Le créateur britannique lance, cet automne, une collection pour les kids. Résultat : un vestiaire classique déridé par quelques clins d’oil humoristiques. À l’image de ce parfait British qui a su garder sa spontanéité enfantine.

Il a l’air d’un gamin. Assis sur une chaise d’école, derrière un banc en bois trop bas pour y caser ses longues jambes, Paul Smith observe l’agitation ambiante, demi-sourire au coin des lèvres. Il gribouillerait bien quelques traits sur le cahier qui traîne devant luià Mais le devoir l’appelle. Le créateur est ici, dans son showroom parisien transformé en classe d’école, pour présenter à la presse sa collection Enfant. Il réajuste son blaser, passe la main dans ses cheveux plus sel que poivre, et se lève pour commenter les pièces colorées alignées sur les tringles. Des coupes classe et épurées, des teintes sobres – du brun, du grisà -, des contrastes flash – le bleu électrique et le jaune moutarde, à marier au violet foncé. Et puis, des lignes – sa marque de fabrique – que la fantaisie autorise à mixer à un imprimé  » petits lapins  » ou à du tartanà Le regard concentré, il extrait quelques pièces maîtresses de son vestiaire, pour faire toucher la matière, mieux voir les couleurs.  » J’aime cette robe à motif fleuri, facile à porter pour les fillettes à « , glisse-t-il avant de nous taper chaleureusement sur l’épaule et de nous rappeler qu’un casse-croûte nous attend à la cantine. Pour peu, on lui rétorquerait qu’après, on jouera aux billes, oubliant presque que ce  » copain de classe  » est l’un des créateurs les plus courus de la planète fashionà C’est que Paul Smith fait partie des célébrités à qui le talent ne monte pas à la tête. Son secret ? Avoir su garder ce petit quelque chose qui peut le faire passer, en un instant, du grand-père gâteau – rôle qu’il tient à merveille dans le clip tourné, avec des jeunes, pour le lancement de cette ligne Junior où on le voit jouer de la trompette, faire des grimaces et se marrer sans complexe – au créateur-homme d’affaires qui, depuis la présentation de sa première collection, à Paris, en 1976, s’est bâti un empire modeux en mêlant tradition venue d’outre-Manche et excentricité ludique. Rencontre avec ce grand (enfant) de la mode.

Votre présentation à Paris pour la ligne Junior, et plus largement, l’ensemble de vos collections ont toujours quelque chose d’amusant, de décaléà Pour vous, la mode, c’est ça ?

La mode ne se doit pas d’être fun. Mais, dans mon cas, cela va de soi. Cela correspond à ma manière de vivre. J’ai les pieds sur terre tout en en profitant un maximum. Mes collections reflètent forcément mon caractère !

Pourquoi vous lancez-vous dans la mode enfantine ?

J’ai déjà eu une collection kids dans le passé. Mais, il y a dix ans, j’ai dû y renoncer car mon atelier était en surrégime. Nous devions nous concentrer sur mes lignes Homme et Femme. C’est le groupe Zannier qui nous a proposé de revenir à la création pour les petits. Il jouit d’une grande expertise. Cela signifie que nous pouvons plancher sur le dessin, l’image et le marketing sans nous inquiéter de la production et la distribution.

Comment décririez-vous votre collection ?

En une phrase :  » classic with a twist « . Il ne s’agit sûrement pas d’une reproduction miniature de la ligne adulte. Je préfère dire que les modèles s’en inspirent d’une certaine manière, en reprenant certains motifs, détails et couleurs, mais en les adaptant aux enfants. Je ne suis vraiment pas un adepte du  » mini me  » qui consiste à habiller les parents et leurs gosses de la même manière. L’enfance est une période si courte. Il faut qu’ils en profitent à fond, aussi bien dans leur manière de s’habiller que dans leurs actes.

Quelles sont vos pièces préférées dans ce vestiaire ?

Celles qui sont faciles à porter séparément : pulls, chemises et tee-shirtsà avec toujours une petite surprise cachée dans le modèle, comme une boutonnière de couleur ou un revers de manche contrasté.

Malgré la crise, les parents dépensent beaucoup pour acheter les vêtements de leurs enfants…

Pour moi, c’est tout à fait naturel. Tous ceux qui ont un enfant veulent le rendre heureux et être fiers de lui. Et ils préfèrent donc dépenser de l’argent pour leurs petits plutôt que pour eux-mêmes. Personnellement, je veux séduire les deux générations. Les parents doivent prendre plaisir à voir leurs rejetons bien habillés mais il faut aussi que ces derniers se sentent relax en Paul Smith. Il est encore trop tôt pour dire qui portera mes vêtements. Mais j’espère que ce seront des filles et des garçons qui rigolent beaucoup et s’amusent d’un rien.

Et vous, comment étiez-vous enfant ?

J’étais assez calme. Mais mon père et moi avions beaucoup d’humour et aimions rire ensemble. Je passais aussi mon temps à dessiner. La mode ? Je ne me suis jamais dit que j’aimais çaà Mais, quand je regarde des photos de famille, je constate que j’étais toujours assez élégant – probablement parce que mes parents m’habillaient comme cela ! Je ne me rappelle toutefois pas avoir eu une quelconque opinion sur ce domaine avant mes 17 ou 18 ans. Mon intérêt pour toutes les formes de créativité est apparu quand j’ai rencontré de jeunes étudiants de l’école d’art de ma ville. Tout à coup, toutes ces disciplines se sont ouvertes à moi.

Gardez-vous une âme d’enfant ?

J’espère que je traverse la vie avec une certaine naïveté ; pas en étant puéril mais en conservant toujours ma curiosité de gosseà et un esprit très ouvert.

Par Fanny Bouvry

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