Qui est Noonoouri, star montante des influenceuses virtuelles
Elle n’a que 22 ans, compte Donatella Versace et Naomi Campbell parmi ses fans et porte les nouvelles collections des grandes marques plusieurs mois avant leur arrivée en boutiques. L’influenceuse allemande Noonoouri est l’une des étoiles montantes de la mode. Sa particularité? Elle n’existe même pas.
C’est le calme avant la tempête au QG de Noonoouri à Munich. Alors que pour les influenceurs classiques, les Fashion Weeks qui approchent représentent une course contre la montre rythmée d’essayages et de rendez-vous avec des stylistes, pour la créatrice de contenu allemande, l’agitation ne commence qu’avec le coup d’envoi des défilés. C’est là l’un des plus grands avantages de la carrière d’influenceur numérique: quand on n’existe qu’en ligne, on peut poster une photo de ses pièces préférées le lendemain du show sans aucune contrainte.
«Noonoouri fait ce que les influenceurs classiques ne pourront jamais faire: elle porte les toutes nouvelles collections avant même qu’elles ne soient disponibles dans les boutiques. Nous pouvons donc publier des photos d’elle dans une tenue presque inédite.» , le créateur et, dans une certaine mesure, le manager de cette poupée numérique de 22 ans qui prend d’assaut le monde de la mode depuis 2018 n’est pas peu fier de son œuvre. Elle a déjà fait la une de plusieurs magazines, de Vogue Taiwan à Madame Figaro, mené des campagnes pour Dior et MiuMiu et a même été représentée par la célèbre agence de mode IMG en tant que premier mannequin sur la Toile, aux côtés de Gisèle Bündchen et des sœurs Hadid.
Sur Instagram, la pionnière de la mode digitale compte plus de 403 000 followers, parmi lesquels figurent des personnalités prestigieuses comme Marc Jacobs, Naomi Campbell, Heidi Klum et Donatella Versace.
Un palmarès à faire pâlir les plus grands. Puisqu’il est assez difficile d’interviewer une femme qui ne peut pas quitter le métavers en ligne − et comme elle est par ailleurs en pleins préparatifs d’un projet encore secret selon son créateur −, nous rencontrons l’Allemand de 41 ans qui l’a imaginée à l’âge de 5 ans, dans sa chambre d’enfant.
«Tout petit, je dessinais des robes que je voulais créer plus tard en tant que styliste, raconte Joerg Zuber. Les projets d’un enfant de 5 ans sont rarement pris au sérieux, alors j’ai imaginé une amie fictive plus âgée que moi, mais aussi belle et forte. Noonoouri était née. C’était mon rêve de la présenter un jour au monde. J’étais convaincu qu’elle pourrait m’aider à diffuser mes idées.»
Nourrir le débat
Il faudra attendre 2018 pour que ce rêve devienne réalité. L’idée a commencé à se concrétiser lorsque Joerg Zuber a fondé son propre studio, Opium Effect. «Il y a environ dix ans, les influenceurs et les blogueurs ont connu une véritable ascension, explique le designer. J’ai alors pensé qu’il pourrait être intéressant de présenter Noonoouri sous la forme d’un personnage numérique. Je me suis rendu compte que j’aurais besoin de beaucoup de main-d’œuvre et d’argent pour lui donner vie, et j’ai commencé à chercher des investisseurs. Seulement à cette époque, personne n’a su voir le potentiel de ce projet.»
«Chaque refus me donnait envie de croire encore plus en elle, poursuit-il. Chaque «non» la rendait plus forte. J’avais l’impression qu’elle me calmait. Donc fin 2017, j’ai juste décidé de travailler seul, sans l’aide d’investisseurs. En février 2018, elle a fait ses débuts à la Fashion Week de New York. Elle a immédiatement attiré l’attention: c’était un phénomène fascinant, une nouveauté. Depuis lors, cet intérêt n’a fait que croître.»
