Delphine Kindermans
Moins avoir qu’être: la nouvelle perception de l’exclusivité
Des costumes coupés par les tailleurs de Savile Row depuis le début du XVIIIe siècle aux malles commandées à Louis Vuitton, il y a 150 ans déjà, par les riches voyageurs désireux de transporter leurs oeuvres d’art ou leurs robes couture, le sur-mesure n’a rien de neuf. En particulier dans la sphère du luxe, dont il constitue en partie l’essence. Il n’empêche…
L’intérêt croissant pour la customisation à laquelle on assiste aujourd’hui est révélateur d’une mutation profonde de notre perception de l’exclusivité, dorénavant synonyme moins d’avoir que d’être. Et ce sous forme d’expériences nous laissant croire que nous sommes uniques au monde. Il est vrai que le digital est passé par là, bousculant les codes…
u003cstrongu003eCe que cherche du0026#xE9;sormais le consommateur, davantage qu’une injonction, c’est une personnalisationu003c/strongu003e
Dès lors, l’accueil privilégié en boutique, les petites attentions et la relation entretenue au long cours avec le client sont devenus insuffisants pour fidéliser celui-ci. Soumis à une prolifération des manières de dépenser – Web, réseaux sociaux, applis… – il se montre versatile et, à eux seuls, clichés de stars arborant divers it bags, campagnes de pub ou logos emblématiques de maisons premium ne déclenchent plus l’acte d’achat.
u003cstrongu003eLe haut de gamme a donc fini par s’y engouffrer, et mu0026#xEA;me u0026#xE0; mettre les bouchu0026#xE9;es doubles pour rattraper l’avance prise par le sportswear u003c/strongu003e
Au départ sceptique quant à l’adéquation entre son public et les canaux numériques, le haut de gamme a donc fini par s’y engouffrer, et même à mettre les bouchées doubles pour rattraper l’avance prise par le sportswear – notamment Adidas, Nike ou Converse – qui avait compris avant lui que ce que cherche désormais le consommateur, davantage qu’une injonction, c’est une personnalisation. Ce mois de mars, Prada édite par exemple dix-huit modèles de souliers à décliner dans une série de cuirs ou de tissus de plusieurs coloris, unis ou imprimés. Libre à l’heureuse commanditaire d’y faire ajouter ses initiales ou un noeud détachable. La semelle de ces objets d’exception, elle, existe en noir, bleu ciel ou muguet. Jusqu’à la boîte dans laquelle la précieuse paire sera livrée y sera assortie.
En multipliant ce genre de services online, les griffes prestigieuses reviennent en quelque sorte à leurs fondamentaux, qu’elles dépoussièrent, avec l’atout supplémentaire de soigner leur image en dévoilant leur héritage et leur savoir-faire inégalé. Justifiant, du coup, les montants hors normes de leurs produits. Un argument de poids à l’heure où un sac ou des chaussures n’ont plus forcément vocation à durer dans le temps.
Mais l’univers de la mode et des accessoires sont loin d’être les seuls à miser sur une hyperpersonnalisation. Au rayon beauté également, c’est une des grandes tendances mises en avant lors de nos Belgian Beauty Awards. Notre jury, composé pour la première fois des journalistes spécialisées de la plupart des titres féminins et lifestyle du pays, avait ainsi nominé, entre autres, My Rouge G de Guerlain proposant quinze capots différents signés par le joaillier Lorenz Bäumer. Ou encore la gamme Capture Youth de Dior et ses cinq nouveaux sérums à combiner, selon les besoins de la peau, à une base antioxydante. La crème de la crème du luxe, version 2019, dans tous les secteurs.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici