En une seule journée, on peut y profiter de la montagne, de la plage ou d’une rencontre avec des animaux sauvages en pleine nature. Réputée pour être l’une des plus belles capitales du globe, Le Cap est aussi l’une des plus exaltantes.

Sur la route N2 qui file vers l’océan Indien, on ne peut que s’émerveiller face aux plages dorées et eaux d’un bleu profond qui s’étendent à perte de vue. Le long du bitume, se succèdent des panneaux annonçant des domaines vinicoles aux noms poétiques, dont la traduction française donne  » Paix et bonheur « ,  » Etoile du matin  » ou encore  » Loin d’ici « . Nous sommes à une petite centaine de kilomètres à l’est du Cap, sur le chemin de la station balnéaire d’Hermanus. A l’heure du déjeuner, nous nous arrêtons au Marine, un centre de cure luxueusement rénové dont les murs, tapissés de miroirs, créent l’illusion d’être entourés d’eau de toutes parts. L’air iodé, qui pétille comme du champagne, y est tellement revigorant que certains hôtes seraient arrivés en chaise roulante et repartis sur leurs deux jambes… Une délicieuse assiette de fruits de mer nous attend. On la déguste avec un verre de pinot noir issu de la  » Vallée du ciel et de la terre « .

LE BERCEAU DES BALEINES

Bientôt, Hermanus apparaît. L’un des meilleurs endroits au monde, paraît-il, pour observer les baleines. Neuf des espèces présentes dans l’hémisphère austral arrivent ici dès juillet et y restent jusqu’à fin novembre. Le temps de mettre bas et d’allaiter leurs jeunes à l’abri des baies protégées, avant que les baleineaux soient suffisamment forts pour affronter le périple vers les eaux froides et tumultueuses du Cap de Bonne-Espérance.  » Le souffle formé d’air et de vapeur qu’elles expulsent en remontant à la surface trahit leur présence, explique notre guide, Jason Hartslief. Avec un peu de chance, vous les verrez sauter hors de l’eau.  » Ce jour-là, pas le moindre mouvement à l’horizon, alors qu’un crieur de baleines arpente la baie à vélo, armé d’un cor en varech séché qui lui permet de rameuter les touristes dès que surgit l’ombre d’un cétacé.

Avec une pointe de déception, nous prenons la direction de Franschhoek, un petit bourg niché à l’intérieur des terres, à l’entrée d’une étroite vallée parsemée de vignes, dans la province du Cap- Occidental. Avec ses élégantes bâtisses d’un blanc éclatant, construites dans le style hollandais du Cap, le village est à la fois un haut-lieu de l’héritage colonial et la capitale culinaire de la province, voire du pays. Les visiteurs peuvent y passer la nuit dans une boutique-hôtel huppée, après avoir savouré l’excellente cuisine de l’un des restaurants réputés du coin, répondant aux noms frenchy de Bouillabaisse, Le Bon Vivant, Mange Tout ou La Petite Ferme. Le thermomètre affiche 36 °C dans cette vallée où les Français, arrivés dès 1688, se sont rapidement sentis comme chez eux. Lorsque les guerres de religion ont éclaté dans l’Hexagone, quelque 300 000 huguenots ont fui vers des contrées comme la Suisse, l’Allemagne, l’Angleterre ou la Scandinavie, tandis qu’environ 30 000 exilés ont trouvé refuge sous les cieux humides des Pays-Bas. Flairant l’aubaine, le premier gouverneur du Cap, Simon van der Stel, n’a pas ménagé ses efforts pour persuader ces derniers – en particulier les nobles et les viticulteurs – de rallier l’Afrique du Sud. Les candidats se voyaient offrir le voyage, une ferme et une armée d’esclaves, avec la promesse d’être rapatriés gratuitement vers l’Europe s’ils désiraient revenir après dix ans. Bien sûr, rares sont ceux qui opté pour le billet retour. Le Franschhoek les a séduits, et les mariages avec les jeunes filles anglaises, allemandes ou néerlandaises de la province se sont multipliés…

ÉCOLE ET HISTOIRE

Toujours dans la province du Cap-Occidental, se trouve la ville de Stellenbosch, fondée en 1679 par le même Simon van der Stel. Caractéristique du lieu : ses longues allées bordées de chênes vieux de plus de trois siècles, jadis plantés pour être transformés en tonneaux mais qui, face à la chaleur du climat, ont grandi tellement vite que leur bois s’est avéré beaucoup trop poreux. A la sortie de l’office dominical, les fidèles s’attardent sur le pas de l’église. La moitié des Sud-Africains vont encore à la messe – catholique ou protestante – toutes les semaines. Plus loin, c’est l’université de Stellenbosch qui attire notre attention. Notre guide nous en parle en connaissance de cause : il y a fait ses études de Français et de psychologie. Il se souvient de l’époque où les filles et les garçons étaient logés dans des internats distincts, chaque visiteur d’un autre sexe étant obligé de laisser la porte ouverte et d’avoir minimum un pied sur le sol pour éviter les  » accidents « . Jason Hartslief en profite pour évoquer la question, incontournable, des problèmes raciaux.  » Depuis que le parti de l’ANC (Congrès National Africain) est arrivé au pouvoir, il a instauré une discrimination positive pour les Noirs et négative pour les Blancs. Les hommes blancs sont vraiment devenus le dernier choix, assure-t-il. Les éternels dindons de la farce sont toutefois les mulâtres, pas assez blancs à l’époque de l’apartheid et pas assez noirs après…  » L’homme se remémore aussi cette période de l’histoire où des panneaux arboraient la mention  » slegs blankese  » – réservé aux Blancs.  » Quand j’étais gosse, le seul Noir de Bikini Beach, c’était le vendeur de glaces.  »