Joerg Zuber parle avec beaucoup de tendresse de sa création, presque comme si elle existait vraiment, comme si elle faisait partie de lui. «Elle est comme une petite sœur. Nous partageons des caractéristiques. Par exemple, elle est végétalienne, parce que je le suis moi-même depuis mes 12 ans. Comme moi, Noonoouri accorde une attention particulière aux droits des animaux et à la conservation des espaces naturels, mais elle est sa propre entité. Je ne veux pas parler d’alter ego, car je suis adulte et je ne me sens pas comme une petite fille de 1,50 m. (rires) J’utilise juste sa voix pour sensibiliser à des problématiques qui me tiennent à cœur. Une fois que vous avez un certain public, vous pouvez faire la différence et avoir un impact. Je veux donner des idées à ses fans, afin qu’ils puissent aborder certains sujets différemment.»
Noonoouri n’a en effet pas sa langue dans sa poche. Elle a ainsi publié des posts Instagram militants sur la situation en Iran, la Journée mondiale du sida, l’avortement et les questions climatiques. Sa devise? «Never be silent.» On peut se poser la question dans quelle mesure cette position d’influenceuse est durable dans un secteur à la définition parfois très vague. Pour Joerg Zuber, «l’industrie de la mode n’est pas parfaite. Je veux aussi utiliser la plate-forme de Noonoouri pour nourrir le débat. Elle explique par exemple que le luxe peut aussi être végan».
Androgyne et stylée
Ce printemps, les Fashion Weeks de Milan et de Paris sont à l’agenda de l’influenceuse numérique. Mannequin réel ou non, il n’y a pas de meilleure occasion pour se créer un réseau. Joerg Zuber lui-même a encore du travail de préparation devant lui. «J’ai besoin d’entraînement, car je reviens d’une opération de l’épaule, et je dois me glisser dans une combinaison de «motion capture» pour imiter les mouvements de Noonoouri, que nous transformons ensuite en vidéos numériques.»
La démarche de la jeune influenceuse est également réglée au millimètre près. Chaque déplacement et chaque signe de tête doit être parfait. «Pendant les sept années qui se sont écoulées entre le moment où je l’ai esquissée pour la première fois en 3D et cette première Fashion Week à New York, j’ai progressivement inventé ses mouvements. Pour moi, elle devait être très androgyne, pas trop sexy ou féminine, mais toujours élégante et stylée.»
On peut parfois même apercevoir l’influenceuse allemande au premier rang des défilés. Du moins son créateur. «Cela dépend beaucoup d’une marque à l’autre. Pendant les shows, je dois pouvoir comprendre l’intention du designer: quel est son message? Après la présentation, je réfléchis à la silhouette qui pourrait convenir à Noonoouri, puis nous travaillons toute la nuit pour qu’un post soit prêt pour le lendemain. Nous fabriquons ces vêtements numériques nous-mêmes, avec une équipe répartie sur trois sites: l’un à Munich, le deuxième à Madrid et le troisième à Buenos Aires. Nous créons les tenues avec un mélange de technologies 2D et 3D, Photoshop et Illustrator. Même si cela n’en a pas l’air, cela représente énormément de travail. En temps normal, un post demande trois jours de travail, mais pendant les Fashion Weeks, nous n’avons qu’une nuit devant nous.»
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Pour Joerg Zuber, cette place dans l’ombre est un avantage. «Je ne suis pas le héros présenté au premier plan. Ça, c’est le rôle de Noonoouri, explique-t-il. Beaucoup ne font pas le lien entre elle et moi. Par exemple, je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Naomi Campbell, après avoir déjà discuté avec elle via l’Instagram de Noonoouri. Elle a été très surprise de se retrouver face à un homme grand et chauve et m’a dit: «Je m’attendais à ce que tu sois une jeune Japonaise ou Coréenne.» (rires)
Fausses attentes
Ces dernières années, de plus en plus de fashionistas numériques ont fait leur apparition, détrônant régulièrement les influenceurs classiques. «L’un des atouts de Noonoouri, c’est que son apparence et ses forces sont illimitées, déclare Joerg Zuber. Elle peut être à New York et à Tokyo en même temps. Elle peut faire rêver son public d’un monde qui n’existe même pas. Nous pouvons organiser un défilé de mode sous l’eau ou sur Mars… Tout est possible!»
