Le retour de la fourrure et des éloges pour les Belges: les Fashion Weeks de Paris et Milan en 8 temps forts

Un nouveau chapitre s’ouvre dans l’univers de la mode. Voici les points marquants – et quelques couacs – des semaines de la mode de Milan et Paris automne-hiver 2025.
1. Non: la panique s’empare du monde de la mode
Une fois de plus, les semaines de la mode ont été marquées par une atmosphère de panique et de désarroi, alimentée par des chiffres de vente en berne. Jamais la valse des créateurs et des PDG n’a été aussi frénétique. Il y a des pertes. Des designers sont évincés, des maisons tentent un virage stratégique sans réelle vision. Parfois, on fait semblant que tout continue comme avant. Pourtant, il est évident qu’un nouveau cycle s’amorce dans la mode. Ces dernières semaines, Lanvin, Calvin Klein, Givenchy, Tom Ford et Dries Van Noten ont tous présenté leurs nouveaux directeurs artistiques.
Mais ailleurs, le chaos et l’incertitude règnent encore. À Londres, Daniel Lee a dévoilé une excellente collection pour Burberry, même si des rumeurs suggèrent qu’il s’agirait de sa dernière en tant que directeur artistique du label britannique. À Milan, Donatella Versace pourrait quitter la maison portant son nom, Lucie et Luke Meier ont fait leurs adieux à Jil Sander (ils seront remplacés par le très apprécié Simone Bellotti, qui signait donc sa dernière collection pour Bally, ndlr.), et Fendi a célébré son centième anniversaire dans une relative euphorie, bien que la marque semble en manque de direction créative depuis le départ de Kim Jones l’an dernier. Gucci, de son côté, a puisé dans ses archives pour proposer une collection certes fidèle à son ADN, mais qui n’a pas totalement convaincu.
À Paris, le show Dior s’est déroulé sous une tension feutrée : tout le monde savait que Maria Grazia Chiuri céderait bientôt sa place à Jonathan Anderson, mais chacun faisait comme si de rien n’était. Chez Chanel, l’équipe de création a présenté sa dernière collection prêt-à-porter, en attendant les débuts de Matthieu Blazy pour la maison française en septembre.
2. Oui: les débuts chez Dries Van Noten
Un vent nouveau a cependant soufflé ici et là. Chez Dries Van Noten, le Bruxellois Julian Klausner a fait ses premiers pas en tant que directeur artistique. Retrouvez notre reportage et interview ici.
3. Oui: une vague belge en effervescence
L’avenir de la mode belge semble assuré. Il y avait bien longtemps que la presse internationale ne s’était pas montrée aussi enthousiaste à l’égard des créateurs belges durant la fashion week. Glenn Martens, qui prendra bientôt la tête de Maison Margiela, a présenté à Milan sa plus belle collection Diesel à ce jour. Pieter Mulier, lui, a accueilli ses invités dans les nouveaux ateliers de Maison Alaïa à Paris. Sa collection, intitulée Liefde – en néerlandais –, s’inspirait du travail du sculpteur Mark Manders, basé à Renaix.
Toujours à Paris, Julie Kegels, Marie Adam-Leenaerdt et Meryll Rogge ont même été baptisées la « Trinité belge » – un clin d’œil aux Six d’Anvers. Adam-Leenaerdt a présenté sa cinquième collection, plus affirmée que jamais, tandis que Julie Kegels dévoilait sa troisième ligne dans un théâtre art déco signé Auguste Perret. Sa collection regorgeait de références au mobilier, avec des imprimés bois et des boutons façon Chesterfield. Meryll Rogge, pour sa part, a célébré les cinq ans de sa marque avec un premier défilé officiel, une collection inspirée par le papier peint et l’artiste Gordon Matta-Clark.
On notera également les débuts de Bernadette sur le podium, ainsi qu’une présentation plus discrète de Christian Wijnants dans la salle rénovée du cinéma Pathé Palace. Enfin, la réapparition émouvante de Véronique Leroy a marqué les esprits. Bien qu’elle n’ait jamais cessé de créer, elle s’était faite plus discrète ces dernières années. Hier, elle était de retour sur le calendrier, entre Chanel et Saint Laurent. Une place qu’elle mérite amplement.
