Les gens de la mode nous dévoilent leur tee-shirt à message préféré

Sept personnalités de la mode, vivant à Paris, à Londres, à L.A. ou à New York, ont accepté de se prendre en photo avec leur tee-shirt favori. Elles expliquent leur passion pour ce basique sur lequel s’impriment leurs convictions.

Opening Ceremony lançait, en janvier dernier, une collection baptisée  » Action  » : des sweats et tee-shirts sur lesquels étaient imprimés les mots  » Fight « ,  » Protest  » ou  » Change  » en lettres capitales. S’il est difficile de lui reprocher de célébrer la différence et l’espoir, le label américain a fait les frais d’un mauvais timing. La collection était proposée le jour où Donald Trump signait le décret sur l’immigration. Dans l’e-mail de lancement figurait un appel au  » rassemblement  » face à l’incertitude ambiante, suivi d’un lien vers la boutique en ligne. Les réactions sur les réseaux sociaux ne se sont pas fait attendre, reprochant à la marque son opportunisme. Elle a corrigé le tir, annonçant qu’elle reverserait le bénéfice des ventes à l’Union américaine pour les libertés civiles (Aclu). C’est pourtant le rôle de la mode de refléter le monde où nous vivons. Support idéal de l’expression individuelle, le tee-shirt militant ressort des placards chaque fois que la démocratie est fragilisée. D’autant que son message, repris sur les réseaux sociaux, a plus d’impact que n’importe quel discours politique : sur Facebook, plus de 80 % des vidéos sont visionnées sans le son. Lors de la grande marche des femmes, le 21 janvier dernier, les exemples féministes se multipliaient, de Washington à New York, de Madonna ( » Feminism is the Radical Notion That Women Are People « , empruntée à l’écrivaine Marie Shears) à Rihanna ( » This Pussy Grabs Back « ) devant la Trump Tower. Car le tee-shirt est bien la pièce de mode la plus universelle, celle dont chacun peut s’emparer pour ses messages les plus passionnés, qu’il s’agisse d’un coûteux modèle de marque ou d’un bout de coton bricolé à la maison. Du côté des podiums, les créateurs ont tous quelque chose à dire. Julien Dossena (directeur artistique de Paco Rabanne) s’associe à Peter Saville pour lancer une collection capsule de pièces imprimées du slogan  » FutureSex « , Haider Ackermann exige le  » silence « , Maria Grazia Chiuri appelle au féminisme dans sa première collection pour Dior – son tee-shirt  » We Should All Be Feminists  » fut le plus instagrammé de la Fashion Week. Enfin, chez Sacai, Chitose Abe détourne la phrase de Joe Strummer  » Passion is a Fashion  » en  » Fashion is a Passion « . A chacun sa typographie.

Ashish Gupta – Créateur d’Ashish

« Fier d’être étranger »

ASHISH GUPTA
ASHISH GUPTA© ASHISH GUPTA

 » J’ai créé ce tee-shirt « Immigrant » en réaction au contexte politique. J’étais très contrarié après le Brexit : pour la première fois en vingt ans, je me suis demandé si j’étais le bienvenu dans ce pays que je considérais comme le mien. J’étais triste de voir comment les politiciens utilisaient l’immigration pour attiser la haine. Alors j’ai voulu dire : oui, je suis un immigrant. Je dirige une entreprise. Je paie des impôts. Je crée des emplois. Je participe à la culture et à l’économie. Je suis différent, pourtant je suis comme vous. Il faut reprendre possession de ce mot ; être fiers de notre héritage. Aucune ville ne peut se dire moderne, progressiste ou libérale si elle n’est pas multiculturelle. Le tee-shirt a cette simplicité et cette honnêteté qui permettent de dire beaucoup. Enfin, il s’adapte à toutes les situations, par le tissu, la couleur ou la coupe. Je pense souvent qu’une robe du soir doit être aussi facile à vivre qu’un tee-shirt, et qu’un tee-shirt doit sembler aussi extraordinaire qu’une robe du soir…  »

Maria Grazia Chiuri – Directrice artistique des collections féminines de Dior

Le féminisme en tête

MARIA GRAZIA CHIURI
MARIA GRAZIA CHIURI© FRANCESCA VALIANI/SDP

 » Ce tee-shirt est le manifeste de la première collection que j’ai dessinée pour la maison Dior. J’ai été très marquée par la lecture de We Should All Be Feminists, l’essai de Chimamanda Ngozi Adichie, auteure nigériane vivant aux Etats-Unis. J’ai voulu m’approprier ce message parce que je partage totalement cette nouvelle acception du féminisme : toujours révolté et dynamique, mais assez sûr de lui et libéré des préjugés pour ne jamais devoir se justifier de rien. Voir des artistes comme Jennifer Lawrence, Natalie Portman ou Rihanna porter ce haut m’a fait comprendre combien il était important pour les femmes de faire avancer leurs combats, parfois à travers des moyens très simples comme, justement, peut l’être un tee-shirt blanc. Par son caractère essentiel, il a un potentiel extraordinaire. Dans sa version la plus simple, ce « T » en coton blanc est une table rase, un territoire neutre attendant d’être conquis. Porté aussi bien par les hommes, les femmes, les riches, les pauvres, les vieux ou les enfants, il ne fait aucune distinction. Dans l’ambiance frénétique des grandes villes, il est la continuité de la chemise blanche. C’est l’autre vêtement basique par excellence, dont la pureté des formes touche à la perfection.  »

Nicola Formichetti – Créateur de mode et styliste, directeur artistique de Diesel

NICOLA FORMICHETTI
NICOLA FORMICHETTI© NICOLA FORMICHETTI

La mode contre la haine

 » J’ai tellement de tee-shirts !

