuplée de quelques centaines d’humains ; au Ve siècle, une communauté de moines bénédictins s’est installée sur l’île et y a bâti ce monastère mystérieux que l’on peut encore visiter aujourd’hui . Et comme, en Toscane, les mythes ne sont jamais bien loin, la légende veut que cette congrégation ait accumulé le fabuleux trésor qui inspira le roman de Dumas  » Le Comte de Monte-Cristo « . Les historiens pensent que le  » trésor  » du monastère fut, plus prosaïquement, pillé par les corsaires en 1553. Finalement, la seule chose dont tous demeurent certains, c’est que, durant des siècles, Montecristo fut un refuge d’aventuriers et de hors-la-loi écrivant la légende romantique de cette terre interdite… Et, en rentrant au port, on pense à l’écrivain Curzio Malaparte, qui compare la mer toscane aux yeux de la Vénus de Botticelli :  » Aucune autre mer et aucun autre regard ne possèdent cette extraordinaire couleur entre le bleu saphir et le vert émeraude.  » Dans l’archipel de Toscane, le surnaturel et la déesse de l’amour accompagnent toujours le pas du voyageur ou le sillage du marin…

Paola Genone

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