à Londres comme à Paris, les centres de bien-être essaiment au cour d’institutions shopping. Désormais, on préfère la pause-spa à la pause-café. Nettement plus chic et plus zen.

Il faut compter deux heures pour découvrir les subtilités du soin Essentiel visage de Chanel Précision aux Galeries Lafayette Haussmann à Paris. Et ça commence bien. La cabine, entièrement circulaire, donne d’emblée l’impression d’une sensation forte de confort et d’enveloppement. Dans un décor blanc, épuré et intimiste, une lumière douce et chaude change imperceptiblement selon les phases du soin. Dans l’air flotte un parfum subtil et relaxant, imaginé par Jacques Polge, créateur attitré de toutes les fragrances de la maison. Dans un vestiaire minuscule mais parfaitement ergonomique, j’enfile un paréo, des mules et un peignoir immaculé, siglé du double C. Pour que le bien-être soit total, l’esthéticienne me demande quelle musique j’ai envie d’écouter. J’opte pour du classique. La première partie du soin est un peu théorique et consiste à établir un diagnostic très précis de ma peau. Les questions fusent : quel est son aspect (elle brille ou elle tire), sa sensibilité (elle a des rougeurs ou des boutons) et son âge (elle se ride ou elle perd de sa fermeté). D’autres questions portent sur le style de vie, les expositions au soleil et les envies de crèmes onctueuses ou d’émulsions plus fluides. Les réponses sont  » digérées  » par l’ordinateur qui propose, à la fin, un programme perso de formules hydratantes, protectrices ou encore de  » coups de pouce  » spécifiques pour que ma peau retrouve son éclat et sa douceur. La séance commence par un  » massage de bienvenue  » qui décontracte admirablement les épaules et la base du cou. Une première étape tout en douceur. Les tensions s’envolent. Après un démaquillage et un nettoyage minutieux, l’esthéticienne m’explique qu’elle va  » dégommer  » mes cellules mortes pour dynamiser l’action des produits. Le massage, exceptionnellement long, va durer 30 minutes. Les gestes et les  » man£uvres  » s’enchaînent de façon très étudiée. L’esthéticienne repère les zones à problèmes, là où la peau a tendance à se relâcher. D’une main punchy, elle applique la technique du  » palper-rouler « , en partant de la partie centrale du visage vers l’extérieur et du bas vers le haut. Soyons honnête : ces phases de stimulation sont assez vigoureuses. Heureusement, elles alternent avec des phases plus douces et plus caressantes. Le cou et le décolleté ont droit au même traitement stimulant. Puis vient l’étape du masque. Pendant que mon visage mijote sous une pâte onctueuse et agréablement parfumée, l’esthéticienne s’empare de mes mains et effectue un massage bien agréable de réflexologie, en pressant sur les points énergétiques. Pour terminer, elle les tartine avec une crème bien onctueuse et les protège, pendant quelques minutes, par des gants de coton, pour qu’elles restent bien au chaud. Les deux heures ont passé comme un rêve. En sortant, la peau est plus lisse, plus tendue, les rides du lion et horizontales du front semblent comblées. Evidemment, pour un effet durable, il faudra retourner régulièrement…

LONDRES : DES MASSAGES HOLISTIQUES

La mode vient d’outre-Manche. Après le café ou le salon de thé dans les grands magasins, voici l’ère du spa. Toujours selon le même concept du  » All in one « , qui permet de faire tout sous un même toit, on installe désormais à Londres salons de coiffure,  » beauty treatments « , cabines de massages… dans des institutions shopping telles que Harrods, Harvey Nichols ou encore Selfridges. Un havre de paix dans des temples de la consommation. L’idée ? Faire une pause-zen au cours de nos harassantes journées shopping et se réconcilier au passage avec son être profond. Une manière aussi de mieux réguler la dépense… énergétique. L’occasion pour Weekend Le Vif/L’Express de tester quelques massages insolites entre deux virées mode dans la capitale britannique.

En tête de file, le Urban Retreat au cinquième étage du grand magasin Harrods. Après avoir traversé un salon de coiffure au vrombissement continu des sèche-cheveux, un long couloir à la lumière tamisée, bordé de pétales de roses, conduit aux cabines de massage. On me fait patienter dans un salon bercé d’une musique douce. Parmi une liste presque exhaustive (on est malgré tout dans le  » top noch  » des Beauty Departments de Grande-Bretagne avec des massages qui avoisinent les 100 livres sterling, soit environ 150 euros l’heure), j’ai choisi le Kiradjee massage, une technique empruntée aux Aborigènes. Tant qu’à faire, autant opter pour un vrai retour aux sources ! En guise d’introduction, la thérapeute (c’est le titre utilisé), prénommée Mirella, m’explique que c’est une technique qui se transmet de mère en fille dans les tribus aborigènes d’Australie. Et qui est destinée aux hommes lorsqu’ils rentrent de la chasse,  » pour les calmer et avoir la paix « , s’amuse Mirella. Je procède mentalement à une comparaison de gabarit entre l’homme de la forêt et moi. Et m’assure dare-dare auprès de mon interlocutrice que la technique convient même à ceux qui n’ont pas coutume de tuer le gibier !  » Pas de problème, répond la thérapeute. Ici, on pratique ce massage également sur les femmes.  » Me voilà à moitié rassurée. A moins que mes allers et venues dans les étages labyrinthiques d’Harrods soient comparables à une partie de chasse en forêt !

Le principe ? Masser la partie arrière du corps en glissant les mains par derrière tandis que l’on repose sur le dos.  » Cela évite la contraction du corps, explique Mirella. C’est un massage profond aux vertus à la fois relaxantes mais aussi spirituelles. » Séduite par l’argument, je décide de me laisser aller. Mais voilà que Mirella adopte un comportement plus  » musclé  » et s’apprête à me tourner vigoureusement la nuque. L’image de l’aborigène me revient aussitôt à l’esprit. Je manifeste ma réprobation. Mirella s’interrompt, visiblement déçue. Puis se radoucit. Mais à nouveau, elle s’emballe, saisit mon bras gauche qu’elle est sur le point d’étirer. Deuxième entracte. Je crains en effet que mon membre supérieur d’humble chasseresse ne résiste à la traction. Je signifie clairement que je préférerais éviter toute forme de rudoiement.  » Je vais alors être obligée de modifier le programme « , obtempère Mirella. Elle appuie sur le bras droit, plus douloureux que le bras gauche.  » C’est le côté féminin « , précise-t-elle. Tiens, tiens… J’essaie de faire plaisir à Mirella et de m’abandonner à ce massage en profondeur. On est censé après coup flotter dans les airs. Dommage, l’image de la chasse aux kangourous a quelque peu parasité chez moi les bienfaits du traitement. Après la séance, Mirella me livre ses impressions. A ma grande stupéfaction, la thérapeute a décelé à travers les réactions de mon corps (certes très expressif !) des vérités sur mon être profond. Elle m’incite à revenir pour une seconde séance. Réflexion faite, je devrai auparavant dépasser le complexe du chasseur ! (plus d’infos sur www.kiradjee.com). La rencontre aurait sûrement été plus  » peaceful  » si j’avais choisi une simple réflexologie plantaire ou une aromathérapie ! Je garderai toutefois un très bon souvenir de Mirella. J’ai d’ailleurs longtemps repensé aux conseils qu’elle m’avait donnés à l’issue de cette séance…

Un jour plus tard…

Plus soft, je teste le lendemain (il faut toujours laisser passer au moins vingt-quatre heures entre deux traitements), le Hopi Ear Candle chez Austin Reed. Une boutique-institution, installée sur Regent Street depuis le début du xxe siècle, connue pour sa mode masculine, et qui abritait autrefois un barbershop dans son sous-sol. Aujourd’hui, le barbier s’est transformé en spa avec salon de coiffure, cabines de beauté et tutti quanti. Comme quoi, on n’a rien inventé ! Cette fois, j’ai donc opté pour une technique indienne qui vise à nettoyer les oreilles en profondeur. Une bonne santé passe par des oreilles propres, affirment les sages hindouistes. Par oreilles propres, on entend oreilles débarrassées de leurs impuretés, permettant ainsi de bien faire circuler l’énergie. Je pénètre dans un coquet salon qui a gardé pour décor l’esprit Art nouveau de ses premières années. On m’installe dans la cabine. La radio en fond sonore. Nettement moins zen que la petite musique douce de chez Harrods…. Mon accompagnatrice dans cette expérience, prénommée Stéphanie, m’explique que la technique consiste au placement de deux bougies qu’elle va allumer dans mes oreilles. Décidément, après le chasseur dans la forêt, me voilà soumise à présent au rite du feu. Les risques du métier… Allongée sur le lit, je me dis que le succès du traitement sera proportionnel à la confiance que j’aurai en Stéphanie. Donc, je décide de me détendre complètement. La jeune fille allume un grand bâton en bois dans mon oreille gauche, reste près de moi tout le long du traitement, je sens la tige bouger et la flamme se rapprocher du creux de mon oreille. Leçon numéro 1 : j’apprends à lâcher prise. Surtout ne pas bouger. Surtout se répéter à soi-même qu’elle sait ce qu’elle fait, qu’il n’y a jamais eu de dérapage, qu’elle va savoir éteindre le feu. Le problème, c’est que cette agitation de l’esprit est contraire à l’effet recherché. La flamme se rapproche tout en se consumant et s’éteint juste avant d’atteindre le tympan. Enfin, Stéphanie retire la bougie. Et va observer l’ampleur des dégâts.  » C’est bien, votre oreille gauche est propre « , souffle-t-elle. Ouf ! Première épreuve réussie. On passe à l’oreille droite. Désormais, je connais le principe. J’ai l’impression cependant que la bougie se déplace davantage que dans l’oreille gauche, qu’elle effectue même un virage à 180 degrés. Je sens la chaleur m’envahir. Verdict :  » votre oreille droite était complètement obstruée « . En guise de souvenir, la thérapeute me remet un petit paquet contenant la bougie imprégnée des impuretés, pour preuve d’efficacité. Le traitement est recommandé pour soigner les migraines, les problèmes de sinus, les rhumes, le stress etc. Je me montre convaincue. Avant de partir, Stéphanie m’assure qu’il faut se reposer après, l’idéal étant même d’aller se coucher. Et mon shopping alors ? Prise d’une frénésie de bien-être, je me mets en chasse de tous les spas de la ville (sûrement l’effet du massage aborigène !).

