Un peu d’Art déco, beaucoup d’années 70 et un esprit  » zen « . Le pied-à-terre parisien du couturier Elie Saab se prête à toutes les variations, entre soirée familiale et fête de lancement de son nouveau parfum. Entrez !

D’habitude, chez lui, quand tombe le soir, le parfum du jasmin entêtant sature l’air vibrant. Mais à Paris, autre lieu, autre fragrance, Elie Saab vit loin de son Beyrouth natal et s’il lui vient l’envie de humer les odeurs rassurantes de l’enfance, il peut toujours ouvrir un flacon qui porte son nom en majuscules et faire le voyage en fermant les yeux, dans ce silence qu’il aime tant. Ce qui ne signifie pas qu’il déteste les fêtes, la preuve en cette soirée de mi-novembre, où il joue les hôtes exquis pour célébrer le lancement de son nouvel opus. Comme dans un conte des Mille et Une Nuits, des myriades de bougies ont flouté la lumière et dansé dans le reflet des miroirs, grands si possible, du sol au plafond, en panneaux démultipliés, c’est fait exprès.

Dans cet appartement haussmannien, où il vit depuis 2008, rien de proche-oriental ou si peu, si ce n’est les courbes et une certaine idée du style années 70 qui le vit grandir. Hauts plafonds, belles proportions, libre circulation, autant d’atouts qui l’ont décidé à s’installer là, quand il n’est pas à Beyrouth ou ailleurs. Car le couturier signe ici son prêt-à-porter, avant de s’envoler pour le Liban où sa fidèle équipe et son atelier haute couture font des merveilles. De ce côté-ci de la Méditerranée, comme de l’autre, ses quartiers généraux portent sa griffe et celle de son ami l’architecte Chakib Richani. Pas besoin de mots pour se comprendre : avoir été un gamin qui savait déjà ce qu’il voulait être/faire vous exonère de grands discours ; l’un créait des robes pour ses petites cousines dans les nappes de sa mère, l’autre collectionnait les boîtes d’allumettes, construisait portes et fenêtres et les transformait en palace. Ajoutez à cela leur goût commun pour le minimalisme, le travail de Tadao Ando ou de Mies van der Rohe et leur fidélité réciproque, vous aurez une maison beyrouthine épurée, des boutiques à travers le monde qui s’arc-boutent vers le futur et ce nid qui a gardé son air XVIe arrondissement, ses moulures originales et ses grandes fenêtres qui donnent sur une  » rue large où s’alignent les arbres « , dans un coin  » calme  » de la Ville lumière, à deux pas des bureaux d’Elie Saab. C’est tout cela qui lui a plu au premier coup d’oeil, il est plutôt du genre à foncer, n’avait-il pas, à 18 ans à peine, décidé, à contre-courant, qu’il serait créateur de mode ? Il avait alors fallu convaincre ses parents, ce métier n’avait rien de prestigieux, la guerre avait tout balayé, mais il n’avait pas eu peur,  » je crois en moi « .

Depuis, en parfait autodidacte, il a bâti un empire, ouvert son premier atelier au Liban (1982), défilé à Paris (2000), été adoubé membre de la Chambre syndicale de la Haute Couture (2006), pensé un premier parfum avec Francis Kurkdjian – titré ELIE SAAB Le parfum et qui rappelle le soleil à son zénith, avec  » interprétation moderne de la volupté  » (2011) -, ciselé de la dentelle sur la bouteille d’Evian, limited edition 2014, et présenté aujourd’hui une déclinaison urbaine de son très beau jus, toujours avec Francis en guise de nez et sous-titrée L’Eau couture.

Dans cet espace cathédrale, mais chaleureux, avec mobilier  » unique « , pour mieux trouver sa place, à sa juste mesure, il est un endroit où le maître de maison préfère se poser, entouré de sa femme, de ses fils et de ses amis : un bar en marbre et acier  » exceptionnel par sa minceur et sa forme ovale « . Il n’est pas sûr, si l’on mettait bout à bout toutes les robes d’Elie Saab, que l’on parvienne à esquisser son portrait en creux, mais il n’est pas dit que ses maisons ne parlent pas un peu de lui.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content