Sur les traces de Kate Moss ou de Hugh Grant, les chemins bucoliques et ultrachics de la région des Cotswolds sont à découvrir dans les brumes de l’automne.

A moins de deux heures de Londres, sur ces quelques centaines d’hectares vallonnés parcourus de cours d’eau, hommes politiques et célébrités se mettent au vert dans des villages et des manoirs de carte postale. Le cocktail le plus grisant est autour de Chipping Norton, superbe bourgade bâtie par de riches marchands de laine au Moyen Âge. Cette haute société pastorale, menée par le Premier ministre David Cameron et des barons de la presse ou du business, s’y divertit de promenades à cheval en parties de chasse sous les frondaisons de domaines aux pedigrees aristocratiques. Ici, le pouvoir est dans les prés. A quelques lieux alentour, manoirs, fermes et cottages abritent, dans le plus pur style  » Tudor 2013 « , une parade de stars rurales. Hugh Grant dans un rôle de gentleman hippique à Melksham Court. Damien Hirst en peintre châtelain perdu dans les 300 pièces de son Toddington Manor. Deux impeccables Kate : Winslet, nouvelle épouse du neveu du milliardaire Richard Branson, dans un monument historique de Westcote, et Moss, qui épousa son guitariste sous les toits de chaume de Southrop, duo habillé gentry rock par Stella McCartney, leur copine des bords de l’Avon. Alex James, du groupe Blur, fait des fromages sur sa ferme de Kingham, et Lily Allen, des scandales pop près de Painswick. Jusqu’au prince Charles qui parle aux arbres de Highgrove et vend produits bio et babioles royales estampillés Duchy Originals dans la ravissante ville de Tetbury. Sa groupie lady Bamford, de l’une des familles les plus opulentes du royaume, a fait de sa ferme de Daylesford un complexe écolo campagnard où des granges relookées vert pâle et bois patiné présentent fruits et légumes rigoureusement bio comme dans un cabinet de curiosités… et tout le lifestyle qui va avec.

BRITISH NOSTALGIE

Bénis soient les moutons qui ont tout payé ! Ces pactoles aux lourdes toisons broutèrent pendant des siècles des collines de roche tendre offerte aux bâtisseurs de pignons et de tourelles. Leur tonte enrichit tout le pays dès l’invasion des Normands, et l’or de la laine y élève abbayes et églises d’un goût flamboyant : le Wool Gothic. Surmontées d’arrogantes tours, les plus altières dominent les bourgs de Northleach, de Cirencester ou de Burford. A leur pied, cottages et manoirs Tudor festonnés jusqu’au vertige sont façonnés dans le même calcaire doré extirpé des multiples carrières locales. Quand le soleil se cache – mauvaise habitude anglaise -, leurs pierres semblent en avoir capté les rayons, et les murs aux tons de miel restent tièdes au regard. Une si belle fortune connaît son apogée au XVIIe siècle, mais le monopole lainier des Cotswolds va se dissiper lentement dans la concurrence du coton et des nouvelles villes industrielles. La campagne se fige. Quelques nobles chasseurs la raniment parfois, chevauchant autour de demeures démesurées qui épuisent leurs héritages. Ces décors naturels deviennent ensuite le conservatoire de la nostalgie britannique. La venue, en 1871, dans une ferme envahie de mûriers, anoblie en Kelmscott Manor, d’un trio fou d’amour et d’esthétisme va ré-enchanter ces terres endormies : William Morris, designer et gourou du mouvement Arts and Crafts, qui veut remettre la main de l’homme au coeur de toute création, sa femme, Jane, modèle des visionnaires préraphaélites, et Dante Gabriel Rossetti, leur porte-étendard et amant de la belle. Pour William et sa bande, c’est le  » paradis sur terre  » dans ce village de Bibury, où les truites frétillent sous des ponts miniatures balayés de saules pleureurs. A Buscot Park, tout proche, lord Faringdon accroche une suite de tableaux agrestes de leur collègue Burne-Jones à côté de ses Botticelli et Vinci.

LE SILENCE DES HAMEAUX

Autre adepte, l’attachant Charles Paget Wade achète le manoir de l’abbaye de Snowshill, en ruine, qu’il bourre de trésors d’artisanat hétéroclites, des vélocipèdes aux armures de samouraï. Mêmes extases dans le Garden of Rooms de Lawrence Johnston, son émule de Hidcote Manor, planté d’espèces rapportées des tours du monde par ce major de l’Empire. Dernière incarnation de ces jardiniers en guerre contre les massifs et les moeurs rigides, les Naked Gardeners gambadent tout nus au pied des ruines sublimes de l’abbaye de Malmesbury, ayant métamorphosé des buissons d’épines en un éden où le vêtement est facultatif sept dimanches de l’année. La nature et ses interprétations restent les vraies stars des Cotswolds. Farouchement attachés au droit de passage à travers des domaines aussi privés que huppés, les marcheurs baguenaudent de pubs villageois en églises bucoliques, entre les haies des sentiers de randonnée : au détour d’un champ où paissent les chevaux habillés de tweed apparaissent les hameaux de Stanton, dépourvu de toute trace de commerce moderne, contrairement à sa très courtisée voisine Broadway, ou de Stanway, où J. M. Barrie, le papa de Peter Pan, jouait au cricket près des fontaines de l’extravagant lord Neidpath. Au bord des méandres aquatiques des Slaughters, à l’ombre de chênes qui virent passer Henri VIII, des rosiers hauts comme des arbres embaument les rangées de cottages. On pousse jusqu’à l’Old Post Office and Shop, à Guiting Power, pour un cake et les potins du coin, entouré de poules faisanes picorant l’herbe. De grands bols d’air frais avant d’aller se faire bousculer en beauté sur les rives de Bourton-on-the-Water, labellisée justement  » Petite Venise « , ou de boire une ale dans un pub jovial en regardant la bruine glisser sur les toits de chaume de Chipping Campden. Et, pour revenir à nos moutons, en conclusion de cette succession sans fin d’idylliques aquarelles, on donne une bourrade cordiale aux quadrupèdes à qui l’on doit tant de pittoresque harmonie.

PAR JEAN-PASCAL BILLAUD

La nature et ses interprétations restent les vraies stars des Cotswolds, formant d’idylliques aquarelles.

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