Le jardin privé de Jacques Wirtz constitue un magnifique dialogue entre le paysagiste émérite et son environnement quotidien. L’automne révèle la douce musique de ce monde empreint de poésie.

(*)  » The Wirtz Gardens « , photos de Marco Valdivia, textes (en anglais) de Patrick Taylor, Wirtz International NV (info@wirtznv.be)

L’ouvrage autoédité est composé de deux tomes réunis dans un coffret. Il recense 57 jardins du maître. Chaque jardin est présenté avec un plan d’ensemble et quantité de photos qui servent l’architecture.

A quoi ressemble donc le jardin personnel d’un paysagiste ? Est-il l’expression poussée à l’extrême de son art, de la maîtrise de son métier, de la justesse de ses lignes, de ses perspectives et volumes ? Avec plus de cinquante années d’activité et des centaines de projets réalisés, le célèbre paysagiste belge Jacques Wirtz peut présenter une époustouflante galerie de parcs et jardins, en Belgique comme à l’étranger. Son £uvre, telle qu’elle apparaît dans son dernier livre (*), s’impose par sa puissance : lignes et volumes structurent admirablement l’espace. Alignements d’arbres, formes taillées, haies, canaux concourrent au style Wirtz qui se révèle pleinement dans la grande dimension.

Dans son jardin personnel, situé au nord-est d’Anvers, à côté des bureaux et ateliers de l’entreprise familiale, Jacques Wirtz a, là, joué la carte de la discrétion afin d’honorer l’histoire de la propriété. Depuis le début des années 1970, sa maison est celle de l’ancien chef jardinier du château de Botermelk. Les hauts murs en brique qui ceignent le jardin, une serre de culture, les vieux arbres fruitiers rappellent les charmes d’autrefois… que le paysagiste avait appris à apprécier bien avant d’habiter les lieux puisqu’il y avait d’abord installé ses bureaux et ateliers.

Les anciens carrés de légumes ont été méticuleusement plantés de grands arbres et arbustes ainsi que de collections de plantes vivaces, à utiliser dans des projets futurs.  » En fait, bon nombre de plantes qui sont restées dans le jardin de nos parents forment une sorte de cabinet de curiosité végétal, confie Martin Wirtz, un des fils de Jacques. En vous promenant, vous découvrirez une petite allée de Prunus pleureurs, des topiaires, une collection d’Iris germanica… Les Aster qui sont la gloire du début de l’automne, eux, figurent tout simplement parmi nos vivaces préférées.  »

L’image forte du jardin de Jacques Wirtz ? Sans hésitation, celle de ces deux allées qui se croisent, bordées de deux lignes de buis, remarquables pour leur mouvement quasi organique.  » Lorsque notre père a décidé de reprendre ce jardin en main, il a hérité de ces haies qui étaient vieilles et décharnées, explique Peter Wirtz, l’autre fils de Jacques. Les buis qui poussaient sagement autrefois avaient été abandonnés à leur sort… Ils n’offraient plus aucune cohérence, aucune structure à l’ensemble. D’autres que nous les auraient sans doute arrachés. Mais en taillant avec circonspection, en nourrissant chaque plante avec des amendements appropriés, mon père a pu les récupérer et suivre les formes que la croissance naturelle suggérait. C’est ainsi que nous en sommes arrivés à cette structure ondulante, qui semble former une vague sans fin.  »

Les buis profitent une bonne partie de l’année de la protection de la ramure de vieux pommiers. Les potagers des nobles demeures d’autrefois comptaient aussi un verger. Les arbres fruitiers qui bordent les allées de buis ont eux aussi, dans la mesure du possible, été conservés. Et lorsque l’un d’entre eux vient à s’éteindre, il est immédiatement remplacé par un jeune individu sélectionné parmi les anciennes variétés fruitières de Belgique.

On pourrait penser que Jacques Wirtz est peu intervenu dans son propre jardin, qu’il a laissé faire la nature. Certes, ses apports sont très peu perceptibles. Mais ils ont toutefois contribué à structurer l’ensemble. Il suffit de regarder les abords immédiats de la maison à laquelle font face deux grands quadrilatères simplissimes. La pièce d’eau, qui répond à la serre à orchidées (le véritable jardin secret de Jacques Wirtz et de son fils Peter), a été aménagée avec énormément de retenue. Le sentier bordé de buis taillés qui mène à la porte d’entrée se double, tout naturellement, d’un autre qui conduit, lui, à la porte du jardin. Et en quittant les lieux, on est tout aussi séduit par l’espace vert situé du côté nord de l’habitation. Ici encore le quadrilatère bordé de grandes haies affiche une éblouissante simplicité. En toute harmonie avec la maison.

Jacques Wirtz est un homme discret pour qui les vraies valeurs se trouvent dans les jardins et dans la musique, une autre de ses passions. Deux modes d’expression que l’on apprécie aussi pour le doux silence qu’ils inspirent.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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