C’est pour moi un basique, une pièce qui va avec tout, que vous pouvez rendre chic ou plus décontracté.

J’adore, par exemple, les modèles à slogan de Katharine Hamnett.

Le tee-shirt que j’ai sur la photo vient de la dernière campagne de Diesel, Make Love Not Walls. C’est important pour moi : avec Diesel, nous avons une position ferme contre la haine.

Plus que jamais, nous voulons que le monde sache que l’amour et la cohésion, le vivre-ensemble, sont essentiels pour créer la société dans laquelle nous souhaitons vivre, et construire le futur que nous méritons.  »

Vanessa Seward – Créatrice de mode

VANESSA SEWARD
VANESSA SEWARD© VANESSA SEWARD

La tolérance au coeur

 » Le tee-shirt est un basique : il permet de casser une tenue trop chic, il se porte avec une jupe brodée, ou il se fait neutre, avec un jeans. Je me rappelle des tee-shirts découpés de Joe Strummer, de ceux de Blondie ou de Farrah Fawcett dans Drôles de dames…

Le modèle que je porte sur la photo affiche un proverbe très connu en Argentine, « Cada loco con su tema », que l’on pourrait traduire par « A chacun sa folie ». C’est une phrase que je dis presque une fois par jour, elle exprime une idée de tolérance.

Le modèle provient de ma collection printemps-été 2017 : j’avais commencé avec le tee-shirt « Une femme française », comme un hommage au chic tricolore. Nous avons longuement étudié les proportions et fait beaucoup d’essayages avant d’arriver à ce résultat. Beaucoup de mes amies l’ont acheté, aussi nous avons gardé la coupe, qui a toujours beaucoup de succès.  »

Pamela Anderson – Actrice et icône activiste de la cause animale

PAMELA ANDERSON
PAMELA ANDERSON© PAMELA ANDERSON

L’engagement au quotidien

 » Vivienne Westwood, dont je porte un tee-shirt sur la photo, m’a appris que chaque jour est une opportunité qu’il faut saisir.

Que je ne peux pas me résoudre au silence.

Je dois être déterminée et travailler plus dur, pour jouer mon rôle dans ce monde.  »

Loïc Pringent – Journaliste et réalisateur, auteur de « J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste » (Grasset)

Lu et entendu

LOÏC PRIGENT
LOÏC PRIGENT© LOÏC PRIGENT

 » On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ; en revanche, on peut porter des tee-shirts partout et avec n’importe qui. Je me méfie beaucoup des tee-shirts avec un galon de couleur, avec une encolure trop large ou un col V, des tee-shirts en coton trop léger, avec des manches rigides comme du carton ou un logo de marque de slip, des tee-shirts turquoise ou jaune, des tee-shirts avec une faucille et un marteau portés en dehors de tout contexte, des tee-shirts promo de films sortis il y a moins de vingt ans. Un tee-shirt blanc, un tee-shirt noir, un tee-shirt bleu marine : il est tellement difficile de trouver celui qui convient. Le tee-shirt que je porte a été créé à l’occasion de ma collaboration avec Le Bon Marché Rive Gauche. Pendant quelques jours, j’ai laissé traîner mes oreilles dans le grand magasin, à Paris. Ce tee-shirt fait partie d’une installation d’objets blancs imprimés des meilleurs mots des visiteurs. Comment rester chic en tee-shirt ? Mais qui veut être chic en tee-shirt ? Qui veut être chic ? Quel enfer, le chic !  »

Son installation Entendu au Bon Marché est présentée dans l’enseigne parisienne jusqu’au 2 avril prochain.

Olympia Le-Tan – Créatrice, elle lance une nouvelle collection en collaboration avec Uniqlo, « Minnie Mouse love dots »

Seconde peau

OLYMPIA LE-TAN
OLYMPIA LE-TAN© OLYMPIA LE-TAN

 » J’ai acheté ce modèle chez Richardson, à Los Angeles. Les bénéfices des ventes vont à l’Union américaine pour les libertés civiles (Aclu). J’étais là-bas le jour de l’inauguration de Donald Trump ; il me fallait donc absolument cette pièce… Enfant, j’ai un souvenir d’un modèle My Melody, qui m’avait été rapporté des Etats-Unis. Je l’adorais : je portais beaucoup de robes à l’époque, aussi un tee-shirt était vraiment quelque chose de spécial. Aujourd’hui, j’en mets beaucoup, avec une jupe noire Alaïa et une jolie veste. C’est confortable, doux, un peu comme une seconde peau. Ils sont parfois drôles, parfois choquants, parfois ridicules. Mais surtout, ils sont souvent cachés sous un pull…  »

PAR KARINE PORRET

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