Hissez haut les voiles, la mode de l’été fait la part belle aux marinières, aux robes sirène ainsi qu’aux matières et make-up nacrés. C’est le moment de surfer sur la vague.
L’été sera marin si l’on en croit les défilés de la saison, qui ont été marqués par une déferlante de jupes sirène, looks et sacs en filet (Alaïa), maillots de bain ou Bikinis portés en top (Chloé), paillettes, bijoux en coquillages et autres motifs «poisson». Christian Louboutin a même fait nager l’équipe Olympique française de natation synchronisée avec ses escarpins métalliques Miss Z aux pieds, dans la piscine Molitor à Paris.
Certaines tenues viennent tout droit de la garde-robe des matelots: cirés jaunes (Prada), chaussures bateau (Miu Miu, Bottega Veneta), sandales de pêcheur (Marni, The Row), cabans (Loewe, Max Mara) et ici et là un chapeau de marin (Moschino). A New York, Tommy Hilfiger a pris le contrôle d’un vieux ferry avec ses mannequins pour nous livrer une interprétation preppy du look naval. Et ça ne s’arrête pas là. L’esthétique nautique a été adoptée par d’autres maisons encore. C’est ainsi que le col marin (Chanel, Moschino) a été remis au goût du jour.
La vie à la marine
En 1846, la reine Victoria d’Angleterre fait confectionner un uniforme de matelot pour son fils Albert Edward – futur roi Edward VII – alors âgé de 4 ans, afin qu’il ne détonne pas à bord du yacht royal. La tendance des costumes de marin est lancée. A la fin des années 1920, ce style est très en vogue, popularisé par les films En suivant la flotte avec Fred Astaire et Ginger Rogers et Give Me a Sailor avec Betty Grable. En 1927, Elsa Schiaparelli tricote un pull marin. Mais les années 1980 voient également le retour en force de la robe à col carré, ultrapopulaire sur les photos de communion et particulièrement appréciée de Lady Di. Aujourd’hui, ce look est toutefois libéré de son côté enfantin grâce à Miu Miu qui l’a intégré dans un cardigan bleu, porté entre autres par l’icône de la mode Alexa Chung.
La rayure bretonne, aussi française que le béret et la baguette, a lui aussi le vent en poupe. Depuis 1858, la marinière fait officiellement partie de l’uniforme de la marine française, car les rayures ressortent mieux sur l’eau. Elle est l’un des premiers vêtements de travail à avoir été à la mode. En 1912, Gabrielle Chanel l’introduit, avec le pantalon de marin, dans sa boutique de Deauville. Mais le pull était déjà un symbole de l’émancipation des femmes avant cela, puisque l’autrice française Colette le portait à la fin du XIXe siècle.
Le mermaidcore, qui semblait au départ n’être qu’une tendance éphémère sur TikTok, n’est pas près de disparaître.
Dans le livre Nautical Chic, l’historienne de la mode britannique Amber Butchart souligne le rôle de Gerald et Sara Murphy, deux expatriés américains échoués sur la Côte d’Azur et immortalisés sous les noms de Dick et Nicole Driver dans Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald. Ceux-ci distribuent ces pulls à leurs amis, l’élite sociale de l’ère du jazz, qui les ajoutent à leur garde-robe décontractée dans les cercles artistiques. La pièce se fraie rapidement un chemin auprès des artistes, des intellectuels et des écrivains, à l’image de Fitzgerald lui-même. Elle fait partie du style French Riviera, et a Brigitte Bardot et Jane Birkin pour porte-drapeaux.
Dans les années 1960, cette icône – avec le caban jusqu’alors strictement réservé aux marins – fait son apparition dans la première collection d’Yves Saint Laurent, printemps-été 1962. Au cinéma aussi, il n’est plus réservé aux marins, comme en témoignent Jean Seberg dans A bout de souffle, Jeanne Moreau dans Jules et Jim, Audrey Hepburn dans Voyage à deux et Liz Taylor dans Las Vegas, un couple. Des artistes tels que Man Ray, Ernest Hemingway, Picasso, Jackson Pollock, Andy Warhol et Robert Mapplethorpe sont photographiés avec cette pièce sur le dos, tout comme Dean, Marilyn Monroe, Madonna, Kate Moss et Kurt Cobain.
