Kimy Gringoire, créatrice de bijoux: « Dommage qu’aujourd’hui ce qui compte, ce n’est pas le design mais la star qui porte le bijou »
Depuis presque dix ans, Kimy Gringoire (40 ans) crée des bijoux sculptures lourds de symboles et empreints de sacré. D’abord sous son nom coréen, aujourd’hui sous sa version belge et pour Dinh Van. Avec l’artiste Adeline Halot, elle signe également une collection unique de bracelet, choker, boucles d’oreilles et sac en tissage de métal qui reflète la lumière «comme le soleil sur l’océan».
Etre maman
Avoir un enfant responsabilise. Quand on a un bébé, tout à coup, on est responsable d’un autre petit être humain. L’arrivée de Rio a tout changé pour moi. Ce n’est plus moi le bébé, c’est lui. Il est né le 23 novembre 2021. C’est la première fois de ma vie que je ressemble à quelqu’un. Avant, j’avais un problème de connexion, je flottais. Depuis toute petite, je cherchais mes racines. Et finalement, mes racines, elles sont dans mes bras.
Chercher
Certains cherchent des réponses toute leur vie. Je cherchais. Même le premier nom de ma marque le prouvait: je l’avais appelée Kim Mee Hye, mon nom coréen, mais il n’y avait rien d’assumé. Car quand je vais en Corée, j’ai un sentiment étrange, je ne me sens pas coréenne. On ne me traite d’ailleurs pas comme telle, je n’ai rien à voir avec ses habitants, à part peut-être physiquement… En réalité, ma première grande confrontation physique a eu lieu en Chine, je devais avoir 18 ans, j’y étais avec un de mes meilleurs amis. Sur la Place Tien An Men, devant la foule, devant tous ces cheveux noirs pareils aux miens, il m’a dit: «Donne-moi ta main, je vais te perdre.»
‘Dommage que ce qui compte, ce n’est pas le design mais la star qui porte le bijou.’
Métissage
Le monde a changé, le métissage est partout. Ce n’était pas le cas quand je suis arrivée en Belgique à 2 ans et demi. Ma mère, blanche avec des longs cheveux roux, venait me chercher à l’école et je devais expliquer que je ne lui ressemblais pas parce que j’étais adoptée, je ne savais même pas ce que c’était. A la maison, c’était confortable, entre les quatre murs, mais quand il fallait affronter cette différence, c’était violent. J’étais élève à l’Institut Saint-André à Bruxelles, on portait un uniforme, il n’y avait pas beaucoup d’étrangers dans cette école, ils étaient tous blancs et quasi blonds, j’étais la seule à avoir des cheveux noirs et des yeux bridés, la seule à être adoptée. Alors quand des stars ont commencé à adopter des enfants, cela a tout changé pour moi.
Déclic
Il y a des gens qui vous donnent un déclic. Je n’avais pas l’amour du bijou, je savais juste que j’avais envie de faire quelque chose de créatif. A Ibiza, j’ai rencontré le tatoueur Neil Ahern, il m’impressionnait, c’est une personnalité forte. Il m’a fait mon premier tattoo sur le bras gauche, une fine ligne, parce que «tout est en ligne chez toi» m’a-t-il dit. Il crée aussi des bijoux. Quand j’ai vu son chapelet avec une tête de mort et une prière bouddhiste en pendentif – celui que je porte –, cela m’est soudain apparu accessible… J’ai alors pensé que moi aussi je pouvais dessiner des bijoux et conceptualiser quelque chose.
Révélation
Certains pays vous révèlent à vous-même. J’ai vécu au Mexique trois ans, jusqu’en 2019, si je pouvais, je serais encore à Mexico City. J’y ai des amis qui prennent soin de leur âme sans en faire des patates. Ce pays m’a rendue plus douce, avec les autres et surtout avec moi. Je me suis rééduquée. J’ai vu de la gentillesse là-bas et du coup je suis devenue plus gentille avec moi-même. L’ouverture d’esprit y est grande, et ce n’est pas juste une mode… Frida Kahlo ne vient pas de là pour rien.
Design
Designer, c’est faire des formes. Créer quelque chose d’utile et de beau. Mais qui se marie à un environnement. Et pour le bijou, c’est le corps. Je trouve ceux de Jean Dinh Van très contemporains et punk à la fois – ses menottes, la serrure, ses bagues carrées, ce sont tout de même des pièces fortes. Dommage aujourd’hui qu’on réfléchisse plus en termes marketing, que ce qui compte, ce n’est pas le design mais la star qui porte le bijou. On ne pourrait pas parler autrement aux femmes?
Ancrage
La discipline de l’ancrage a du bon. J’ai longtemps été nomade. J’ai beaucoup bougé, trop et tout le temps. J’ai vécu à Londres, à Mexico, j’allais dormir chez une copine à New York pendant 4 mois… C’était ma façon de faire. Mais aujourd’hui, je ne peux pas bouger de Bruxelles – je ne bougerai pas, pour mon fils Rio qui y a son papa. Tant mieux. Il faut que les choses grandissent, lui par exemple, mais tout en fait.
@kimygringoire_jewelry
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