Quand Paul Smith rencontre Picasso
Paul Smith (76 ans) a quitté les bancs de l’école à l’âge de 15 ans et a présenté sa première collection masculine à Paris en 1976. Aujourd’hui, ses créations sont vendues dans 65 pays et il est le directeur artistique de la nouvelle exposition du Musée Picasso à Paris, qui ouvrira ses portes le 7 mars, pour le 50e anniversaire de la mort de l’artiste.
L’instant
« Ce n’est pas parce qu’on regarde qu’on voit forcément les choses. C’est quelque chose que m’a transmis mon père, un photographe amateur qui trouvait son inspiration dans la vie quotidienne. Enfant, je lui donnais un coup de main dans sa chambre noire, installée dans notre grenier, et cela me fascinait de voir comment il réussissait toujours à capturer l’instant. Si quelqu’un sautait par-dessus une flaque d’eau, mon père se tenait prêt. C’est le regard que j’essaie de poser sur le monde: si vos sens sont en éveil, chaque jour est source d’émerveillement. »
La passion
« Je dois tout ce que je sais de la confection de vêtements à ma femme Pauline. Elle a étudié la couture à Londres et m’a appris à coudre et à dessiner des patrons à la maison. Elle a également suscité mon intérêt pour les tissus et la construction textile. Cela me fait mal au cœur de voir comment cette passion semble s’effacer peu à peu dans le milieu de la mode, où tout semble tourner autour des données et du marketing de nos jours. Ceci dit, je suis content de ne pas avoir suivi un cursus dans le secteur. Si votre seul objectif est de créer de beaux vêtements, vous pouvez perdre pied avec le monde réel, or un entrepreneur a également besoin d’avoir les pieds sur terre. »
L’inspiration
« L’inspiration est partout. L’univers de Godard, les opéras de Bellini, l’architecture de Palladio, les couleurs de Matisse et de Monet: tout cela m’a toujours intéressé. Mais je ne suis pas un expert en art. C’était important pour moi que le Musée Picasso me donne carte blanche: une rétrospective classique, avec un ordre chronologique et des peintures accrochées à des murs nus, ce n’est pas moi. »
L’art
« La mode et l’art sont deux concepts différents. Certains créateurs de mode partent de leurs propres émotions et préoccupations et, en ça, se rapprochent de la démarche des artistes, mais soyons honnêtes: la plupart d’entre nous ne créent que des chemises, des costumes et d’autres pièces que les gens peuvent porter. Pour moi, cette approche n’a pas moins de valeur. Des vêtements bien conçus rendent les gens séduisants, confiants et plus encore. Ce n’est pas rien. »
La différence
« Plus personne n’a besoin d’un créateur de mode. Cela vaut pour de nombreux secteurs créatifs: nous vivons dans un monde d’abondance, et en même temps, on produit toujours plus de la même chose. Ne vous contentez pas de copier ce que font les autres, mais essayez plutôt de faire la différence. »
L’évolution
« L’art est un renouvellement dans le temps. Picasso a démarré comme sculpteur, créateur de bijoux et céramiste, entre autres, et a également expérimenté différents styles en tant que peintre. S’il ne les a pas toujours inventés lui-même, il a été influencé par ses contemporains, et ainsi, il est toujours resté moderne. Je suis dans le métier depuis 53 ans maintenant, et mon entreprise est toujours saine et indépendante. Mais si je n’avais pas vécu avec mon temps, cela fait belle lurette que j’aurais disparu du monde de la mode. »
L’opiniâtreté
« J’aime trop être occupé pour penser à prendre ma retraite. Imaginer de nouvelles collections, continuer de développer l’entreprise, lancer des collaborations comme celles avec la marque de meubles italienne De Padova ou le fabricant de vélos britannique Mercian: sans tout cela, je mourrais à petit feu. D’un autre côté, je veux aussi donner des opportunités à la nouvelle génération. J’ai eu la chance ces dernières années d’attirer des talents prometteurs et de les faire évoluer vers des postes plus élevés. »
L’instinct
« Faire confiance à son instinct demande parfois du courage. Je crois fermement au pouvoir de la spontanéité et à la force de l’idée initiale – trop cogiter influence rarement positivement le résultat final. Mais cela signifie qu’il faut aussi oser se lancer, quelles que soient les réactions que votre travail peut provoquer. »
L’enfant
« Le plus grand défi dans la vie est de garder son âme d’enfant. Ne pas laisser votre éducation et votre expérience vous entraver, mais garder un esprit libre. Les adultes sont rarement doués pour ça: plus on vieillit, plus on réfléchit avant d’agir et surtout, plus on trouve d’arguments pour ne pas faire les choses. L’opposé même de la spontanéité des enfants. Quand on reste ouvert d’esprit, chaque jour est un nouveau départ. »
Célébration Picasso, la collection prend des couleurs!, Musée Picasso, à 75003 Paris. Du 7 mars au 27 août. paulsmith.com, museepicassoparis.fr
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