Ce motif rayé continuera d’inspirer les créateurs, de Jean Paul Gaultier – dont il fait partie de l’identité visuelle depuis les années 1980 – à Comme des Garçons. Mais depuis la microtendance French Girl de l’été 2024, ce classique est remis à l’honneur, Rabanne, Prada et Dior, entre autres, l’ayant intégré à leur collection estivale.
Confort et nostalgie
L’uniforme de marin est par ailleurs aussi un vêtement de travail, fonctionnel, simple et résistant à l’épreuve du temps, comme le workwear unisexe cher aux créateurs ces dernières années. On peut donc difficilement faire un faux pas fashion, et ce ne sont pas Katie Holmes et Gwyneth Paltrow, expertes en la matière et adeptes des sandales de pêcheur, qui diront le contraire. L’esthétique «fisherman» offre des tenues confortables, robustes et pourtant élégantes qui nous arment dans les eaux tumultueuses dans lesquelles la société nage aujourd’hui. Elle allie une qualité intemporelle à une touche de nostalgie – celle de votre enfance insouciante, de vos vacances sur la Côte d’Azur, des discussions au Café de Flore…
Le grand bleu
Mais l’uniforme de marin n’est pas la seule tendance estivale inspirée par les flots. Un style vestimentaire différent s’impose également dans les collections. Nos préoccupations concernant le climat et les océans se reflètent aussi sous la forme d’un hommage au grand bleu. De nombreuses collections se sont parées de cette couleur, du bleu glacier chez Prabal Gurung et Chloé, au marin chez The Attico et Roberto Cavalli, en passant par le bleu profond chez Ralph Lauren et JW Anderson. Si le choix de cette nuance n’a rien de surprenant pour une collection d’été, la façon dont elle est utilisée si. Avec des couches ondulées, de la transparence, des tissus brillants, des paillettes, des matériaux métalliques et scintillants, les créateurs jouent avec la lumière et imitent les vagues, des mers agitées aux mouvements plus subtils. Les silhouettes fluides et longues jusqu’au sol apportent un côté sirène. Le mermaidcore, qui semblait au départ n’être qu’une tendance éphémère sur TikTok, n’est ainsi pas près de disparaître.
A l’été 2024, Simone Rocha, créatrice invitée chez Jean Paul Gaultier, a fait défiler des princesses aux allures océanes. Depuis, ce style apparaît aussi sur le tapis rouge. On pense à la cérémonie des Golden Globes de janvier dernier notamment, avec Naomi Watts en bustier Schiaparelli, Justine Lupe en Prada bleu marine, Michelle Yeoh en Balenciaga et Demi Moore en Armani Privé métallisé et strass. Chez Roberto Cavalli, Fausto Puglisi propose pour l’été 2025, outre des looks marins, des robes sirène façon soleil couchant.
Le secteur de la beauté n’est pas oublié, lui qui s’inspire également de cet univers, avec des tendances maquillage qui semblent tout droit sorties de l’océan: touches scintillantes, ombres à paupières brillantes, peau nacrée, lèvres laquées et cheveux longs et ondulés, de préférence agrémentés d’un coquillage. Autre nouveauté, le Dark Siren Make-up est une variante plus sensuelle et légèrement grunge qui s’inspire du #WitchTok, à grand renfort d’eye-liner noir, d’ombre à paupières foncée et de lèvres années 1990. On l’a repéré chez Charli XCX, et quand la chanteuse s’y met, la tendance n’est jamais loin.
L’esthétique « fisherman » offre des tenues confortables, robustes et pourtant élégantes qui nous arment dans les eaux tumultueuses dans lesquelles la société nage aujourd’hui.