L’APRÈS-MANDELA

Les choses se sont évidemment beaucoup améliorées depuis 1994, l’année où ont été organisées les premières élections démocratiques et où Nelson Mandela a accédé à la présidence.  » Certes, au Cap, une partie de la population noire vit dans les townships et reste majoritairement pauvre. Mais la situation évolue mieux et plus vite que dans d’autres pays en voie de développement. Si les maisons sont petites, les quartiers d’habitation possèdent l’eau courante, l’électricité, des égouts et un système d’éclairage public. Les townships sont d’ailleurs confrontés à un problème assez nouveau qui crée des tensions : l’arrivée de nombreux réfugiés en provenance du reste de l’Afrique, pour qui Le Cap est un paradis…  »

Autres problèmes compliqués à résoudre et qui, pour le visiteur ébahi devant les rues colorées ou les paysages somptueux entourant la capitale, ne sautent pas aux yeux : le chômage (qui concerne la moitié des jeunes de 18 à 24 ans) et l’analphabétisme (30 % de la population).  » Là encore, l’époque de l’apartheid a laissé des traces : si on apprenait aux Noirs à lire et à écrire, la connaissance du calcul était considérée comme inutile. Le niveau de formation n’est pas très glorieux, il faut avouer. Et encore aujourd’hui, certaines histoires sont invraisemblables. Un exemple ? Lors de la Coupe du monde de football en 2010, toutes les écoles du pays ont fermé leurs portes pendant cinq semaines, ce afin d’éviter les embouteillages et de réquisitionner les bus scolaires pour transporter les supporters !  » Cela dit, le gouvernement continue à déployer des moyens pour remédier à tout cela. Le tourisme, même s’il constitue une source financière majeure, surtout au Cap, n’est pas sa seule préoccupation…

UNE PLAGE À MANCHOTS

Nous poursuivons notre voyage parmi les beautés de la ville la plus australe du continent africain. Plusieurs escales sont au programme, notamment pour apprécier le quartier de Bo-Kaap (classé site historique), Adderley Street (la rue commerçante), l’hôtel de ville (d’inspiration Renaissance), le château de Bonne-Espérance (résidence des premiers gouverneurs de la ville) ou encore le Victoria et Alfred Waterfront (dans le centre historique du port). Un véritable festin de styles, de lumières et de surprises architecturales. Quand on s’éloigne légèrement de l’agitation de la ville, notre regard se perd dans une végétation riche et luxuriante, toujours avec le bleu de l’eau en toile de fond. Notre guide commente :  » Les plantes sud-africaines contiennent tellement de tanins que l’eau des ruisseaux, c’est pratiquement du thé. Il faut aussi savoir que la flore du Cap n’occupe que 0,02 % de la surface terrestre, mais qu’elle est plus variée que celle de l’Amazonie ! Peut-être avez-vous déjà entendu parler de la protée – ou suikerbossie -, notre fleur nationale. Mais saviez-vous que les glaïeuls, les freesias, les marguerites, les lys et les iris sont également originaires du Cap, de même que tous les géraniums du monde ?  »

Au loin, c’est l’enchantement. Visible à plusieurs centaines de kilomètres, la Montagne de la Table arbore ce jour-là une soyeuse robe de nuages.  » C’est grâce au Kaapse dokter (le  » médecin du Cap « ) qui vient rafraîchir l’atmosphère des torrides journées d’été, explique Jason Hartslief. Il s’agit d’une variante beaucoup plus agréable du vent du sud-est qui, lui, peut rendre fou et même devenir passablement violent. Lorsqu’il se déchaîne à 60 km/h, mieux vaut éviter de sortir ou d’aller à la plage, car vous risqueriez d’être littéralement sablé par ses rafales !  » Quittant des yeux ce tableau magnifique, nous rejoignons un parc naturel situé à dix minutes de voiture du Cap. On y croise quelques autruches et on observe quelques babouins. Sur la route du littoral, c’est Simon’s Town qui ponctue notre escapade : sur les rochers de Boulders Beach, vit une colonie de plus d’un million de manchots. Un spectacle qui vaut le détour, tout comme le panorama sur la péninsule de Hout Bay, ses bateaux de pêche, son soleil et ses plages étincelantes…

PAR GRIET SCHRAUWEN / PHOTOS : ERIC VALENNE

 » Glaïeuls, freesias, marguerites, lys et iris sont originaires du Cap, de même que tous les géraniums du monde ! « 

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