Dans les coulisses des créateurs de mode : visite de l’atelier de Leonneke Derksen pour Léo (3/3)
Entrer dans l’atelier d’une créatrice de mode, c’est un peu pénétrer dans son intimité. Visite privée chez Leonneke Derksen, la créatrice derrière la marque Léo, à Anvers.
Elle a toujours travaillé chez elle, sans jamais délimiter de frontière entre sa vie intime et son boulot de créatrice, dès ses débuts en 2016 dans son studio parisien, puis dans son living à Forest. Elle est pour la réunion collé serré de Léo et de Leonneke Derksen. Elle a donc choisi de vivre et travailler dans cet appartement, Peter Benoîtstraat, Anvers – l’amour y est aussi pour quelque chose. La créatrice néerlandaise vient d’y emménager, les cartons ne sont pas encore tous vidés mais l’essentiel est bien là, dans ce 250 mètres carrés qui lui ressemble, aux murs ornés de rota et de liège, ça l’amuse.
Garder une part d’humanité
«Tout ce qui est bizarre me plaît, il y a ici des éléments de différentes époques, la cuisine est clairement années 90, le living 70, avec des petites touches qui datent d’avant encore, l’entrée en bas donne l’impression qu’on entre dans le château de La Belle et la Bête, il y a un couloir à la Twin Peaks et une antichambre comme un petit bar à chicha… Ce mix & match correspond vraiment bien à ce que l’on fait avec Léo.» Le «on» recouvre sa petite équipe, elles sont quatre, sans compter les stagiaires «qui ne font pas de café ni de photocopies», souligne-t-elle.
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«Je veux pouvoir les accompagner et qu’elles puissent apprendre énormément.» C’est qu’elle avait vu tout ce qu’il ne fallait pas faire quand elle s’est frottée à l’industrie de la mode après avoir étudié à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. «Je me disais: «Ne peut-on mettre sur pied une maison honnête, qui conserve sa part d’humanité, respecte les gens et soit absolument sustainable?».» Dans le fond, elle a toujours rêvé de créer, de s’entourer d’une team et de sauver la planète.
Son printemps-été 23, elle l’a appelé Persona, elle questionne ainsi le narcissisme de l’époque, les paradoxes des réseaux sociaux, la tentation de s’inventer des avatars de soi en version upgradée et comment on s’arrange pour rassembler ces personnalités multiples. «La collection est donc un peu schizophrène dans les pièces, on peut dézipper certaines parties et le vêtement devient ainsi autre chose, que l’on peut porter différemment.» Tout cela sort évidemment de l’ordinaire, «on ne peut pas porter du Léo et se fondre avec le papier peint», rit-elle avec fraîcheur.
Léonardo et autres bizzareries
Sa nostalgie revendiquée, elle l’a punaisée au mur, avec humour, son poster préféré a la tête de Leonardo DiCaprio, belle référence des années 90 et 2000 qui électrifient son label et ses influences. Elle a posé çà et là «des objets drôles parce que tellement banals», une «table de nuit bootleg» résultat d’une collaboration improbable avec l’artiste Pitter Patter, une boîte qui renferme des petits papiers avec toutes les phrases bizarres que les unes et les autres ont un jour prononcées, du genre «When does my intershit end?», des jeux de mots, des contractions du langage qu’elle aime plus que tout, elle qui glisse du néerlandais au français ou à l’anglais comme on ferait un pas de deux.
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«L’espace dans lequel on travaille définit beaucoup ce qui va arriver, pressent-elle. J’ai parfois un peu peur de ne pas parvenir à créer ou que ce soit trop différent ou trop ajusté à cet endroit qui ne serait peut-être pas assez Léo…» Mais elle s’ébroue, prend ses doutes à bras-le-corps et reconnaît que «c’est ça aussi qui est intéressant: peu importe la direction, cela restera tout de même Léo».
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