Good bye sneakers: le mocassin cartonne (aussi) chez les hommes
Ringards, chaussures de droite? Plus maintenant. En quête d’une nouvelle élégance, des hommes qui ont grandi en baskets enfilent des mocassins, qu’ils soient plus mode ou classiques mais portés de façon décalée.
« Il y a un engouement pour le mocassin et on a été en rupture dès le mois de septembre. C’est une chaussure qui marche toute l’année, avec tous les looks, fonctionnelle et versatile », témoigne à l’AFP Graziella Dubief, responsable des achats chaussures des Galeries Lafayette à Paris.
Pierre Hardy, créateur de chaussures chez Hermès et pour sa propre marque, note également « une hausse perceptible » de la demande pour les deux maisons, « depuis cette saison et dans les achats pour l’été ». Après les confinements, « il y a eu une lassitude du cosy à tout prix. On a la permission de sortir et on veut des choses plus élégantes, plus chic », explique-t-il à l’AFP.
A Londres, le constat est le même. « Il y a de moins en moins de sneakers sur les podiums » et « on observe clairement un passage des sneakers à la mode à des chaussures plus formelles » chez les clients, commente Thom Scherdel, acheteur pour le magasin Browns. « On est arrivé à une surenchère de sneakers », relève Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po, citant le couturier Paul Poiret: « Tout excès en termes de mode est signe de la fin ».
Chaussure « adulte »
« A chaque mode, il y a un effet boomerang », souligne auprès de l’AFP Olivier Saillard, historien de la mode et directeur artistique de J.M. Weston, fabriquant français de mocassins de luxe. Les baskets, « qui étaient de toutes les situations, de tous les âges, ont mis dans l’ombre des chaussures qui donnaient du socle à l’homme ».
Le styliste star trentenaire Jacquemus a ainsi porté des mocassins noirs, de même que ses mannequins hommes, lors d’un défilé en décembre, malgré sa collaboration très remarquée pour les sneakers avec Nike. Devant son dressing à chaussures à Montmartre, Romain Costa, architecte de 32 ans, a l’embarras de choix: mocassins noirs à semelle épaisse, funky et colorés en cuir ou en daim, à glands… Avec son jean ample et son pull noir aux volumes architecturaux, il passe une paire tricolore avant d’enfourcher son vélo.
Il associe les sneakers à des moments de son adolescence quand il faisait du skateboard et ne les porte que très rarement pour « casser une tenue très chic ». « Cela me plaît d’avoir des chaussures d’adulte. Dans mon métier, cela rassure », dit-il en ajoutant qu’elles « vieillissent mieux » que les baskets.
Pour Olivier Saillard, les jeunes qui achètent des Weston recherchent aussi une « valeur »: la maison est l’une des rares à continuer à tout produire en France, dans sa manufacture à Limoges, qui s’engage à les restaurer à vie.
« Dandy coincé »
Il a fait introduire chez Weston un mocassin triple semelle « plus rock » ou un modèle 4/4 d’inspiration « workwear ». Mais c’est le mocassin classique, datant de 1946 et baptisé « 180 », du nombre des prises en main pour le réaliser, qui se vend le mieux. En noir. « On peut être à la mode avec un mocassin classique, il suffit de le porter avec un pantalon un peu plus large, un jean, un bleu de travail », assure-t-il.
Autre astuce pour faire grimper le quotient mode: des chaussettes qui « n’ont rien à voir », blanches avec des mocassins noirs ou grosses et texturées… Ou un jogging pour les plus audacieux. Malgré tout, les avis restent mitigés, certains trouvant que cette chaussure traîne encore une image conservatrice.
Ravi du retour de la chaussure de son adolescence qui évoque pour lui « hype », « new wave », voire la rébellion symbolisée par les Beatles ou Michael Jackson, Pierre Hardy concède lui aussi que ce n’est pas le soulier le plus sexy. « Il n’y a jamais de mocassins à un défilé Hermès », où il travaille depuis plus de 30 ans aux côtés de la styliste Véronique Nichanian pour la silhouette d’un homme « séduisant ». A un moment, « c’était vraiment la chaussure BCBG, de droite, réac », qui renvoie inconsciemment à l’image du « dandy coincé », contrairement à la basket qui « porte un message corporel: un mec qui bouge, qui fait du sport, qui n’a pas peur de porter du blanc en hiver ».
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