Pierres de taille, ou le surprenant essor de la joaillerie en pleine crise économique

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La joaillerie ne connait pas la crise - Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Malgré le contexte économique incertain, une chose est sûre : les pierres précieuses ont la cote, et en dépit du pouvoir d’achat en berne, le marché de la joaillerie est en plein essor.

C’est connu, en temps de crise, l’or est une valeur refuge. Et dans l’accalmie qui suit, il semblerait qu’il ait autant la cote, mais version joyaux plutôt que lingots. D’après le bureau d’étude Euromonitor International, le montant des ventes de joaillerie fine devrait ainsi atteindre plus de 47 milliards d’euros en 2024, soit 32 % de plus qu’avant le Covid.

En cause, la volonté des ultrariches de se faire plaisir après des années compliquées, décrypte une des analystes d’Euromonitor, Kauthar Jakoet. Pour une clientèle privilégiée, épargnée par la plupart des tracas et angoisses liés à la pandémie, l’un des effets les plus délétères de cette dernière a en effet été l’impossibilité de s’adonner aux joies du shopping physique. C’est ainsi que dans les mois ayant suivi le retour à « la vie normale », une frénésie d’achat s’est emparée du secteur du luxe, et de la joaillerie en particulier.

Valeur refuge

Et ce alors même qu’entre guerres et remous politiques, la situation actuelle est tout sauf stable. Mais justement, « durant les périodes de détresse économique, les consommateurs optent souvent pour des achats plus sûrs, comme les diamants. Leur valeur intrinsèque leur procure un sentiment de sécurité », décrypte Kris Ter-Ghazaryan, créatrice de la marque de bijoux en or et diamants Ouverture, qui pointe également que « ces dernières années, l’industrie de la joaillerie a déployé des efforts considérables en matière de marketing, ce qui a contribué à l’augmentation de la popularité des bijoux précieux ».

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Une popularité… éclatante : au printemps 2023, Richemont, auquel appartient Cartier, Van Cleef & Arpels et Buccellati, faisait ainsi état d’une hausse des ventes « record », avec 19 % de croissance en un an.

Des pierres pour toute occasion

Autre facteur : une libéralisation de l’approche. Comprendre : là où, jadis, l’acquisition d’une nouvelle pièce était le plus souvent liée au passage d’un cap important, entre fiançailles, mariage et naissance, désormais, on (enfin, ceux qui peuvent se le permettre) s’offre un joyau pour la simple raison qu’on a les yeux qui brillent de convoitise quand on le regarde.

Signe des temps : alors qu’il n’y a pas si longtemps encore, décembre représentait quasi 20 % du chiffre d’affaires annuel pour la joaillerie chez Maison De Greef, désormais, « les gens qui ont envie de se faire plaisir le font toute l’année et les ventes s’équilibrent sur douze mois plutôt que d’être concentrées sur un seul », explique Arnaud Wittmann, sixième génération de la plus ancienne horlogerie-joaillerie belge.

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Et quitte à ne plus se préoccuper du « quand », on ne s’embarrasse plus non plus du « comment ». Confiant assister à une demande de joaillerie en pleine croissance, l’intéressé souligne que celle-ci se marque particulièrement pour les pièces uniques. « Avant, la clientèle pensait plus ‘investissement’, et se dirigeait vers des bijoux assez conventionnels et « sûrs ». Désormais, elle fonctionne au coup de cœur, avec la volonté d’aller vers des créations plus spéciales, et une envie d’originalité. »

En vois-tu en voilà

Un appétit nourri par les maisons de couture, toujours plus nombreuses à croquer une part d’un marché qui n’en finit pas de croître. Ainsi, ces dernières années, Vuitton et Prada ont rejoint Chanel et Dior et proposent désormais aussi leur interprétation de la haute joaillerie. Là où de grands noms tels que Cartier et Tiffany & Co ont longtemps mobilisé le marché, désormais, les maisons de mode grignotent du terrain, et rapidement qui plus est, parce que les célébrités sont photographiées portant leurs bijoux aux défilés, ce qui leur offre une visibilité incroyable.

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Et contribue également à un autre changement de taille du secteur. « Si on ne voit pas le bijou, ça ne sert à rien, or pour qu’on le distingue bien sur un podium ou un tapis rouge, il faut une pièce spectaculaire », décrypte 
Arnaud Wittmann, pour qui la multiplication des pièces de joaillerie aux proportions extravagantes s’explique aussi par le marché qu’elles visent.

« Les marques de luxe ont le regard tourné vers l’Inde, où il y a une culture du bijou d’apparat et des parures extravagantes », explique encore le maître joaillier, qui constate plus de sobriété en Belgique.

Quand la joaillerie fait mâle

Chez nous, une autre tendance prédominante du secteur reste encore relativement timide par ailleurs : la joaillerie au masculin. « Nous ne sommes pas un pays très avant-gardiste », sourit celui pour qui les hommes ne représentent qu’une part infime de la clientèle belge. Une proportion appelée à changer en suivant l’exemple du marché ? En 2023, les ventes de bijoux pour hommes ont connu une croissance plus de deux fois plus grande que ceux pour femmes.

En tête de ligne, des marques dégenrées telles que Spinelli Kilcollin (la maquilleuse star Violette est fan), Cartier (Timothée Chalamet ne jure que par leurs bagues vintage) ou encore Shaun Leane, dont les pièces, exposées dans moult musées, peuvent être à vous moyennant quelques milliers d’euros. Signe des temps : Accendimi, la dernière collection du joaillier Pasquale Bruni, est revendiquée unisexe.

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Et voyez-vous donc, là aussi, la couture prend le pli : Louis Vuitton a ainsi entamé 2024 avec un joli coup d’éclat et le lancement de sa première collection de haute joaillerie destinée principalement aux hommes… Et que ça brille !

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