Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Mieux vaut prévenir que vieillir. D’autant plus qu’aujourd’hui la vieillesse commence à 18 ans. Pattes d’oie, cernes, rides, bajoues, lèvres, sourcils, le regard laser que l’on porte désormais sur soi n’épargne pas le moindre millimètre du visage. Sans parler de la silhouette, taille fine, hanches étroites, seins fermes, minceur… Le corps se veut toujours en mouvement, tendu vers l’action. Les femmes se sont beaucoup sacrifiées, maintenant elles veulent penser à elles, affirment les spécialistes. Qui évoquent un repli égoïste sur soi et son propre épanouissement. Une tendance qui contamine, de surcroît, de plus en plus les hommes. Normal, la beauté est génératrice désormais d’angoisses sociales pour tous. Trop ceci, pas assez cela. Avec comme idéal la jeunesse éternelle, ce bon mythe faustien plus que jamais d’actualité, par définition inatteignable sur la durée, et qui peut engendrer une vraie détresse.

Difficile d’échapper dès lors à l’hyperconsommation des cosmétiques où le plaisir côtoie aussi la peur, la course à l’activisme talonne l’hédonisme. Séduire rime avec refus d’accepter les dommages collatéraux de l’âge, l’apparence jouant un rôle déterminant dans l’estime de soi. Dans ce contexte, nul doute que la marge des fabricants de cosmétiques est étroite. Certes, il s’agit de rassurer, de coller parfaitement à l’attente et aux envies de séduction, aux nouveaux gestes de beauté. Dans la foulée, on redope le chic et le raffinement. Beau, toujours plus beau. On n’oublie pas non plus le rêve qui se faufile habilement dans les pots de crèmes et les fards, histoire de permettre, sans effort et en douceur, le maquillage parfait de la réalité.  » La lucidité n’est pas un outil de vie. Il est important pour notre santé mentale de se voir un peu plus beau qu’on ne l’est réellement « , note Christophe André, l’auteur de  » Petits complexes et grosses déprimes  » (éd. Le Seuil). On se rue donc sur les promesses de la pub, les marques qui tirent le marché vers le haut. Les grands groupes rivalisent d’imagination, multiplient les nouveaux produits, testent, innovent. Mais au-delà du business, ceux qui l’emporteront ne seront-ils pas les initiateurs d’un nouveau courant qui donnerait un sens à cette galopade effrénée ; de la vie en plus des apparences ; de la lucidité plutôt que trop souvent des chimères ? Une véritable éthique qui unirait, enfin, le beau et le vrai.

Christine Laurent

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