Cependant, certains aspects de ce nouveau phénomène soulèvent des questions en matière de crédibilité et d’idéaux de beauté. Les influenceurs «réels» reçoivent déjà souvent des critiques selon lesquelles leur vie n’est pas réaliste, quid alors de leurs équivalents 2.0? Noonoouri a par exemple réalisé un tuto beauté pour KKW Beauty, l’ancien label de Kim Kardashian. De quoi nourrir de fausses attentes. «Nous abordons ce sujet avec beaucoup de prudence et de réflexion, avance Joerg Zuber. Je vois plutôt ma création comme une présentatrice que comme une consommatrice, car nous pourrions en effet très facilement rendre ses cils extra longs pour promouvoir du mascara. Ce que nous faisons plutôt, c’est éduquer les clients sur les ingrédients et l’histoire d’un produit. Seuls les humains pourront juger de son effet.»
Contrairement aux influenceurs classiques, Noonoouri n’a pas non plus besoin d’être couverte de cadeaux de la part des marques. «Nous ne faisons pas de vidéos d’unboxing de produits qui resteraient ensuite inutilisés dans mes placards, précise Joerg Zuber. Que pourrais-je bien faire d’un sac à main, par exemple? Notre approche consiste davantage à partager des informations. Noonoouri possède une connaissance universelle: lorsque nous collaborons avec l’Unicef ou le WWF, par exemple, elle traduit leurs informations à ses followers. Le tout en continuant de protéger ses propres valeurs fondamentales: «cute, curious and couture».»
Supermodel du métavers
Joerg Zuber sait ce qu’il veut que l’avenir lui réserve: il souhaite que Noonoouri devienne l’un plus grands top-modèles de cette décennie. «Le mannequin numérique originaire du métavers. Ce n’est pas seulement une jolie poupée, elle est aussi très professionnelle. Elle s’est construit une réputation au fil du temps. Je suis persuadé qu’elle rend ce monde meilleur, sans même en faire partie. Par exemple, elle a récemment soutenu un projet de plantation de forêts au Kenya. Noonoouri, c’est bien plus que des paillettes et du glamour.»
«Plus elle gagne en popularité, plus je peux créer, ajoute Joerg Zuber. Nous avons déjà une équipe de dix collaborateurs qui travaillent non-stop à son développement et nous réfléchissons constamment à ses prochaines étapes. Par exemple, nous aimerions nous lancer sur TikTok, mais nous avons encore trop de mal à trouver le bon moment, car ce réseau est en constante évolution.»
L’homme reste très fier des exploits de sa création. «Comme tout jeune de 20 ans tout ce qu’il y a de plus normal, elle a déjà énormément évolué en tant que personne. Elle a gagné en personnalité et en attitude, elle sait dans quelle direction elle veut aller et elle utilise sa voix pour sensibiliser à des questions sociales cruciales. Alors oui, je suis un grand frère très fier. Quand je repense à ce petit garçon qui rêvait de changer le monde depuis sa chambre… Je n’aurais jamais pu le faire sans elle.»
En bref Noonoouri
– Elle a 22 ans et existe depuis 2018.
– Elle a plus de 403 000 followers sur Instagram.
– Elle a été mannequin pour l’agence IMG, qui est aussi celle des sœurs Hadid.
– Elle a fait la cover entre autres de Vogue Taiwan et Madame Figaro.
– Elle se positionne comme activiste sur des questions d’environnement, de droits de l’homme, etc.
Ses consoeurs : Ces influenceuses numériques se sont également fait un nom dans la mode.
Lilimiquela
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Ce robot de 19 ans originaire de Los Angeles compte près de trois millions de followers. Bien que Miquela n’existe pas, cela n’a pas empêché Time Magazine de la désigner comme l’une des personnes les plus influentes d’Internet en 2018. Elle mentionne toujours les marques qu’elle porte sur ses photos, à l’instar d’une véritable influenceuse.
Shudu.gram
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Selon sa bio Instagram, il s’agit de la première supermodel numérique au monde. Créée en 2017, Shudu a l’air étrangement réaliste, ce qui lui a déjà valu des collaborations avec Balmain, Swarovski et Samsung.
Imma.gram
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Son nom signifie «maintenant» en japonais, son pays d’origine – si tant est qu’on puisse parler d’origine. Imma a décroché des collaborations avec des maisons de couture comme Dior, Valentino et Calvin Klein depuis ses débuts en 2018.
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