Sans rendez-vous

Au quatrième étage du grand magasin Selfridges, je découvre le walkinbackrub, c’est-à-dire littéralement le  » je-rentre-dans-le-magasin-et-j’obtiens-sur-le-champ-un-massage-du-dos  » (les Britanniques ont vraiment le sens de la concision !). Le principe ? Sans rendez-vous et encore tout habillée, on s’installe dans une chaise spéciale offrant son dos au masseur et on choisit 10, 20 ou 30 minutes de détente. Un peu comme à la plage. Le transat en moins. Une technique venue d’Asie, inspirée du Shiatsu, qui consiste à se dénouer rapidement en pleine agitation urbaine (plus d’infos sur walkinbakrub.co.uk). Au même étage, le Skin Health Spa, ouvert depuis le 18 juin dernier, permet de se faire blanchir les dents, de tenter l’épilation au laser, de procéder à des injections de botox ou de s’offrir un bronzage tropézien. Moins exotique à mon goût…

Une  » Detox  » pour digérer le tout…

Mon coup de c£ur revient à Harvey Nichols. En effet, au quatrième étage du grand magasin le plus glamour de la capitale, s’étend l’espace bien-être Daniel Hersheson. Un des grands noms de la coiffure d’avant-garde londonienne. Daniel Hersheson, qui dispose aussi d’un salon de coiffure réputé dans Conduit Street à Mayfair, coiffe people et mannequins et collabore avec les magazines de mode les plus hype de la capitale britannique. Chez Harvey Nichols, il a ouvert en 2004 un salon de coiffure doublé d’un espace bien-être offrant massages, soins oxygénants pour le visage, traitements de fond pour les cheveux… Tout y est, la frénésie et l’ambiance branchée en prime.

Après quoi, insatiable, je file au rez-de-chaussée avaler un thé dépurifiant au bar holistique Fushi dont les boissons aux noms évocateurs ( » Hangover  » pour gueule de bois,  » Flu  » pour grippe,  » Headache  » pour maux de tête) sont censées guérir les bobos quotidiens. Ici, la boisson baptisée  » Detox  » est devenue la nouvelle  » Cup of tea  » de l’Angleterre branchée. Signe des temps…

PARIS : LE NOUVEAU VISAGE DES SOINS BEAUTÉ Soin sur mesure

Pierres chaudes et froides

On connaît de mieux en mieux le concept des pierres chaudes, baptisé aussi  » stone therapy « . En deux mots, il consiste à poser des galets chauds à certains endroits clés du corps (le long de la colonne vertébrale, sous les épaules, sur le thorax, sous les mains, entre les doigts de pieds, etc.). La chaleur des pierres favorise la décontraction musculaire, soulage les petites douleurs, débarrasse les tissus des toxines et harmonise la circulation des énergies. Estée Lauder vient de nous concocter une nouvelle interprétation de ce soin avec la  » Thermothérapie par les pierres  » (*), un rendez-vous visage de rêve. L’idée ? Effectuer un massage à la fois relaxant et redynamisant, en utilisant alternativement des pierres chaudes et des pierres extrêmement froides. Pour le tester, direction Bon Marché à Paris. Je m’engouffre sous une élégante tente blanche, éphémère  » temple de la beauté « , installé au rez-de-chaussée. Je m’abandonne aux rituels préliminaires : respirations profondes, nettoyage en douceur, exfoliation mousseuse. L’esthéticienne explique le  » pouvoir  » des pierres utilisées. Les pierres de basalte, provenant du Mexique et de l’Arizona, vont diffuser la chaleur. Ces pierres volcaniques noires la conservent plus longtemps que toutes les autres pierres de couleur. C’est grâce à elles que toutes les tensions musculaires s’en vont. Les pierres froides, en revanche, sont des galets de marbre originaires du Pakistan. Leurs vertus ? Elles calment les tensions nerveuses. Riche de ces informations, je suis prête pour 30 minutes de bonheur. La peau, généreusement tartinée de crème, devient la piste d’une danse rythmée de galets chauds et de marbres glacés. Habile jongleuse, l’esthéticienne alterne ses gestes avec une grande fluidité. Si, au début, ça chauffe et ça picote, très vite je ressens un bien-être incomparable. Dernier bonus ? Pendant les phases chaudes, la crème fond dans la peau et la nourrit en profondeur. Sous l’effet du froid, en revanche, la peau se lifte et devient plus ferme. J’en ressors dans les nuages.

Carnet d’adresses en page 88.

(*) Attention, le soin  » La Thermothérapie par les pierres  » est pratiqué ponctuellement par Estée Lauder. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le programme 2006 n’était pas encore établi. Pour plus d’informations, s’adresser au stand Estée Lauder du Bon Marché.

Agnès Trémoulet et Barbara Witkowska

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