4. Hmmm: la glamour glaciale de Tom Ford
Haider Ackermann pourra-t-il redonner un second souffle à Tom Ford ? Le créateur américain cartonne avec ses parfums et, dans une moindre mesure, avec ses costumes masculins. Mais sa mode féminine ne s’est jamais vraiment imposée. Son départ a d’ailleurs été suivi d’un feuilleton chaotique : Peter Hawkings, qui fut son bras droit pendant des années, a été remercié après seulement deux saisons, apparemment pour avoir tenu des propos critiques sur Ford.
Ackermann a joué sur ses points forts – sa palette de couleurs est immédiatement reconnaissable –, mais a troqué le romantisme qui caractérisait sa propre marque pour une esthétique plus dure. La photo finale du défilé, largement relayée, montrait hommes et femmes en tailleurs stricts inspirés des années 1980. Une image qui, curieusement, évoquait le DOGE Army d’Elon Musk, ce mouvement prônant des coupes budgétaires drastiques aux États-Unis. Ce n’était sans doute pas l’intention initiale… La presse belge n’était pas conviée au show, donc qui sait ?
5. Oui: du jaune canari pour égayer l’hiver
La collection la plus attendue cette saison était sans doute celle de Sarah Burton, ex-McQueen, chez Givenchy. La maison de couture navigue sans cap clair depuis plusieurs années. Burton, comme Clare Waight Keller avant elle, a puisé dans les premières années d’Hubert de Givenchy. Lors de la récente rénovation de son premier atelier, des ouvriers ont retrouvé derrière un mur scellé plusieurs sacs contenant les patrons de sa collection inaugurale de 1951.
Burton les a utilisés comme point de départ. Le résultat ? Une collection élégante, dominée par le noir et le blanc, avec quelques touches de jaune canari éclatant. Chez Alexander McQueen, Burton avait percé lorsqu’elle avait dessiné la robe de mariée de Kate Middleton. Ici, la robe blanche de la finale semblait annoncer sa première collection haute couture, prévue pour l’an prochain.
6. Hmmm: les toilettes publiques de Valentino
Certains designers ont joué la carte du buzz facile. Alessandro Michele a présenté sa collection Valentino dans une réplique artistique de toilettes publiques peintes en rouge Valentino. Son obsession pour l’esthétique bohème du film Grey Gardens reste touchante, mais il serait peut-être temps de passer à autre chose. D’ailleurs, il avait déjà utilisé ce décor pour une campagne Gucci.
Du beau monde s’était déplacé pour le premier défilé du duo canadien Matières Fécales — Rick Owens et sa femme Michèle Lamy, Chappell Roan —, une collection qui s’est révélée bien moins « merdique » que le nom de leur label ne le laissait entendre.
De son côté, Duran Lantink a orchestré son défilé autour d’un open space peuplé de secrétaires chantant de l’opéra. Parmi les mannequins, on trouvait une femme portant un torse masculin en caoutchouc, un homme avec des seins en silicone, et au moins un modèle dont les fesses étaient laissées à découvert. Selon les rumeurs, il serait en lice pour devenir le nouveau directeur artistique de Jean Paul Gaultier.
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7. Non: fourrure, minceur extrême et cosplay
La mode reflète souvent les tendances sociétales. Actuellement, elle semble marquée par une insécurité généralisée et la montée des régimes autoritaires, notamment aux États-Unis. Devient-elle plus conservatrice ? En apparence, oui. Les chiffres définitifs ne sont pas encore connus, mais les défilés semblaient moins diversifiés, avec une omniprésence de mannequins ultra-minces.
La fourrure était partout – qu’elle soit vraie ou fausse. Quant à la durabilité, elle a été à peine évoquée, surtout chez les grandes maisons. Enfin, la mode cosplay vue chez Valentino, Saint Laurent et Tom Ford paraît bien fatigante. Le XXe siècle est derrière nous, donnons-nous quelque chose de nouveau.
8. Oui: l’éloge de la simplicité
Balenciaga a envoyé une invitation sous forme de rose rouge avec un discret message au dos : « The standard flower. The baseline. The red rose is universal — used for everything, everywhere, always. » (La rose rouge est universelle – utilisée partout, toujours.) La collection était tout aussi épurée : un vestiaire essentiel signé Demna, comme un best of de son style.
Que la mode ne doive pas toujours être grandiloquente ou spectaculaire, c’est aussi ce qu’a rappelé Rei Kawakubo de Comme des Garçons, qui a conclu sobrement : Le grand n’est pas toujours meilleur. Le petit peut être puissant. Une vérité incontestable.
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