© Aaron Lapeirre

Mère et filles derrière la marque Caroline Biss: « Dès que nous passons la porte de l’entreprise, nous ne parlons plus de travail »

Leur nom de famille ne vous dira rien, mais de nombreuses filles suivent les traces de l’entreprise de mode prospère de leur maman. Ann-Christine Bouckaert et ses filles Margot et Mathilde Saelen dirigent ensemble l’équipe de création de Caroline Biss

Margot (32 ans): « Avec ma sœur, nous travaillons littéralement sous les ailes de notre mère. Ensemble, nous sommes responsables du produit, de A à Z. Elle tire toujours les ficelles, mais nous délègue de plus en plus de tâches. Par exemple, nous avons remanié le site Internet, la boutique en ligne et les médias sociaux. Et un vent plus jeune et plus branché souffle dans les collections grâce à nous.

Nous introduisons davantage de tendances, mais non sans les avoir « carolinisées » d’abord. Nous en faisons notre propre version. Nous proposons un bomber cropped, par exemple. Il est fait sur mesure pour nos clients, donc pas trop court et dans un tissu chic. Les shootings sont aussi plus modernes : avec des modèles plus diversifiés et des poses plus dynamiques.

Rejoindre l‘entreprise n’a jamais été une obligation. Mais pour moi, c‘était une occasion unique que je ne voulais pas manquer. J‘ai commencé immédiatement après mes études, il y a dix ans. Les quatre premières années, j’ai occupé tous les postes de l’entreprise : la meilleure expérience que l‘on puisse imaginer. Même si cela n’a pas été facile : être la « fille de » est souvent mal vu. Notre mère nous a prévenues : réfléchissez cinq fois avant de parler. La plupart des gens travaillent ici depuis vingt ans. Ils voient toujours en moi la « petite Margot ». Mais j’ai bien grandi depuis. »

Mathilde (27 ans): « Dès que nous passons la porte de l’entreprise, nous ne parlons plus de travail. Notre père est très strict à ce sujet. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens: au boulot, nous discutons rarement de sujets privés. Nous travaillons ensemble tous les jours, mais les moments mère-fille et les discussions entre sœurs sont réservés aux week-ends.

Ma sœur et moi avons toutes deux choisi d’étudier l’économie, et non la mode. Parce qu’une entreprise a besoin d’une bonne gestion. Nous avons appris à connaître les produits sur le tas. L’un de mes premiers projets au sein de l‘entreprise a été de créer une boutique en ligne. Pour mes parents, c’était le test parfait pour voir si je pouvais le mener à bien sans avoir à supporter des coûts extrêmes. Margot et moi apportons de la fraîcheur et du culot à l’entreprise, mais nous bénéficions également des années d‘expérience de nos collègues. C’est un bon mélange.

Il reste cependant un grand défi à relever pour notre génération : nos parents ont assuré le succès de l‘entreprise en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Nous devons maintenant chercher un nouveau marché pour continuer à nous développer. »

Ann-Christine, 59 ans: « Nous sommes une entreprise féminine. Nous travaillons à partir des femmes, pour les femmes et avec les femmes. Sur les 600 employés, à peine 50 sont des hommes. Il ne s‘agit pas d‘une stratégie délibérée, mais d’une évolution naturelle. J’ai succédé à ma mère. Et elle, à ma grand-mère. Et ce sont aussi mes deux filles qui sont entrées dans l‘entreprise.

J‘ai quatre enfants. Bien sûr, j‘espérais qu’il y aurait un successeur parmi eux. Vendre l’entreprise était une affaire émotionnelle. Mais je ne les ai jamais poussés. Si vous forcez quelqu‘un à occuper un poste, vous le rendez malheureux et il risque de ne pas faire son travail correctement. Le travail que je fais aujourd’hui avec Margot et Mathilde, je l’ai fait seule pendant des années. Maintenant que nous nous répartissons les tâches, tout reçoit plus d‘attention.

Ce n‘est qu’aujourd’hui que je découvre à quel point il est agréable de pouvoir se concerter. Je prends régulièrement une semaine de vacances. Je pense que c‘est une formation idéale pour elles: elles doivent alors prendre les décisions sans pouvoir me consulter. Margot et Mathilde apportent la mentalité et l’esprit de leur génération. Tout comme je l‘ai fait, il y a tant d’années. J’ai moi-même été élevée dans l’idée que tout tourne autour de la qualité du produit en lui-même.

Mes filles m’apprennent que l’on peut aussi créer une valeur ajoutée grâce à une bonne campagne de marketing ou aux médias sociaux. Grâce à Instagram, nos boutiques attirent désormais aussi un public plus jeune. Mes filles injectent également une nouvelle dynamique dans la conception. Les collections ont l’air plus jeunes. Notre principal groupe cible reste les femmes de 40 à 60 ans. Mais ce public évolue également. Une sexagénaire s‘habille aujourd‘hui beaucoup plus jeune qu’il y a 30 ans. Parfois, la frontière entre les affaires et la famille devient floue. En tant que famille, nous avons de très bonnes relations. Mais dans l‘entreprise, je dois parfois être stricte et mettre les choses au point. A table, mes filles parlent parfois de la patronne autoritaire que je suis. Et mes fils ont du mal à y croire. »

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