Le chanteur-écrivain inaugure notre nouveau concept d’interview : un sac à malice où les questions indiscrètes sont remplacées par des objets forcément parlants. Attention, surprise!

L’idée est toute simple : au lieu de poser les éternelles mêmes questions qui suscitent les éternelles mêmes réponses, pourquoi ne pas soumettre à la personnalité choisie un sac mystérieux où seraient cachés des objets qui, théoriquement, devraient la faire parler différemment? Des objets qui, par leur message caché et les souvenirs qu’ils titillent, devraient susciter idéalement des confidences inédites et des anecdotes nostalgiques.

Pour Weekend Le Vif/L’Express, Yves Simon a accepté d’être le cobaye de cette première expérience originale. L’auteur des mythiques chansons  » J’ai rêvé New York  » (1974),  » Diabolo menthe  » (1978) ou encore  » Amazoniaque  » (1981) et des célèbres romans  » Océans  » (1983),  » Le Voyageur magnifique  » ou encore  » La Dérive des sentiments  » (prix Médicis en 1991) a d’ailleurs trouvé le concept amusant. De tâtonnements en devinettes tactiles, il est donc parti à la découverte des objets placés sciemment à son attention avant d’évoquer, dès leur apparition soudaine, ses premières impressions par associations d’idées. Beau joueur, Yves Simon plonge donc, avec le sourire, la main dans le sac à malice, à la recherche d’une première surprise…

Cigare

 » Oh, ça commence bien! Quelle bonne idée! C’est très gentil de penser à ça. C’est un havane. Je ne vois pas la marque, donc je ne peux pas deviner ce que c’est exactement. J’imagine que c’est un cubain parce que j’adore les cigares cubains. J’ai deux marques de prédilection: le Partagas D4 et le Juan Lopez n°2. Mais là, j’ai du mal. ( Après avoir obtenu la réponse.) Un Epicure n°2? Ah, bravo! C’est vrai que j’en ai beaucoup fumé. Cela dépend des périodes. Il y a cependant une constante : tous ceux que j’aime ont le format qu’on appelle le Robusto. Pour moi, le cigare correspond à la détente. En fait, je fume très souvent en privé. Soit pendant l’écriture, soit dans un moment de pure détente. Mais bon, là, je vais quand même le fumer parce qu’on est plutôt bien, non ( sourire)? Le cigare correspond aussi à une intériorisation des choses. Il permet de réfléchir sur un travail en cours ou, tout simplement, sur l’actualité. C’est un outil de détente et de concentration. On pourrait même dire que c’est presque un outil de travail. Vous avez du feu? Ou alors, il y a peut-être des allumettes dans le sac ( rires)?  »

Taxi new-yorkais

 » New York! C’est bien d’avoir choisi le yellow cab avec les damiers. J’en ai parlé justement dans un article que j’ai écrit pour « Libération », peu après les attentats du 11 septembre. Parce que, pour moi, ce taxi jaune, c’est New York tout entier. Il y a des villes comme ça avec des détails qui évoquent l’ensemble. Evidemment, cela me fait penser à ma chanson « J’ai rêvé New York ». Mais cela me fait penser aussi aux attentats. Et donc, j’ai écrit un article dont le titre était : « Manhattan, 11 septembre 2001, le début de l’histoire ». L’une des idées que je défends, c’est que les Etats-Unis en général et New York en particulier ont été très longtemps un sanctuaire. Mais, depuis le 11 septembre, ce n’est plus le cas. Il n’y a plus un seul lieu au monde où l’on peut se réfugier si l’on veut se mettre à l’abri de quoi que ce soit. Et ça, c’est un vrai changement. « 

Extraterrestre

 » Alors ça, je ne vois pas! C’est un martien? Et je suis censé parler de quoi? D’astrophysique? Non, je ne vois pas! ( On lui souffle que dans son dernier roman, il fait un parallélisme étrange entre un bébé sur le point de naître et un extraterrestre.) Ah oui, d’accord! En fait, plusieurs femmes m’ont parlé de leur accouchement et en particulier d’un geste qui consiste à caresser le crâne du bébé lorsqu’il est en train de sortir. C’est un geste qui m’a vraiment frappé. J’ai aussi un ami qui a évoqué un jour la naissance de son enfant. Il me disait que, quand une femme accouche, c’est comme si elle était partie faire un tour dans une autre galaxie et qu’elle revenait avec un extraterrestre. Voilà! C’est donc un collage de confidences recueillies qui fait que j’ai évoqué cette dimension extraterrestre de l’enfant en train de naître.  »

Journal japonais

 » Un journal japonais! Quelle bonne idée! J’aime beaucoup le Japon parce que c’est à la fois la rencontre de la modernité et de la tradition. C’est un pays qui a de la politesse. J’aime beaucoup ça parce que la politesse déstresse. D’ailleurs, quand je reviens du Japon, je suis toujours extrêmement déstressé. Je trouve que c’est justement l’arrogance qu’il peut y avoir dans une ville comme Paris qui est très stressante. « 

?illet fané

 » Oh, je sens une fleur. Quelle jolie idée! C’est un oeillet. Pourquoi un oeillet? ( On l’invite à l’observer de plus près.) Il est un peu fané. Je ne vois pas ce que vous voulez me faire dire à ce sujet. ( Hésitations.) Ah, mais oui! J’ai écrit, en effet, « ?illet fané » dans mon recueil de nouvelles ( NDLR : « Un instant de bonheur » publié en 1997). Bravo! Mais il n’est pas blanc dans ma nouvelle. Il me semble qu’il est rouge, parce que la vieille femme dont je parle dans cette histoire a eu l’oreille arrachée par deux jeunes qui lui volent ses boucles d’oreilles. Et je pense que je fais la comparaison de l’oreille meurtrie avec un oeillet rouge. C’est un fait divers auquel j’ai assisté et qui m’a fait penser à ma mère parce qu’elle circule souvent seule à Paris dans le métro. A vrai dire, je pense qu’on ne rend jamais assez hommage à sa mère.  »

Propos recueillis par Frédéric Brébant Photos: Sven Everaert

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