Patrie d’Andersen, cette île du Danemark fut d’abord habitée par les Vikings puis fréquentée par l’aristocratie. Châteaux, musées et églises rappellent ce riche passé.

Par la taille la Fionie est la deuxième île du Danemark. Entre le Jylland et la Sjaelland royale, elle déploie le charme de ses paysages champêtres parsemés des plus belles demeures qui se puissent trouver en ce royaume. Naguère enclavée entre deux bras de la Baltique – le Petit Belt et le Grand Belt – la Fionie est désormais reliée au continent et à la capitale par des ponts suspendus. Si l’on arrive de Copenhague, on emprunte celui du Grand Belt, l’un des plus longs d’Europe (1 200 F de péage). La première ville qui se présente est Nyborg, en bordure de mer. Le château fort médiéval qui la domine, bâti en 1175, est le théâtre de parodies de joutes guerrières à l’ancienne, avec oriflammes, preux chevaliers en armure et gentes dames, pour le plus grand bonheur des petits et des grands. De là, on peut reprendre la route vers le sud, en direction de Kværndrup. A 5 kilomètres de ce village se dresse le château d’Egeskov, datant de 1554 : c’est le plus bel ensemble Renaissance du Danemark. Construite en brique rouge, sa façade crénelée surplombe un parc et des jardins où l’on peut se perdre à loisir dans le plus vaste labyrinthe d’Europe. Grand collectionneur, le maître des lieux a créé un musée de la mécanique, rempli d’avions et d’automobiles de l’entre-deux-guerres.

Odense, la ville principale, est située au centre de l’île. On y chérit le souvenir du génial conteur Hans Christian Andersen, qui y naquit en 1805, dans le quartier alors le plus déshérité. On visite désormais sa modeste maison natale et son école, devenues lieux de pèlerinage. D’ailleurs, tout semble y avoir été organisé pour accueillir les enfants, ses premiers lecteurs. Comme ce petit théâtre où les bambins se déguisent afin d’y tenir un rôle dans  » Le Rossignol et l’empereur de Chine « .

Dehors, dans un parc magnifique, sa statue rappelle qu’il fut au moins aussi important que les anges tutélaires de la cité, saint Knud et saint Alban. Tous deux possèdent leur église. La première, érigée en cathédrale luthérienne depuis la Réforme (fin du XVIe siècle), abrite un superbe retable de 5 mètres de hauteur, réalisé à Lübeck en 1520. La seconde est demeurée catholique. Saint Alban est aussi célébré par les amateurs de la bière locale, une robuste blonde qui porte son nom. A quelques pas de là, l’église Saint-Jean est remarquable pour sa chaire extérieure, d’où le curé pouvait sermonner ses ouailles en temps de peste sans risquer d’être contaminé.

Odense, qui peut constituer une étape agréable au cours d’un périple danois, regorge de trésors culturels : le musée de l’Art fionien, avec sa collection de peintures symbolistes, et quelques belles toiles de Jens Juel (1745-1802) et de Vilhelm Hammershoi (1864-1916); l’ancienne filature Brandt et ses larges espaces consacrés à l’art contemporain, à la photographie et à l’histoire de l’imprimerie ainsi qu’une cinémathèque où l’on peut admirer les chefs-d’oeuvre danois, de Carl Th. Dreyer à Lars von Trier ; le Montergaarden, enfin, merveilleux musée de la vie danoise, avec ses maisons à colombage au crépi de différentes couleurs, selon le siècle de leur construction. Il faut aussi voir, dans un faubourg d’Odense, le Village fionien (Den Fynske Landsby), où l’on a reconstitué avec un réalisme touchant les conditions de la vie rurale du pays aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Les faibles distances séparant Odense de n’importe quel point de l’île permettent de séjourner en ville tout en choisissant chaque jour un itinéraire différent, que l’on peut effectuer à bicyclette – moyen de transport écologique très populaire au Danemark. D’ailleurs, le paysage faiblement vallonné permet de pédaler sans fatigue excessive. Et puis chaque ville, chaque village a fait en sorte de conserver intacts ses vieux quartiers, à l’abri de la circulation automobile. Après avoir accompli une boucle orientale, passant par Nyborg, Egeskov et quelques manoirs et châteaux de la bordure du sud, l’on peut choisir une autre boucle passant par l’ouest et le nord, en observant d’abord une halte dans la petite ville de Middelfart. L’excellente acoustique de son église (début du XIIIe siècle) en a fait un lieu de concerts très actif durant la saison estivale.

Mais c’est dans une clairière, près du village de Glavensdrup, que l’émotion étreint le visiteur, lorsque le soleil perce à travers les arbres. Là est enseveli l’un de ces navigateurs vikings, plus souvent habiles marchands que farouches guerriers, dont les tumulus qui abritent leurs sépultures parsèment le pays. A la pointe d’un ovale de pierres levées, évoquant les rameurs à leur poste dans un bateau, se tient un menhir couvert d’une longue inscription en runes, écrite, selon la légende, par sa propre femme, à la gloire du défunt. Glavensdrupstenen est l’un des plus beaux sites vikings de Scandinavie, d’autant plus préservé qu’il se trouve à l’écart des circuits touristiques.

Dans la même région, une promenade s’impose à travers les bâtiments traditionnels de la ferme de Gommerup. Là encore, tout a été savamment reconstitué, comme si les premiers occupants, fermiers et artisans, allaient revenir d’un moment à l’autre. Il arrive d’ailleurs que des comédiens en costume d’époque viennent y prendre leur place, afin de s’y livrer aux mêmes activités, dans un but éducatif. De là, on peut se rendre sur la péninsule de Hindsholm, pour admirer d’autres vestiges du néolithique, tels ces menhirs et ce tumulus près du hameau de Marhoj. Au sud de cette presqu’île, dans le village de Ladby, a été érigé un musée autour des restes d’un gros bateau viking. Après avoir navigué vers la fin du Xe siècle, il a servi de tombeau à son chef, entouré de ses chiens et de ses chevaux.

Il ne faut pas quitter la Fionie et ses paysages bucoliques sans avoir visité le domaine de celui qui les a peints avec un grand souci d’en traduire les teintes pastel sous la lumière de l’été, Johannes Larsen. Sa maison et son atelier, dans le village portuaire de Kerteminde – à 5 kilomètres à l’est de Ladby – rappellent ceux de Claude Monet à Giverny. Larsen a beaucoup peint les oiseaux marins, abondants dans les parages. Il s’est aussi attaché à une vision naturaliste de la vie nordique, dans des paysages de sable, de mer et de landes de bruyère, et dans de grands tableaux de nus entre soleil et eau. Sa famille et ses amis, peintres eux aussi, venaient souvent travailler en sa compagnie. Et c’est toute une école de peinture, analogue à celle de Pont-Aven, qui se déploya ainsi au début du XXe siècle, dans un lieu charmant.

Alain Dister

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