En images: le 3e pont du Bosphore, nouvelle construction gigantesque d’Erdogan… made in Belgium

© Reuters

Près de 900 millions de dollars (798 millions d’euros), plus grande portée du monde, circulation ferroviaire et automobile: le troisième pont sur le Bosphore est un projet titanesque. Conçu par un duo franco-suisse – Jean-François Klein et Michel Virlogeux – il a été co-réalisé par les Suisses de T-Ingénierie et le bureau belge Greisch, qui a déjà à son palmarès le viaduc de Millau et les verrières de la Fondation Louis Vuitton à Paris notamment. Le bureau Greisch a ainsi travaillé sur la travée centrale du pont, qui franchit 1400 mètres sans appuis, et sur la résistance de l’ouvrage aux séismes et au vent, avec l’Université de Liège.

avec ce projet d’envergure, Erdogan entend laisser une nouvelle trace dans l’histoire de la Turquie moderne, marquée par les dates d’achèvement des deux premiers ponts du Bosphore (1973 et 1988). A l’image de sa dimension impressionnante, le pont a d’ailleurs hérité du nom du sultan Yavuz Selim, qui a conquis de larges pans du Moyen-Orient lors d’un règne de huit ans et reste une figure très respectée de nombreux Turcs.

Ces dernières années, le président turc, qui règne sur le pays depuis 2003, a multiplié les projets d’urbanisation très ambitieux, souvent menés tambour battant. Istanbul, dont il a été le maire, a ainsi vu l’inauguration en juillet de la mosquée pharaonique de Çamlica, l’un de ses grands travaux.

Mais la plupart des aménagements doivent surtout permettre de décongestionner la ville en reliant les rives européenne et asiatique de cette métropole de 18 millions d’habitants qui souffre de la pollution et d’embouteillages monstres.

« Tout le monde doit savoir que nous construisons l’avenir d’Istanbul en même temps que nous protégeons son histoire », affirme à l’AFP le ministre des Transports, Ahmet Arslan.

L’évènement offre également l’occasion d’un bref moment de gloire dans une Turquie toujours assommée un mois et demi après un putsch raté, qui a fait entrer ses chars dans le nord de la Syrie et a encore été secouée vendredi matin par un attentat mortel dans le sud-est attribué à la guérilla kurde.

L’architecture et les grands travaux comme vitrine politique

En 2015, Erdogan a ainsi relancé l’idée d’un canal parallèle au détroit du Bosphore, qui prévoit le percement d’une voie d’eau de 43 km de long entre la mer Noire au nord et la mer de Marmara au sud, dans la partie européenne de la plus grande ville de Turquie. Plus récemment, le gouvernement a annoncé pour 2020 un « mégaprojet » de tunnel sous le détroit du Bosphore, doté de trois niveaux et long de 6,5 km. « Depuis qu’il a été élu, Erdogan n’a jamais cessé d’avoir un oeil sur Istanbul, dont il a fait une véritable vitrine politique », explique à l’AFP Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble (France) et chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes.

Car ces constructions contribuent à renforcer la puissance du régime, au moment où le pays semble fragilisé par l’augmentation du nombre d’attentats sur son sol et le conflit avec les Kurdes.

Parmi les autres réalisations figurent des lignes ferroviaires à grande vitesse et l’ouverture de nouvelles centrales hydroélectriques et thermiques, dont nombre ont été menées sous la responsabilité du nouveau Premier ministre Binali Yildirim, fidèle allié d’Erdogan et ex-ministre des Transports. « A terme, tous ces grands projets dessinent une nouvelle Turquie dont Erdogan espère qu’elle le soutiendra », souligne M. Marcou.

Aéroport tentaculaire

S’ils font la part belle au parti islamo-conservateur au pouvoir AKP (Parti de la Justice et du développement), ces grands travaux d’aménagement ont également leurs détracteurs qui dénoncent des « projets fous » à la recherche effrénée de la grandeur et de rentabilité.

L’initiative la plus controversée reste la construction d’un troisième aéroport, qui doit s’achever en 2018 et permettra à terme d’accueillir 200 millions de passagers, ce qui en ferait l’un des plus grands du monde.

L’annonce a provoqué la colère des organisations écologistes, qui ont dénoncé « un massacre environnemental » dans une zone boisée située près du lac Terkos, l’un des six principaux réservoirs d’eau potable d’Istanbul. Mais la contestation dépasse parfois la frontière de l’urbanisme: en 2013, le projet d’aménagement de l’emblématique place Taksim, prévoyant la reconstruction d’une caserne ottomane en lieu et place du parc Gezi, avait provoqué une violente fronde antigouvernementale. « On voit que le régime a été ébranlé car depuis trois ans, il n’a pas touché au parc de Gezi », rappelle M. Marcou. « Indiscutablement, le gouvernement a été contraint de prendre en compte la résistance. »

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